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12/22/2013
Muzyka Polska, volume 5
Karol Szymanowski : Ouverture de concert en mi majeur, opus 12 – Symphonies n° 2 en si bémol majeur, opus 19, et n° 4, «Symphonie concertante», opus 60

Louis Lortie (piano), BBC Symphony Orchestra, Edward Gardner (direction)
Enregistré à Watford (3 avril [Symphonie n° 2]) et 2 juillet 2012) – 70’57
SACD Chandos CHSA 5115 – Notice en anglais, allemand et français d’Adrian Thomas





La riche série «Muzyka Polska», entreprise en 2010 par Edward Gardner à la tête de l’Orchestre symphonique de la BBC, comporte maintenant sept volumes: cinq consacrés à Witold Lutoslawski et deux à son aîné, Karol Szymanowski (1882-1937). Au programme de ce cinquième volume, paru en début d’année, Gardner propose trois œuvres relativement charnières: l’Ouverture de concert (1904-1905, révisée en 1912-1913), première tentative orchestrale qui, par sa réussite, valut une reconnaissance internationale à un jeune postromantique encore fidèle à la tradition germanique; la Deuxième Symphonie (1909-1910), plus chromatique, prémisses discrètes d’un changement de cap vers un impressionnisme orchestral très personnel, pleinement affirmé six ans plus tard par la somptueuse Troisième Symphonie; enfin la Quatrième «Symphonie Concertante» (1931-1932) qui marque un frémissement de renouveau à la fin d’une période marquée par un retour aux sources sous le sceau de la tradition musicale des Tatras, celle-ci jamais mieux représentée que par le ballet Harnasie (1923-1931).


Edward Gardner dirige son orchestre avec clarté et passion, ce qui sied bien à l’Ouverture de concert, aussi bien dans les premières mesures jubilatoires et le développement solaire toujours sous l’influence bien intégrée de Richard Strauss que dans les riches sonorités de passages plus secrets dont la subtilité annonce les germes d’une originalité d’écriture qui ne fera que s’intensifier par la suite. Le grand effectif, les élans, les emportements, l’intensité et la luxuriance timbrale et texturale de cette pièce relativement brève exigent le travail de précision et le soin tout particulier porté au détail orchestral que lui accorde l’Orchestre symphonique de la BBC, en grande forme. Les musiciens défendent avec tout autant de conviction la Deuxième Symphonie dont l’originalité vient en premier lieu de sa structure en deux mouvements, le second sous forme de thème, cinq variations et fugue finale. Un violon domine l’orchestre au début d’un premier mouvement qui procède par houles polyphoniques, sensuelles et dramatiques, pailletés d’épisodes presque chambristes délicatement façonnés et finement colorés par les différents solistes et groupes instrumentaux de l’orchestre. Gardner dirige dans un esprit toujours straussien mais par-dessus les impressions fugitives qui mènent aussi à Reger ou à Scriabine, c’est la voix de Szymanowski qui s’élève et qui, dès le second mouvement, s’affirme dans l’onirisme du thème présenté aux seules cordes et des deux premières variations, dans la clarté enjouée de la troisième (scherzando), dans la transparence instrumentale de la gavotte et du menuet et jusque dans la fugue à cinq sujets claire et aérée, son introduction fulgurante et sa somptueuse conclusion.


La Quatrième Symphonie avec piano principal s’approche par moments du concerto qu’aurait voulu le compositeur dans un tout premier temps, mais l’importance accordée à l’orchestre reste tout à fait emblématique des aspirations musicales de Szymanowski qui, selon son habitude, allaient vers une richesse orchestrale fastueuse, le piano en étant un élément de choix sans que l’accent soit constamment mis sur son rôle. La prise de son met néanmoins le piano au premier plan mais les intentions de Louis Lortie sont claires – il s’intègre à l’orchestre avec exultation, son piano vigoureux ou poétique, les deux mains parfois en un parallèle frappant, ajoutant aux couleurs extraordinaires d’un premier mouvement survolté aux climats et aux tempi qui varient sans cesse selon les nombreuses indications du compositeur fidèlement respectées. Vers la fin, Lortie maintient à lui seul une tension, ne faiblissant jamais durant la brève cadence qui s’impose comme un condensé tumultueux du mouvement entier. Plus encore que la flûte ou l’alto, magiques, le piano devient une lumière féerique dans le mystère nocturne d’un deuxième mouvement envoûtant, la montée en puissance centrale comme un tournoiement d’étoile solaire mené vers l’éclipse au son d’un cor anglais et d’une trompette bouchée, et vers une nouvelle nuit. La percussion débute le lent crescendo en introduction du troisième et dernier mouvement qui devient selon la volonté du compositeur «une danse extrêmement vive parfois presqu’orgiaque» aux vives couleurs et aux rythmes marqués du cœur sauvage des Tatras interrompus brièvement par un violon diaphane auquel le piano fait écho avant les trépidantes accélérations finales. Trois mouvements à l’instar du concerto n’enlèvent rien au statut symphonique de cette œuvre orchestralement magistrale.


Certains préfèreront peut-être un Szymanowski plus décanté, mais, si par ailleurs Antoni Wit à la tête de l’Orchestre philharmonique de Varsovie (Naxos) sait allier la rigueur à l’ivresse et la précision de l’attaque à la délicatesse, la vitalité et le mystère de la prestation plutôt voluptueuse de Gardner et des musiciens de l’Orchestre symphonique de la BBC associée à celle de Louis Lortie, finement colorée et expressive, plaident la cause de ce programme et de toute la série «Muzyka Polska» à laquelle on souhaite longue vie.


Le site de Louis Lortie
Le site de l’Orchestre symphonique de la BBC


Christine Labroche

 

 

 

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