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08/30/2014
1900-1960. L’Opéra de Paris. Une histoire sonore
788’26
Coffret de dix disques Opéra national de Paris/Malibran CDRG215


 Sélectionné par la rédaction





Disons en préambule ce qui réduit l’intérêt d’acquérir ce nouveau coffret de dix disques coédité par l’Opéra national de Paris et Malibran. Le plus précieux de ces archives sonores du chant lyrique, interprétées principalement par des artistes français, a déjà été publié en 2003 et 2004 par EMI Classics dans deux coffrets, «Le Chant français - Les années Pathé (1948-1965)» et «Les Introuvables du chant français» comportant respectivement dix et huit disques. Les passionnés de ce type d’archives, prêts à passer sur leurs limites sonores, même si chaque décennie apporte un progrès dans leur restauration, possèdent déjà l’essentiel du trésor. Restent évidemment quelques nouveautés, voire des inédits, qui ne manqueront pas d’inciter les plus motivés à acquérir ce qui fait la différence. Et, bien évidemment, qui ne possède rien pourra s’aventurer dans cette jungle qu’est l’archivage du chant bien ciblé sur le répertoire de l’Opéra de Paris de la première moitié du siècle dernier, principalement le très long «règne» de Jacques Rouché. Mais, et c’est une limite importante, il devra le faire sans autre appui didactique que l’iconographie somptueuse réunie en une présentation luxueuse et claire et les excellents textes de Christophe Ghristi et José Pons qui sont plus érudits que didactiques. Le chemin qui mène d’une archive à l’autre est chaotique, incertain, excitant pour certains mais peut décourager d’autres.


Cela dit, l’entreprise est admirable, la collection grandiose – on en signalera les pépites les plus notables – mais présente aussi dans ses choix un certain nombre d’éléments secondaires. Disons que la force de cette sélection est le chant français. Wagner et Verdi qui constituaient à eux deux au siècle dernier un pan énorme du répertoire de la «Grande Boutique» sont les moins bien servis; on conseillera comme substitut ou comme complément deux monuments dressés à leurs gloires par EMI Classics: «Les Introuvables du chant verdien» (huit disques) et «Les Introuvables du chant wagnérien» (quatre disques) parus respectivement sur microsillon en 1986 et 1991.


Impossible de citer tout ce qui fait la richesse de ce coffret! Il y a bien sûr les valeurs sûres que sont Régine Crespin (Maréchale, Desdemona), Gabriel Bacquier (Scarpia, Orphée), Eidé Norena (Gilda), Georges Thill (Roméo, Faust de Berlioz), Gabrielle Ritter-Ciampi (Susanna, Juliette), Alain Vanzo (mémorable Faust), José Luccioni (Samson), Denise Scharley (Dalila), Ninon Vallin (Thaïs), Vanni-Marcoux (Boris), Rita Gorr (Sphinge d’Œdipe, Médée), Guy Chauvet (Alceste), César Vezzani (La Juive), Léon Campagnola (L’Africaine), Mado Robin (époustouflante dans les deux airs de la Reine de la Nuit). Suzanne Balguerie dans «O malheureuse Iphigénie» de Gluck (1932) est aussi sensationnelle.


Tout cela était déjà publié et republié séparément ou dans des anthologies, voire disponible sur YouTube. Un grand mérite de ce coffret est de rendre justice à d’immenses artistes de l’Opéra de Paris qui n’ont pas eu les honneurs du studio et que leurs admirateurs recherchent inlassablement dans les archives des radios ou les enregistrements privés (dits «pirates») dont l’apparition et la disponibilité sont aléatoires. Citons principalement Suzanne Sarroca, présente plusieurs fois dans ce parcours, admirable Senta (des extraits du Vaisseau fantôme en français ont étés disponibles sur 33 tours avec Ernest Blanc en Hollandais chez Deutsche Grammophon) et dans l’ineffable duo final du premier acte du Chevalier à la rose avec Crespin enregistré lors d’un concert de la RTF en 1962 sous la direction de Louis de Froment. Michel Sénéchal dans la chanson d’Hylas des Troyens de Berlioz en est un autre exemple.


Autre point fort, l’exploitation d’un répertoire rare. Inconditionnels de Massenet, à vos platines! Un disque entier lui est consacré et, à côté des déjà rares Esclarmonde (Maria Kouznetzoff) et Grisélidis, voici les rarissimes Ariane, Roma, Le Mage, par des interprètes vraiment confidentiels, et aussi Le Roi de Lahore ainsi que Le Cid. De même pour Gounod avec Le Tribut de Zamora, Polyeucte, Sapho (Félia Litvinne pour «O ma lyre immortelle») et Saint-Saëns: Déjanire, Les Barbares, Henri VIII, Hélène et Ascanio. Les disques consacrés à Lalo, Reyer, Chabrier, Bruneau, Février, d’Indy, Leroux, Dupont, Magnard, Canteloube, Rabaud, Enesco, Honegger, Ibert, Hue, Dukas sont garantis «pure rareté» mais très discutables par leur qualité sonore et souvent artistique.


Au chant non français, hormis Wagner et Verdi, est consacré un disque qui contient aussi quelques perles. Citons l’air d’Agathe du Freischütz par Germaine Lubin et l’Hymne au soleil du Coq d’or par Eidé Norena. Les inédits enfin: L’Aiglon d’Honegger et Ibert avec Géori Boué (1956), Geneviève Moizan et Joseph Peyron dans La Chartreuse de Parme d’Henri Sauguet (1958) et de larges extraits des mythiques Indes galantes de Rameau de 1952 mises en scène par Maurice Lehmann sous la direction de Louis Fourestier (bande radio de 1954) avec rien moins que Rita Gorr, Suzanne Sarroca, Jacqueline Brumaire, Janine Micheau, Henri Legay et Géori Boué, cela ne se retrouve pas ailleurs. Dernier atout et pas le moindre de ce coffret de treize heures de musique: son prix! On peut oublier les quelques réserves...


Olivier Brunel

 

 

 

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