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01/02/2015
Johann Sebastian Bach : Cantate «Gottes Zeit ist die allerbeste Zeit», BWV 106 (Actus tragicus) – Oratorio de Pâques, BWV 249
Hannah Morrison (soprano), Meg Bragle (alto), Nicholas Mulroy (ténor), Peter Harvey (basse), The Monteverdi Choir, The English Baroque Soloists, John Eliot Gardiner (direction)
Enregistré au Cadogan Hall, Londres (24-26 juin 2013) – 60’15
Soli Deo Gloria SDG 719 – Notice exhaustive (en anglais, allemand et français) de John Eliot Gardiner et traduction des textes chantés


Must de ConcertoNet





John Eliot Gardiner vient de publier un livre tout à fait passionnant de plus de 700 pages intitulé Musique au château du ciel. Un portrait de Jean-Sébastien Bach (Flammarion, novembre 2014), au début duquel il écrit: «J’ai grandi sous les yeux du Cantor» (page 29). Outre qu’il s’agit d’une vérité physique, pourrait-on dire, puisqu’un des portraits de Bach (peint par Haussmann) les plus connus au monde a longtemps trôné en haut d’un escalier de la maison de ses parents à qui il avait été confié pendant la guerre, il s’agit tout autant et même davantage d’une vérité musicale. Car s’il est un interprète avisé de Händel, Rameau, Berlioz et bien d’autres compositeurs, qu’il a souvent sortis de l’oubli et défendus avec maestria, Gardiner a toujours dirigé et enregistré Bach.


Après s’être lancé dans le désormais fameux «Bach Cantata Pilgrimage», entamé le jour de Noël 1999, et qui a vu la création de sa propre maison d’édition Soli Deo Gloria, Gardiner n’a cessé de multiplier les concerts dédiés à l’œuvre de Johann Sebastian Bach (1685-1750) avec une réussite musicale et un succès public qui ne se sont jamais démentis. Et ce n’est pas ce nouveau disque qui va inverser la tendance!


Même si la cantate Gottes Zeit ist die allerbeste Zeit, également connue sous le titre d’Actus tragicus, a été enregistrée à plus d’une reprise (y compris par Gardiner lui-même, une première fois, en septembre 1989 pour les micros d’Archiv Produktion), voici certainement une des versions les plus convaincantes qui nous soient proposées, étant à la fois extrêmement réfléchie et magnifiquement interprétée. Extrêmement réfléchie car, si elle est moins célèbre que bien d’autres cantates de Bach, elle est essentielle aux yeux de Gardiner qui, signe qui ne trompe guère, lui consacre près de dix pages dans son livre (la notice de la jaquette du présent disque reprenant d’ailleurs en partie les pages 202 à 209, expurgées de nombreux détails pourtant fort instructifs). Dès la Sinfonia inaugurale, la simplicité de la mélodie est transfigurée par un incroyable sens de la respiration et par l’amplitude que lui confèrent les deux flûtes à bec, épaulées de seulement deux violes de gambe et d’une basse continue (un violoncelle et un orgue). Sans fioriture inutile, l’orchestration permettra à l’auditeur d’entendre de nouveau ces flûtes dans le Choral conclusif mais les instruments sont là, plus que dans bien d’autres œuvres du Cantor, au service exclusif des mots, le texte important seul et devant avant tout frapper les esprits. Qu’il s’agisse d’asséner certaines vérités au croyant («solange er will» entend-on à un moment, que l’on pourrait presque traduire par «c’est Dieu qui décide seul, c’est comme ça et vous n’y pouvez rien, vous pauvre mortel»), de lui rappeler à chaque instant la présence réelle ou potentielle de la mort ou, au contraire, à l’image des appogiatures instrumentales conclusives d’adresser un pied-de-nez à la mort (elle est là, certes, mais on va tout de même continuer à vivre pleinement), le texte est ici d’une importance capitale. Et, qu’il s’agisse des solistes ou de l’impeccable Chœur Monteverdi, chaque mot, chaque syllabe est idéalement délivrée à l’auditeur, renforçant en fin de compte l’impression que laisse l’œuvre sur ce dernier.


Changement total de tonalité ensuite avec l’Oratorio de Pâques, qui débute aussi par une Sinfonia, mais des plus brillantes cette fois-ci, avec forces trompettes, hautbois, timbales et cordes vigoureuses, ici magnifiquement enregistrées (un brin de réverbération conférant un surplus de solennité à un passage qui en est d’ores et déjà empli), ce passage étant ensuite peu ou prou repris afin d’accompagner le premier chœur. Sur le plan instrumental d’ailleurs, on admire chaque intervention des musiciens des English Baroque Soloists, comme ces flûtes qui, dans l’air du ténor «Sanfte soll mein Todeskummer», semblent voleter comme ces nuées d’anges que l’on peut voir sur certains tableaux religieux (Le Jugement dernier de Jan van Eyck ou de Lucas van Leyden par exemple). Si aucun des solistes ne souffre de reproche, on signalera néanmoins que Hannah Morrison nous offre un excellent «Seele, deine Spezerein» tandis que l’alto Meg Bragle nous emporte dans son air «Saget, saget mir geschwinde», qui mime parfaitement l’empressement à vouloir retrouver le Christ ressuscité. Bien que cet oratorio ait eu du mal à trouver sa place au sein de l’œuvre de Bach (on remarquera d’ailleurs que Gardiner lui-même ne s’étend guère sur cette composition à laquelle, dans son livre, il ne fait qu’une fois référence, page 415), le chef anglais en donne là une version des plus enthousiasmantes.


Il pouvait sembler hasardeux, voire iconoclaste, de joindre dans un même disque deux cantates aussi dissemblables, l’une tournée vers la mort, l’autre résolument vers la vie: ce n’est pas le moindre mérite que l’on puisse adresser ici adresser à Gardiner, qui s’impose décidément comme un des plus grands interprètes de Bach que l’on puisse connaître à l’heure actuelle.


Le site du Monteverdi Choir et des English Baroque Soloists
Le site de Hannah Morrison
Le site de Meg Bragle
Le site de Nicholas Mulroy
Le site de Peter Harvey


Sébastien Gauthier

 

 

 

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