About us / Contact

The Classical Music Network

CD

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

08/30/2011
Johann Sebastian Bach : Weinachtsoratorium BWV 248

Arleen Augér (soprano), Annelies Burmeister (contralto), Peter Schreier (ténor), Theo Adam (basse), Dresdner Kreuzchor, Dresdner Philharmonie, Martin Flämig (direction)
Enregistré à la Lukaskirche de Dresde (janvier, avril, juin et novembre 1974 et février 1975) – 160’04
Coffret de rois disques Berlin Classics 0183892BC (distribué par Intégral) – Notice bilingue (allemand et anglais) de Wolfgang Marx





Voilà un disque comme on n’en fait plus ou, en tout cas, voilà l’interprétation d’une œuvre de Johann Sebastian Bach (1685-1750) qu’on n’a plus l’habitude d’entendre! Dans la première moitié des années 1970, Nikolaus Harnoncourt et Gustav Leonhardt n’avaient pas fini leur intégrale des cantates, Philippe Herreweghe n’avait pas encore révolutionné le monde baroque en faisant entendre sa vision de la Passion selon saint Matthieu, John Eliot Gardiner n’avait pas encore approché l’œuvre du Cantor... Bref, c’était encore l’âge où, dans la droite ligne d’une tradition où ont par exemple pu s’illustrer aussi bien Otto Klemperer que Karl Richter, les orchestres jouant Bach étaient pléthoriques, le vibrato et le legato étaient les deux règles d’or alors en vigueur, et les tempi s’avéraient très largement étirés. Bref, autant dire que les options actuelles ont définitivement tourné le dos à ces «canons interprétatifs» qui, lorsqu’on les réécoute, peuvent, sans que le sérieux et l’implication des interprètes ne puissent naturellement être mis en doute, prêter à sourire.


Martin Flämig (1913-1998) n’a pas été chef d’orchestre mais chef de chœurs et organiste, lui qui a passé toute sa vie partagé entre ses activités musicales et religieuses à Dresde, ville dans laquelle il enseigna l’art vocal dès 1953 à la Hochschule für Musik. Chef du Dresdner Kreuzchor de 1971 à 1991, il le dirige ici dans l’Oratorio de Noël que Bach a composé dans les années 1734-1735. Cet ensemble de six cantates destinées à être données entre le jour de Noël et l’Epiphanie, soit entre le 25 décembre et le 6 janvier, bénéficie d’une force dramatique exceptionnelle dont témoigne le nombre important d’enregistrements réalisés depuis la vénérable gravure réalisée par Hans Grischkat en juin 1950.


Le présent enregistrement, réalisé sur une grande partie de l’année 1974, bénéficie de forces imposantes au premier rang desquelles figure la Philharmonie de Dresde. Ses musiciens sont excellents tout au long de l’œuvre. On soulignera notamment l’éclat et la pompe des trompettes conduites par Ludwig Güttler, qui n’avait alors pas encore entamé sa carrière de soliste, conférant à leur interventions une brillance et une solennité extrêmement flatteuses pour l’oreille. Même si l’on reviendra sur les options stylistiques de cette interprétation, notons dès à présent que les instrumentistes savent parfois adopter le ton juste (les deux violons qui accompagnent l’air «Ich will nur dir zu Ehren leben» chanté par Peter Schreier dans la quatrième cantate) mais trahissent néanmoins, au regard encore une fois des enregistrements des dernières années, une monotonie et une sclérose dans le jeu qui identifient immédiatement l’époque de cette gravure (ainsi, l’accompagnement daté du violon dans l’air de la contralto Annelies Burmeister «Schliesse, mein Herze, dies selige Wunder», dans la troisième cantate).


De manière générale, Flämig exige de l’orchestre une véritable solennité qui se traduit aussi bien par la grande importance donnée aux basses (écoutez par exemple l’air «Bereite dich, Zion» dans la première cantate ou les contrebasses accompagnant le chœur «Herr, wenn die stolzen Feinde schnauben» introduisant la sixième et dernière partie de l’oratorio) que certains ralentis, qui ne visent qu’à conférer une dimension emphatique au discours musical. A cet égard, la fin du chœur inaugural «Jauchzet, frohlocket» est particulièrement topique, rehaussée par l’éclat des cuivres. Mentionnons enfin l’importance, trop grande parfois, qui peut être donnée à l’orgue (tenu par Herbert Collum, élément clé de la basse continue), comme dans l’air «Ach, wenn wird die Zeit erscheinen» au cœur de la cinquième cantate: là encore, les basses donnent à l’oratorio une base plus que solide! L’emphase de l’interprétation résulte également du chœur. Puissant, solennel, très rarement intimiste, volontaire, il couronne véritablement l’édifice dont Flämig se veut l’architecte. Dans la conclusion de la première cantate («Ach mein herzliebes Jesulein») ou au début de la troisième («Herrscher des Himmels», ensemble brillant avec des trompettes jouant à l’ancienne), on est frappé par la grandiloquence du discours dont la force, ce qui peut étonner de la part d’un chœur et d’un chef qui se connaissaient si bien, est amoindrie en raison d’un discours parfois haché, manquant en plus d’une occasion de souplesse et se concluant inévitablement par des ralentis très importants (on le perçoit également dans le chœur conclusif de la troisième partie, qui n’est d’ailleurs qu’une reprise du premier chœur).


Quant aux solistes, on est partagé. Theo Adam ou Arleen Augér ne sont pas nés de la dernière pluie et leurs mérites sont connus. Mais le fait est que ce n’est pas dans ce contexte qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes, sauf à chanter quelque peu à contre-emploi. Tel est le cas de l’air «Grosser Herr und starker König» (première cantate), où Theo Adam séduit par sa puissance et une voix magnifiquement posée mais n’est-on pas là, comme le rappelle d’ailleurs l’accompagnement (un orchestre très large, des trompettes éclatantes), en partie hors contexte? De même, l’air «Herr, dein Mitleid» est servi certes par de belles voix mais, en raison d’un tempo très retenu, se révèle finalement assez besogneux, Arleen Augér et Theo Adam ne prenant aucune liberté et ayant d’ailleurs quelque difficulté à bien s’approprier la partition. Si Annelies Burmeister est tout à fait à sa place dans le quatuor de solistes (le très bel air «Schlafe, mein Liebster» dans la deuxième cantate en dépit d’un legato excessif), c’est Peter Schreier qui s’en tire le mieux. On connaît ses affinités avec l’œuvre de Bach, comme soliste et comme chef d’orchestre: elles sont ici parfaitement confirmées. Dans la troisième cantate, il déclame avec beaucoup de charme son air «Frohe Hirten, eilt, ach eilet», accompagné d’une belle flûte moderne (mais handicapé à la marge par une trop grande présence des basses qui plombe ainsi l’ensemble); de même, Schreier est excellent dans l’air «Ich will nur dir zu Ehren leben» (quatrième cantate) où, comme on l’a déjà souligné, l’accompagnement des deux violons solos est excellent.


En conclusion, un enregistrement pour ceux qui connaissent déjà l’œuvre et qui souhaitent se frotter à l’histoire interprétative; pour les autres, mieux vaut éviter ce type de première approche...


Un site dédié à Arleen Augér


Sébastien Gauthier

 

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com