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09/21/2012
Mieczyslaw Weinberg : Symphonie n°20, opus 150 – Concerto pour violoncelle et orchestre, opus 43

Claes Gunnarsson (violoncelle), Göteborgs Symfoniker, Thord Svedlund (direction)
Enregistré à Göteborg (11, 13, 22 et 24 août, 2011) – 70’57
Chandos CHSA 5107 – Notice en anglais, allemand et français de David Fanning





Sélectionné par la rédaction


Mieczyslaw Weinberg (1919-1996) fait partie des nombreux compositeurs survivants mais néanmoins victimes des effets néfastes des événements maintenant historiques du XXe siècle. De Pologne en Biélorussie puis en Russie, Weinberg put enfin échapper aux camps et s’établir définitivement à Moscou grâce aux interventions auprès des autorités d’un courageux Chostakovitch, mais son œuvre, longtemps sous surveillance, ne franchit jamais les frontières de l’URSS et, malgré les conséquences de la chute du mur de Berlin, n’eut pas aussitôt le rayonnement qu’il mérite. Petit à petit, ses compositions s’imposent avec éclat sur le plan international. A l’instar de Gabriel Chmura avec l’Orchestre symphonique national de la radio polonaise pour Chandos, Thord Svedlund et l’Orchestre symphonique de Göteborg défendent sa musique avec conviction. Ils ajoutent la Vingtième Symphonie (1988), inédite au disque, à sept symphonies moins tardives, à quelques pièces orchestrales et à quatre concertos, et, après une interprétation révélatrice de la Fantasia de 1951-1953, Claes Gunnarsson, premier violoncelle de l’Orchestre symphonique de Göteborg, propose maintenant le Concerto pour violoncelle de 1948.


Lors de la composition du Concerto, Jdanov dénonçait avec violence le formalisme en musique et la partition dut attendre 1957, bien après la mort de Staline, pour être enfin créée par Rostropovitch. Son violoncelle moins charnu, peut-être, que celui de ce dernier, Gunnarsson en donne une interprétation subtilement expressive. En quatre mouvements, le Concerto ouvre sur une longue plainte mélodique et douloureuse d’une fragrance hébraïque, la ligne continue du violoncelle accompagnée surtout des cordes, son appel ne devenant plus accusateur que lors du tutti de la partie centrale. Le chagrin maintenant sous-jacent, le deuxième mouvement, aux pas légers d’un rythme de danse, installe un climat fugitivement plus souriant, révélant par l’instrumentation et les modes mis en œuvre les racines non seulement hébraïques mais moldaves, peut-être klezmer, du compositeur, racines ensuite accentuées par le rythme rapide du fougueux scherzo plus coloré qui passe d’une gaieté décalée au clair-obscur d’un trio nostalgique. La longue cadence virtuose qui le termine reflète les différentes humeurs de l’ensemble, le thème dominant en filigrane. L’approche de Claes Gunnarsson est d’un modernisme efficace, sans effets de manche mais expressive à bon escient, sensible et d’une fine précision. Le dernier mouvement enchaîné est un rondo énergique d’un esprit rhapsodique au rythme trépidant et aux sonorités nasillardes de trompettes bouchées qui n’effacent jamais tout à fait une mélancolie latente, pleinement révélée lors de la reprise en demi-teinte du thème principal de l’Adagio initial et de l’émouvante conclusion dans le registre aigu de l’instrument soliste. L’entente entre le violoncelliste, le chef et les musiciens ne fait aucun doute et l’œuvre en est magnifiée. L’excellente prise de son en fait la nouvelle version de référence après celle de Rostropovitch (1964), dominant la version plus en retrait, peut-être plus maniérée, de Marc Drobinsky ou celle, plus emphatique, de Dimitri Khrytchov, à l’archet plus lourd.


Dans sa notice, David Fanning affirme qu’à partir de la Onzième Symphonie, la production du compositeur alternait deux tendances (que l’on peut penser relatives): en somme, l’obédience et la résistance. Quoi qu’il en soit, avec son avant-dernière symphonie, la belle Vingtième (1988), Mieczyslaw Weinberg ne cède en rien aux exigences du réalisme socialiste mais a recours de nouveau à une abstraction «formaliste» et à une expression personnelle manifeste. Il la dédie à Vladimir Fedosseïev et à l’Orchestre symphonique de la Radio de Moscou, fidèles interprètes de sa musique. Décantés, peut-être pour certains austères, deux mouvement lents, d’une émotion contenue mais déchirante, encadrent trois mouvement de plus en plus rapides – un scherzo Allegretto, un intermezzo Con moto et un second scherzo Allegro molto. Grinçants peut-être, pénétrés du tragique d’un cynisme allègre à la Mahler et d’une verve caustique à la Chostakovitch tout en gardant leur caractère propre, ces mouvements réjouissent et émeuvent, les couleurs instrumentales offrent un festin de délices. L’Allegro molto se révèle un véritable tour de force rythmique et polytonal, un tourbillon furieux et funeste au cours duquel Weinberg cite symboliquement son opéra Portrait (voir ici), portrait d’un artiste qui, après des excès culminant en un repas gargantuesque, sombre dans la folie et la mort. Les deux mouvements extérieurs, d’expression discrète mais plus directe, exposent l’âme de l’œuvre, leur importance capitale soulignée par leur emprise poignante, certes, mais aussi par leur durée, représentant ensemble plus de la moitié de la durée totale. Le premier Adagio, blême, sombre et grave, construit comme une lourde houle qui enfle puis se calme, illustre magistralement la mise en oeuvre subtilement dramatique des sonorités instrumentales, maîtrise qui sera déployée avec éclat lors des mouvements centraux. Lancinant, angoissé, le Lento final émeut d’emblée et ne cesse d’émouvoir. Finement conçu sur le plan des timbres et des traits instrumentaux, il s’impose comme un chœur de damnés qui osent exprimer leur désespoir avant de revenir à de troublantes hésitations et des murmures douloureusement retenus. Petit à petit, l’espoir surgit du néant et s’épanouit in fine en un surprenant ut majeur lumineux.


L’écriture en est magnifique mais si l’impact de l’oeuvre est aussi fort, c’est de toute évidence en partie grâce à l’intelligence sensible de la direction de Thord Svendlund et à l’engagement des musiciens de l’Orchestre symphonique de Göteborg qui, encore au-delà de leur prestation attentive au détail, bénéficient de l’excellence d’une prise de son ample et bien définie.


Un site consacré à Weinberg


Christine Labroche

 

 

 

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