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05/13/2011
Edith Canat de Chizy : Times [1] – La Ligne d’ombre [2] – Yell [3] – Alio [4] – Omen [5]

BBC Symphony Orchestra [1], Orchestre de Besançon-Montbéliard-Franche-Comté [2], Orchestre philharmonique de Radio-France [3], Orchestre Poitou-Charentes [4], Orchestre national de France [5], Kazuki Yamada [1], Peter Csaba [2, 4], Michiyoshi Inouë [3], Alain Altinoglu [5] (direction)
Enregistré à Radio-France, Paris (15 juin 1989 [3] et 21 octobre 2006 [5]), à Poitiers (21 octobre 2006 [4]) et au Théâtre de Besançon (24 septembre 2009 [1, 2]) – 66’31
aeon AECD 1105 (distribué par Outhere) – Notice en français et en anglais





Lors de son élection à l’Académie des Beaux-Arts, Edith Canat de Chizy déclarait : «Je suis particulièrement attachée à ce terme de puissance: la puissance créatrice transcende toutes les esthétiques et toutes les chapelles. Elle ouvre sur un monde qui nous dépasse, elle y prend sa source aussi. Nous sommes alors dans la dimension du mystère, au sens étymologique du terme, ce qui est caché, là où d’autres pourraient parler de "sacré"». L’univers musical de la compositrice, pénétré de sacré dans ce sens précis, garde un rapport étroit avec la peinture et la poésie, sources d’élan et d’inspiration, dont en témoigne avec force cette excellente retrospective qui présente ses oeuvres principales pour orchestre, hormis les concertos et la très récente Pierre d’éclair créée à Lyon en avril 2011.


Le programme adopte un ordre plus logique que chronologique, les trois pièces les plus développées séparées par deux de durée plus limitée, isolant ainsi au centre, Yell, la plus longue et la seule partition ancienne (1985-89), toutes les autres de ce siècle. Yell signifie «hurlement» ou «cri» et Canat de Chizy en capte toute l’énergie, directement ou en augmentation d’une tension sous-jacente. Fluctuante et instable, déferlante ou étale, noire d’orage ou irisée comme la phosphorescence de l’océan, l’œuvre va de tempête en accalmie au silence, les textures les plus ténues devenant soudain d’une densité rare. Les techniques propres aux «objets» de l’électro-acoustique appliquées aux instruments de l’orchestre, le travail sur le timbre et sur le rythme entraînent une complexité heureuse, et cela d’autant plus qu’une certaine liberté de tempo accordée aux musiciens crée comme chez Lutoslawski une verticalité dynamique qui en multiplie les effets.


De part et d’autre de Yell, Peter Csaba dirige La Ligne d’ombre (2004) et Alio (2002), commandes écrites respectivement pour l’Orchestre de Pau et pour l’Orchestre Poitou-Charentes. A la fois fluide et agitée, mobile comme certaines des pièces pour cordes de Canat de Chizy, telle la bien-nommée Moving, Alio – ailleurs – illustre par ses climats changeants un questionnement perpétuel d’ordre plus métaphysique. Sans jamais trouver de repos, les sons chamarrés s’étirent ou fusent, tenus ou égrénés, mus par des bourrasques de vents contraires, ces dernières initiées ou appuyées par une percussion active et alerte. Edith Canat de Chizy a le don de créer de fascinants timbres orchestraux grâce à l’association inattendue de divers instruments se fondant les uns dans les autres et son écriture procède par strates aux rythmes divergents, lançant ci et là dans la profondeur des textures des perles de couleurs différentes. Ainsi va La Ligne d’ombre, sostenuto, accelerando, son souffle puisant sa force originelle dans la nouvelle éponyme de Joseph Conrad.


En début et fin de programme, les deux œuvres les plus récentes restent dans la lignée du style hautement reconnaissable d’Edith Canat de Chizy. Le large ambitus d’Omen (2006), aux graves profonds, lui imprime le caractère menaçant du présage de son titre, celui-ci incarné par le vol de corbeaux dans un ciel tourmenté au-dessus des ondoiements sauvages des blés d’un des derniers tableaux de Vincent van Gogh, son suicide alors imminent. Tension, cris, appels, urgence et désorientation deviennent les axes d’une autre vision – saisissante – des pôles «timbres, espace, mouvement» si bien mis en œuvre par Dutilleux. Times, pour grand orchestre, reflète par son titre pluriel les dimensions multiples que Canat de Chizy se plaît à trouver au mot «temps», musicales, physiques et philosophiques, symboliques de Besançon commanditaire de la partition pour la finale du Concours international de jeunes chefs d’orchestre de 2009. Spatialisée avec maîtrise par Kazuki Yamada – lauréat cette année-là – qui porte un soin particulier aux couleurs timbrales, la pièce, plus directe, plus percussive, plus impérative, expose les strates parallèles mais dissociées du temps dans tous ses états, scandé, fulgurant, suspendu, inattendu, dynamique et inexorable.


A l’exception de La Ligne d’ombre, les différents enregistrements, souvent en direct, correspondent en même temps à la captation de la création des œuvres rassemblées ici. Sans pouvoir dans ce cas comparer, on ne peut que se fier aux impressions. Les musiciens semblent apporter au luxe sonore, aux scintillements, au fracas et à la mobilité fluctuante de ces pièces toute l’attention et toute la conviction nécessaires à une interprétation bien fondée et on ne peut qu’attirer l’attention des mélomanes sur cet ensemble rare. La notice offre d’une part la présentation fort appréciable des cinq pièces par Edith Canat de Chizy elle-même et d’autre part le regard autant poétique que technique que François Porcile, musicologue et cinéaste, porte sur elles avec beaucoup de sensibilité et d’adresse.


Christine Labroche

 

 

 

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