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08/16/2014
«The Berliner Philharmoniker under Herbert von Karajan for the first time after W.W.II in the USA»
Wolfgang Amadeus Mozart : Symphonie n° 35 «Haffner» en ré majeur, K. 385
Richard Strauss : Till Eulenspiegel lustige Streiche, opus 28
Johannes Brahms : Symphonie n° 1 en ut mineur, opus 68
Ludwig van Beethoven : Symphonie n° 8 en fa majeur, opus 93 (*)

Berliner Philharmoniker, Herbert von Karajan (direction)
Enregistré en public au Constitution Hall, Washington (27 février 1955) et au Royal Festival Hall, Londres (17 avril 1961) [*] – 109’25
Album de deux disques Andromeda ANDRCD 9120





Les années 1954-1955 sont bien évidemment fondamentales dans les relations nouées entre Herbert von Karajan (1908-1989) et l’Orchestre philharmonique de Berlin. Comme cela a déjà été signalé dans notre présentation du livre de Klaus Lang, Celibidache et Furtwängler, lorsque Karajan dirige le Philharmonique le 23 septembre 1954, ce n’est que la deuxième fois depuis l’après-guerre, par ailleurs trois jours après ce qui devait être le dernier concert donné par Wilhelm Furtwängler, qui décède le 30 novembre. Comme le détaille Richard Osborne dans sa monographie consacrée au chef autrichien, (Herbert von Karajan. A life in music, Norteastern University Press, pp. 370 sq.), André Mertens, vice-président de la Columbia Artists, qui organisait alors de nombreux concerts aux Etats-Unis d’Amérique, demanda personnellement à Karajan d’assurer la grande tournée américaine que les Berliner Philharmoniker avaient initialement prévu d’effectuer sous la conduite de Furtwängler au début de l’année 1955. C’est donc quelques jours après que les premières pièces du contrat qui devait faire de Karajan le chef à vie du Philharmonique furent signées avec les autorités politiques allemandes que la tournée américaine débuta, commençant donc par le présent concert donné à Washington le 27 février 1955. Si l’accueil fut chaleureux et le succès assuré, quelques protestations eurent lieu en revanche par la suite lors des concerts donnés à Philadelphie (Eugène Ormandy ayant même refusé de serrer la main de Karajan) et à New York, où l’on attaqua le chef sur son passé national-socialiste (cf. Osborne, pp. 377 sq.).


Les deux disques présentés ici reprennent la bande qui retransmettait ce concert en direct à la radio allemande, la représentation commençant d’ailleurs par une intervention du présentateur puis, une fois les artistes entrés sur scène, par les hymnes américain et allemand.


Pour commencer ce programme typiquement «karajanesque» (programme à l’origine tout aussi typiquement «furtwänglerien»...), la Trente-cinquième Symhonie «Haffner» de Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791). Partition familière de Karajan – il l’avait déjà enregistrée à la tête de l’Orchestre symphonique de la RAI de Turin en octobre 1942, témoignage jadis publié dans la série des «First Recordings» du maître chez Deutsche Grammophon dans un disque y associant également les Quarantième et Quarante-et-unième –, il s’agit là sauf erreur du second enregistrement en concert de cette symphonie par Karajan puisqu’on dispose par ailleurs de celui du 29 juillet 1957, capté au festival de Salzbourg (le disque ayant été édité chez Deutsche Grammophon dans la collection «Festspiel Dokumente»). Les tempi sont vifs, à peu de choses près identiques à ceux de l’enregistrement turinois, et Karajan emporte le tout avec à la fois une rapidité et une finesse qui témoignent d’une compréhension assez instinctive entre un chef et un orchestre qui ne s’étaient pourtant encore guère fréquentés. Le Finale (Presto) manifeste notamment un enthousiasme véritablement contagieux.


Si la bande est perfectible, le résultat est tout aussi convaincant dans Till Eulenspiegel de Richard Strauss (1864-1949) que, là aussi, Karajan avait déjà enregistré, cette fois-ci à la tête du Philharmonia, en décembre 1951 (Testament). L’énergie de l’orchestre, notamment dans les tutti précédant la mise à mort de Till, les traits humoristiques de la partition (les glissandi du violon solo, les interventions des clarinettes...): rien ne manque à l’appel et quelques cris, que l’on perçoit au travers des applaudissements, témoignent de la forte impression que l’interprétation a pu faire sur le public d’alors.


La Première Symphonie de Johannes Brahms (1833-1897) fait également partie des œuvres qui auront accompagné Karajan tout au long de sa vie. Comme le souligne à juste titre Richard Osborne, l’interprétation que l’on peut entendre ici doit beaucoup au style de Furtwängler. Les tempi, tout d’abord, sont extrêmement mesurés. Qu’on en juge! Alors qu’un des lieux communs circulant sur Karajan veut que celui-ci n’ait cessé d’étirer ses interprétations au fil de l’âge, le premier mouvement fait ici 14’24 alors qu’il ne dure que 13’22 dans le cadre de sa dernière intégrale berlinoise publiée chez Deutsche Grammophon (l’enregistrement en concert de la Première datant du mois de janvier 1987) et fait 13’37 dans son ultime version captée à Londres en octobre 1988 (Testament). De même, le deuxième mouvement dure 9’01 contre 8’22 en 1987 et 8’50 en 1988. Même si l’on ne sent pas encore la pleine maîtrise de l’orchestre par le chef, Karajan conduit l’ensemble avec une poigne indéniable. Le premier mouvement résonne parfaitement, les cordes berlinoises faisant montre d’un legato qu’aimait Furtwängler et que Karajan n’aura de cesse de cultiver et d’améliorer au fil de sa collaboration avec les Berliner Philharmoniker. Si le deuxième mouvement n’avance peut-être pas assez et se révèle trop contemplatif, on n’en dira pas autant des deux autres et, notamment, de l’Allegro non troppo, ma con brio qui conclut la symphonie de façon assez impressionnante. La qualité d’écoute n’est pas toujours au rendez-vous (les cuivres saturant parfois dans le quatrième mouvement) mais l’intérêt historique de cet enregistrement est évident.


Dommage d’ailleurs que l’éditeur n’y ait pas ajouté le bis d’alors puisque, si l’on en croit les informations données par Richard Osborne, Karajan fit entrer quatre trombones à la fin du concert pour diriger l’Ouverture de Tannhäuser. En guise de complément, voici en revanche une autre symphonie, de Beethoven cette fois-ci (la Huitième en l’occurrence), enregistrée également en concert mais à Londres, avec Berlin, en avril 1961. Cette interprétation précédait celle de la Neuvième (avec, comme solistes, Wilma Lipp, Christa Ludwig, Fritz Wunderlich et Franz Crass), quatrième concert d’une série où fut donnée l’intégrale des Symphonies de Beethoven. Même si le son est moins bon que dans l’enregistrement précédent, on sent la plus grande maîtrise de l’orchestre par Karajan: le premier mouvement (Allegro vivace e con brio) est superbe, emportant tout sur son passage avec des moments de vraie finesse comme lors de l’intervention du basson et de la clarinette. Même si le troisième mouvement (Tempo di Minuetto) se révèle un peu pesant, c’est le dernier mouvement (Allegro vivace) qui, à l’instar de Brahms précédemment, nous fait chavirer par son énergie: n’oublions pas que, quelques mois plus tard, en janvier 1962, cette même Huitième sera enregistrée par Karajan et Berlin dans le cadre de leur première intégrale avec le succès que l’on connaît.


Sébastien Gauthier

 

 

 

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