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01/15/2012
Gabriel Dupont : Les Heures dolentes – La Maison dans les dunes

Emile Naoumoff (piano)
Enregistré à Paris (10-12 mai 2004) – 99’54
Album de deux disques Saphir Productions LVC 1097





Stéphane Lemelin (piano)
Enregistré à Saint-Irénée, Québec (décembre 2007) – 94’40
Album de deux disques Atma Classique ACS2 2544 (distribué par Intégral)





Enregistré fin 2007 mais tout récemment paru, le double album que consacre Stéphane Lemelin (né en 1960) à Gabriel Dupont (1878-1914) s’aventure sur des terres suffisamment peu fréquentées – si l’on excepte les pionniers Daniel Blumenthal et Marie-Catherine Girod, eux aussi familiers des chemins de traverse – pour qu’il soit légitime de le confronter à un autre double album publié voici un peu plus de deux ans, signé Emile Naoumoff (né en 1962), d’autant que son programme est exactement identique, bien que sous-titré quant à lui «Complete Works for Solo», en anglais dans le texte et de façon un peu approximative, compte tenu de l’existence de deux recueils de jeunesse (Deux Airs de ballet et les quatre Feuillets d’album).


Elève de Taudou (harmonie), Gedalge (contrepoint), Massenet puis Widor (composition) et Guilmant (orgue), Dupont remporta le premier second prix de Rome en 1901, année où le premier grand prix fut décerné à Caplet et où Ravel obtint le deuxième second prix (avec la cantate Myrrha), et passa une nouvelle fois le concours en 1902 (où il fut éliminé au profit de Kunc, premier grand prix, et de Roger-Ducasse). Au terme d’une courte vie créatrice abrégée par la tuberculose au lendemain de l’assassinat de Jaurès, il laisse quatre ouvrages lyriques, qui rencontrèrent le succès en leur temps, en particulier le «drame musical» La Cabrera et l’opéra comique La Farce du cuvier (dont l’Ouverture s’est maintenue durant quelques décennies au répertoire des orchestres symphoniques), des mélodies, un peu de musique de chambre ainsi que quelques pages pour chœur et pour orgue. Mais sa réputation tient essentiellement aujourd’hui à ses deux vastes cycles pour piano seul: les quatorze pièces formant Les Heures dolentes (1905), dont il orchestra quatre en 1907 à la demande d’Edouard Colonne, et les dix pièces de La Maison dans les dunes (1909).


Comme le rappellent les notices, respectivement de Philippe Simon (en français et en anglais, avec une simple biographie du compositeur en allemand), auteur de l’ouvrage de référence sur Dupont (Séguier), et de Valerie Dueck (en français et en anglais), qui indique notamment se fonder sur ce livre, les deux cycles ont été écrits par un homme souffrant, dans les périodes de répit que lui laissait une tuberculose contractée en 1901, et présentent un caractère autobiographique. Dédiées à Humperdinck, Les Heures dolentes rassemblent diverses impressions d’un malade et d’un convalescent («Le soir tombe dans la chambre», «Le Médecin», «Une amie est venue avec des fleurs», ...), tandis que La Maison dans les dunes, dédiée à Maurice Dumesnil (1884-1974), un élève d’Isidore Philipp qui avait donné la première des Heures mais aussi celle de l’«Hommage à Rameau» de Debussy et du Quintette de Schmitt, se réfère au sanatorium du Cap-Ferret, où l’œuvre fut composée, et abonde en évocations marines («Voiles sur l’eau», «Le Bruissement de la mer la nuit», «Houles», ...).


Faisant fi des conditions dans lesquelles elle a été créée, cette musique, qu’on peut situer entre Séverac et Debussy, plus lointainement influencée par Fauré ou Ravel, voire Schumann ou Liszt, n’est pas souffreteuse – il suffit d’écouter, dans le premier cycle, «Des enfants jouent dans le jardin», pièce éclatante de couleurs et très développée, faisant parfois penser à L’Isle joyeuse et citant, comme «Jardins sous la pluie», «Nous n’irons plus au bois», ou bien la dernière pièce du second cycle, de puissantes «Houles». Du très beau piano, en tout cas. Et, par chance, on tient ici deux grandes versions qu’il est impossible de départager, car au-delà de leur égale qualité technique, ce sont des approches souvent différentes mais possédant chacune sa pertinence.


Celle de Naoumoff, d’une part, un artiste qui a trouvé sa place chez Saphir (voir par exemple ici), et celle de Lemelin, d’autre part: après un captivant album dédié à Georges Migot (voir ici) et au travers de son activité dans le cadre du Trio Hochelaga (T. Dubois et, de nouveau, Migot), il confirme sa curiosité pour des répertoires rares – chez Atma, où parait son disque, il dirige la collection «Musique française "Découvertes 1890-1939"».


Nonobstant plusieurs erreurs de minutage des morceaux, le pianiste français, sur son Fazioli, prend généralement son temps, davantage que son homologue québécois. A cet égard, la comparaison de «Par un clair matin», première pièce de La Maison, est édifiante: l’un y ajoute une touche de mélancolie, l’autre y voit la promesse d’un jour ensoleillé. Mais le rapport peut parfois s’inverser: ainsi, «Le Médecin» de Naoumoff est-il sans doute plus cordial ou porteur de meilleures nouvelles que celui de Lemelin. La preuve que ces recueils importants mais négligés de l’histoire de la musique française de piano offrent à des artistes curieux la possibilité d’y investir leur talent et leur sensibilité.


Le site des «amis de Gabriel Dupont»
Le site d’Emile Naoumoff
Le site de Stéphane Lemelin


Simon Corley

 

 

 

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