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09/25/2014
«The Moth Requiem»
Harrison Birtwistle : The Ring Dance of the Nazarene – Three Latin Motets – Carmen Paschale – Lullaby – On the Sheer Threshold of the Night – The Moth Requiem

Roderick Williams (baryton), BBC Singers, Nash Ensemble, Nicholas Kok (direction)
Enregistré aux studios de la BBC, Londres (20-22 septembre 2012 et 9 janvier 2013) – 74’05
Signum Classics SIGCD368 – Notice (en anglais) de John Fallas

 Sélectionné par la rédaction





2014 est l’année des quatre-vingts ans de Sir Harrison Birtwistle (né en 1934) et celle des quatre-vingt-dix du Chœur de chambre de la BBC (fondé en 1924), qui fête ce double anniversaire en proposant six œuvres avec chœur tirées du vaste catalogue du compositeur, trois a cappella et trois avec ensemble instrumental. Sir Harrison Birtwistle a toujours porté un intérêt certain à la mythologie, à la tragédie antique, à l’esprit du rituel originel, aux structures polyphoniques ou monodiques de la musique médiévale, à Messiaen et à l’avant-garde européenne, dont Boulez et Stockhausen, et c’est dans le creuset de sa créativité que ces diverses influences se fondent pour faire place à une écriture indépendante, des rythmes et sonorités sismiques de pièces telles Panic et Earth Dances à la luminosité de son art vocal dont le présent enregistrement rend pleinement compte.


La pièce maîtresse du programme est certainement l’extraordinaire Moth Requiem (2012). Les mêmes interprètes qui en assurèrent la première britannique en 2013 livrent ici une prestation déjà pleinement maîtrisée. Ecrit pour un effectif plutôt original – chœur de femmes à douze voix, flûte alto et trois harpes – le Requiem est une méditation sur le chagrin et la mort, non dénuée d’accents de révolte. Birtwistle l’aborde de manière oblique s’inspirant d’un poème de Robin Blaser qui évoque un papillon de nuit (moth) qui frôle les cordes d’un piano à queue dont le couvercle abaissé le retient prisonnier. Au poème éclaté en syllabes qui se superposent, Birtwistle ajoute les noms latins de papillons de nuit disparus ou en voie de disparition mais le ton élégiaque et l’expression implicite d’une affliction et d’un dies irae intimes touchent à l’universel. Les douze voix le plus souvent individualisées créent tantôt un voile de sons diaphanes tantôt un chevauchement de rythmes tronqués à contretemps et de pauses suspensives selon la technique ancienne du hoquet. Les instruments traités en solistes font appel aux techniques avancées, les harpes pointillistes, cristallines ou percussives sur un large ambitus, la flûte alto lyrique en contrepoint des voix ou en ornement scintillant de l’ensemble. C’est un labyrinthe de sons d’une précision redoutable mené à bien par Nicholas Kok grâce à la musicalité intelligente des deux ensembles.


Carmen Paschale s’inspire des images mystiques d’un poème pascal du IXe siècle. Composée en 1965, c’est la partition la plus ancienne du programme et le traitement du chœur est moins complexe, malgré l’originalité relative de son contrepoint, les quatre pupitres jamais divisés et parfois à l’unisson. Une flûte seule vient momentanément accompagner le chœur, sa longue ligne mélodique virevoltant comme l’oiseau qu’elle dessine. L’ambitieuse Ring Dance of the Nazarene date de 2003. Le contraste en facture et en durée entre les deux pièces ne pourrait être plus grand. D’une grande complexité rythmique et verticale, la Ring Dance pour chœur mixte et ensemble à vents (bois), met en scène le Christ des Actes de Jean apocryphes, la danse évoquant un rituel ancien, ensuite proscrit par l’Eglise, marqué ici par un tambour iranien. L’excellent Roderick Williams en est le soliste, sa sensibilité expressive épousant le phrasé birtwistlien avec adresse comme dans Bogenstrich enregistré en l’honneur des quatre-vingts ans de Sir Harrison également. Le chœur britannique gère bien le style plus éclaté de l’ensemble, les parties souvent en antiphonie ou en répons à la manière médiévale, le chant alternativement heurté, agité ou étale comme les lignes acrobatiques des bois de l’agile Nash Ensemble sous la direction de Kok.


Le Chœur de chambre de la BBC interprète a cappella On the Sheer Threshold of the Night (1980), les trois Motets (1999) et Lullaby (2006), miniature pour sopranos divisés limpide, délicate et tendre, qui relie notre siècle à la Renaissance avec grande subtilité. C’est un tour de force en soi réitéré pour les trois Motets sur des textes en latin de Thomas d’Aquin, le chœur maintenant à six pupitres divisés aux doux harmoniques sans doute plus résolument contemporains. La belle transparence des voix de soprano est un trait récurrent de la musique vocale de Birtwistle que l’on retrouve pleinement lors de l’envergure d’On the Sheer Threshhold of the Night (Au seuil même de la nuit) avant la montée en tension qui annonce l’agitation centrale et la menace contenue des miroitements conclusifs, finement resserrés. Les quatre parties, chacune à quatre voix indépendantes permettent une grande complexité texturale et sonore dont le Chœur de la BBC assure avec maîtrise la mise en place délicate. Le texte en latin de Boèce met en scène le mythe d’Orphée. Birtwistle fait surgir les trois voix solistes du chœur avec un effet saisissant, Eurydice, soprano, Hadès, basse et Orphée à la troublante voix double, alto et ténor.


La rareté du programme, la beauté des pièces et la maîtrise des interprètes ne pourront que réjouir le mélomane jusqu’au plus exigeant.


Le site du Chœur de chambre de la BBC
Le site de l’Ensemble Nash


Christine Labroche

 

 

 

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