About us / Contact

The Classical Music Network

CD

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

05/09/2011
«Vertiges»
Franz Liszt : Ballade n° 2 – Sonate en si mineur – Deuxième année de pèlerinage: «Après une lecture de Dante»

Claire-Marie Le Guay (piano)
Enregistré à l’espace de projection de l’IRCAM, Paris (27-29 octobre 2010) – 68’12
Accord 476 4244 (distribué par Universal) – Notice de présentation en français et anglais






Franz Liszt : Ballade n° 2 – Polonaise n° 1 – Valse-Impromptu – Grandes variations de bravoure sur la Marche des «Puritains» de Bellini (Hexaméron)
Franz Schubert: Trauerwalzer-Variationen, D. 365 n° 2 (transcription Liszt)
Ludwig van Beethoven : Adelaide, opus 46 (transcription Liszt)
Johann Sebastian Bach : Prélude et fugue, BWV 545 (transcription Liszt)

Joseph Moog (piano)
Enregistré au SWR Studio, Kaiserlautern (20-22 décembre 2010) – 66’45
Claves 50-1108 (distribué par Intégral) – Notice de présentation en français, anglais et allemand






Franz Liszt : Rhapsodie hongroise n° 15 (arrangement Vladimir Horowitz) – Liebesträume (Nocturnes) n° 2 et n° 3 – Valse-Impromptu – Consolation n° 3 – Venezia e Napoli – La Danza (Tarantella napoletana), d’après les «Soirées musicales» de Rossini
Richard Wagner : Tannhäuser: «O! du mein holder Abendstern» – Tristan und Isolde: «Isoldes Liebestod» (transcriptions Liszt)
Tristan Pfaff (piano)
Enregistré au théâtre Saint-Bonnet, Bourges (février 2011) – 59’24
Aparté AP019 (distribué par Harmonia mundi) – Notice de présentation en français et anglais





Trois jeunes pianistes apportent leur contribution à la moisson de disques que le bicentenaire de la naissance de Franz Liszt (1811-1886) génère. Honneur aux dames et à la (... jeune) doyenne: Claire-Marie Le Guay (née en 1974). Au sein d’une discographie déjà riche (lire ici, ici ou ici), la pianiste française n’en est pas à son premier essai lisztien, ayant déjà enregistré les Concertos, les Légendes et les Etudes d’exécution transcendante. En s’attaquant – dans ce disque aussi soigné dans sa présentation que dans sa réalisation technique – à trois pièces parmi les plus célèbres (et donc les plus enregistrées) du compositeur hongrois, elle ne se facilite pas la tâche. Comme on peut le constater en vidéo, Claire-Marie Le Guay possède la maîtrise technique nécessaire pour faire ressortir la variété des nuances comme la beauté du legato de partitions aussi vertigineuses qu’Après une lecture de Dante (1849). L’ensemble du récital est d’ailleurs placé sous le signe du vertige, Rodolphe Bruneau-Boulmier rappelant, dans une notice particulièrement inspirée, que chez Liszt «l’instrument dépasse même, parfois, son créateur par ces rafales virtuoses ou ces précipices de silence, au bord du vertige. C’est vertigineux car le vertige commence lorsque l’esprit tente d’intérioriser en un espace mental ces infinis incommensurables. (…) Virtuosité et dénuement, grandeur des idées et forme concise, violence d’expression et douceur du sentiment, sacré et profane, somptueux et dépouillé: Liszt, humaniste, tente les périlleux équilibres des vertiges». Dans l’extrait des Années de pèlerinage, la pianiste manque pourtant d’urgence interprétative, d’impact sonore et probablement d’unité (n’évitant pas quelques chutes de tension). En trente-quatre minutes, la Sonate en si mineur (1853) offre davantage de poids dans la frappe, révélant une articulation superlative et tellement plus d’identité dans l’interprétation. Cette éloquence épique se retrouve dans une Seconde Ballade (1853) alternant délicatesse et grondements (... sans éviter quelques moments tapageurs).


En regard de celui retenu par Claire-Marie Le Guay (avec lequel il partage la Seconde Ballade), le programme choisi par Joseph Moog (né en 1987) est assez enthousiasmant. Il illustre tout autant le Liszt des grandes formes que celui de la transcription. Le point fort de l’album réside peut-être dans les Grandes variations de bravoure sur la Marche des «Puritains» (1837) d’après Bellini. Exécutant cette œuvre collective coordonnée par Liszt en un peu plus de dix-huit minutes, il parvient à lui donner son unité grâce à sa frappe puissante et conquérante. Vu la pauvreté du contexte discographique de cet Hexaméron (signé Liszt, Czerny, Herz, Pixis, Thalberg et Chopin) comme en raison de l’énergie convaincante et de l’inspiration de l’interprète, le mélomane en tient là une version de référence. Joseph Moog trouve également le ton juste dans les autres transcriptions, exaltant la veine beethovénienne dans Adelaide (1846) comme l’architecture de marbre du Prélude et Fugue BWV 545 de Bach, retrouvant la délicatesse de l’harmonie schubertienne et la richesse de la métamorphose dans les Trauerwalzer-Variationen (1852). Par la netteté de ses gammes ciselées sans sécheresse, la Seconde Ballade privilégie l’objectivité du discours sans négliger le lyrisme du phrasé. Quant à la Première Polonaise (1851), elle s’attaque à l’ut mineur avec classe et élégance: un engagement qui respire la jeunesse triomphante tout autant que la maturité du style néo-chopinien. Après avoir édité ses disques précédents (lire ici et ici), Claves continue – pour notre plus grand bonheur – de soutenir cet artiste prometteur, qui livre un nouveau disque réjouissant et remarquable.


Sans démériter, celui de Tristan Pfaff (né en 1985) se situe un cran en-dessous. Le pianiste français fait preuve d’une virtuosité sans esbroufe, là où l’on souhaiterait qu’il se mette davantage en danger. Toujours contrôlé, le geste est du coup un peu fade tout en demeurant hautement éloquent, comme dans les arrangements wagnériens de Tannhäuser (1852) et Tristan (1867). La frappe manque globalement d’identité – il ne suffit pas de retenir l’adaptation de Vladimir Horowitz dans la Quinzième Rhapsodie hongroise (1853) pour en être imprégné du génie! Ainsi, dans La Danza, si l’on apprécie la mobilité du toucher et la fraîcheur du jeu, on regrette l’absence de vraie folie, l’interprète ne parvenant pas non plus à habiter, dans le Deuxième Rêve d’amour (1850), ces notes qui ne demandent qu’à être mises en valeur. Ces critiques s’entendent surtout par comparaison aux deux autres disques – et l’on ne saurait être trop sévère avec Tristan Pfaff, lequel construit, dans la Valse-Impromptu par exemple, un beau mélange de sérieux et d’ironie, d’élégance et de provocation (le geste s’y fait plus engagé). La Troisième Consolation (1850) et le recueil Venezia e Napoli (1860) témoignent également de qualités d’architecte... ou plutôt de tailleur de pierres: des joyaux d’une beauté encore trop froide.


Le site de Claire-Marie Le Guay
Le site de Joseph Moog


Gilles d’Heyres

 

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com