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02/01/1999
Luciano Berio : Sequenzas
Luisa Castellani (soprano), Gabriele Cassone (trompette), Eliot Fisk (guitare ), Teodoro Anzellotti (accordéon), Solistes de l'Ensemble InterContemporain : Sophie Cherrier (flûte), Frédérique Cambreling (harpe), Florent Boffard (piano), Benny Sluchin (trombone), Christophe Desjardins (alto), Laszlo Hadady (hautbois), Jeanne-Marie Conquer (violon), Alain Damiens (clarinette), Pascal Gallois (basson), Christian Wirth (saxophone alto)
Deutsche Grammophon (collection " 20/21 ") (3 CD)

Les treize Sequenzas de Berio sont des études pour instrument solo, presque toujours "construites à partir d'une séquence de champs harmoniques dont découlent les autres fonctions musicales, caractérisées de façon extrême". "Dans chaque Sequenza se retrouve mon intention de préciser et développer, sur le plan mélodique, un discours essentiellement harmonique, ainsi que de suggérer (surtout lorsqu'il s'agit d'instruments monodiques...) une polyphonie, fondée en partie sur la rapidité de transition entre les différentes caractères et sur leur interaction simultanée. La polyphonie est ici prise au sens métaphorique d'exposition et de superposition de modes d'action et de caractères instrumentaux divers" (Berio). Voilà donc pour les intentions de l'auteur -- dont on appréciera le livret.

A l'écoute de ses pièces, on doit reconnaître que Berio a réussi à donner corps à ses intentions. Composées sur une longue durée (de 1958 à 1995), les Sequenzas sont loin de se ressembler. On peut pourtant y noter une volonté d'exploiter de nouvelles possibilités des instruments compatibles avec leur utilisation traditionnelle. On reste ainsi bien dans la grande tradition du répertoire instrumentiste. Comme dans d'autres oeuvres, la polyphonie est suggérée en donnant le sentiment qu'une voix disparaît pour continuer un chemin souterrain avant de réémerger au plein jour. Elle est donc plus suggérée que réelle.

Certaines pièces ne sont pas passionnantes. Si elles donnent sans doute beaucoup de plaisir à l'interprète, elles restent d'un intérêt plus limité pour l'auditeur. C'est le cas de la Sequenza pour piano, à mon avis sans intérêt, et, dans une moindre mesure, de la Sequenza pour harpe, dont on imagine bien l'importance pour l'instrument, mais qui devient vite lassante. La Sequenza pour alto, trop longue et trop répétitive (Berio voulait faire une étude sur la répétition...), n'est pas non plus complètement convaincante, mais elle reste assez intéressante, notamment pour sa partie centrale où émerge progressivement une mélodie. Reste le plaisir (insuffisant) d'écouter d'excellents interprètes qui, à l'évidence, croient en ces oeuvres.

La Sequenzas pour soprano (dédiée et associée à la femme du compositeur, Cathy Berberian) et la Sequenza pour trombone sont contemporaines, et cela s'entend. Elles correspondent au même esprit de "théâtre musical", que l'on peut rapprocher des Aventures de Ligeti. Il s'agit là de mettre des moustaches à la Joconde. Cela est amusant, mais terriblement daté. La Sequenza pour trombone nous est plus proche, avec son travail de vocalisation dans l'instrument. Mais elle peut agacer certains. Enfin, il faut savoir que la Sequenza pour violon est écrite dans un style violonistique pyrotechnique, et satisfera donc essentiellement les amateurs du genre. La pièce est, de ce point de vue, très séduisante, et même très intéressante -- autant que le genre le permet, du moins.

Toutes les autres Sequenzas -- c'est-à-dire la grande majorité -- sont passionnantes, sans aucune réserve. Il est intéressant de noter l'affinité particulière de Berio avec les instruments à vent, ou monodiques. De la première Sequenza pour flûte à l'avant-dernière pour basson, elles sont toutes superbes, et notamment les Sequenzas pour hautbois (jouée par le sublime Lazslo Hadady), pour trompette et pour clarinette. Reste deux autres chefs d'oeuvre, écrits pour guitare et pour accordéon.
Saluons donc ce beau coffret d'un compositeur décidément très important, et espérons que l'éditeur fera suivre cet excellent disque des Chemins que Berio a tirés de ses Sequenzas (en reprenant la partie solo, accompagnée d'un ensemble instrumental).

Stéphan Vincent-Lancrin

 

 

 

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