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02/14/2011
Robert Schumann : Davidsbündlertänze, opus 6 – Fantaisie, opus 17

Mistuko Uchida (piano)
Enregistré à Snape Maltings (24-28 mai 2010) – 73’07 + 29’22 d’entretien (en anglais uniquement, avec James Jolly)
Double album Decca (distribué par Universal) – Notice de présentation en français, anglais et allemand







Robert Schumann : Kreisleriana, opus 16
Heinz Holliger : Partita

Alexander Lonquich (piano)
Enregistré à l’Auditorio Radio Svizzera, Lugano (novembre 2008) – 72’03
ECM New Series 2104 (distribué par Universal) – Notice de présentation en anglais et allemand





Revenant à Robert Schumann (1810-1856) quinze ans après un disque associant le Carnaval aux Kreisleriana (Decca), Mitsuko Uchida (née en 1948) aborde deux chefs-d’œuvre du compositeur allemand. Dans les Danses des compagnons de David (1837), elle ose une immobilité quasi permanente, atténuant les contrastes rythmiques traditionnels entre l’entrain de Florestan et la méditation d’Eusebius pour se situer – bien davantage qu’en concert – dans une sorte de medium des nuances et des rythmes qui déconcerte et magnétise à la fois. Ce faisant, la pianiste japonaise offre une vision nocturne de Schumann – dans l’esprit du dernier Brahms – plus proche des ultimes Chants de l’aube que des Etudes symphoniques pourtant contemporaines. Sa science du clavier – qui parvient à maintenir la tension crépusculaire d’une mélodie en forme de caresse (... là où nombre d’interprètes se heurteraient à la dureté de l’ivoire et aux chutes de tension) – rend cette approche captivante («Wie aus der Ferne» n’a jamais paru aussi ensorcelant). Une gravure mémorable des Davidsbündlertänze – une œuvre en définitive assez mal servie par le disque –, même si l’on peine parfois à reconnaître les dynamiques d’une partition qui regorge de musicalité et d’ivresse rythmiques – autant de facettes qu’on continuera d’aller rechercher du côté de Géza Anda, Catherine Collard, Murray Perahia ou Maurizio Pollini.


Cette approche est – on l’avoue – moins convaincante dans la Fantaisie (1838). Retrouvant une poigne et une vélocité que la pianiste refusait à Florestan dans l’Opus 6, le premier mouvement de l’Opus 17 commence par étonner: grâce à un travail d’orfèvre sur les combinaisons sonores, Mitsuko Uchida déploie un kaléidoscope d’harmoniques tout le long du Durchaus phantastisch und leidenschaftlich vorzutragen. Mais l’état d’esprit méditatif reprend vite le dessus dans chaque mouvement – le premier (qui est pourtant à jouer «d’un bout à l’autre d’une manière fantasque et passionnée»), le Langsam getragen conclusif (d’un recueillement envoûtant mais par trop immobile) et surtout le mouvement central (où la faille interprétative est la plus flagrante, peinant à décoller du rythme Mässig qui est le sien) – et tourne (... à nos oreilles) un peu en rond. La pianiste japonaise nous paraît transformer la Fantaisie en une contemplation hédoniste de la beauté des portées schumanniennes qui en oublie le moteur dynamique d’une œuvre où l’on restera fidèle aux références signées Martha Argerich, Nelson Freire ou Sviatoslav Richter.


Autre vision exigeante du piano de Robert Schumann, celle d’Alexander Lonquich (né en 1960), qui offre une gravure de la première édition des Kreisleriana (1838). On avait perdu de vue le pianiste allemand, qu’on connaissait surtout (chez EMI) comme le partenaire du violoniste Frank Peter Zimmermann – bien qu’il ait laissé un enregistrement schumannien au début des années 1990 (avec notamment les Chants de l’aube et le Carnaval de Vienne), disque aujourd’hui introuvable. Dans cet enregistrement ECM de 2008, Alexander Lonquich trace des lignes complexes et enferme les voix principales et surtout secondaires de l’Opus 16 dans un lointain angoissant. Mais les structures mélodiques sont souvent enfouies trop en sourdine pour séduire véritablement, alors que prédominent des choix de nuances et de tempos contestables – tous marqués par la névrose et l’obsession. Un disque pour initiés en somme, qui ne s’adresse qu’à ceux qui connaissent déjà leur Argerich, Horowitz, Nat, Pollini... et veulent prolonger leur lecture des Kreisleriana au-delà des frontières traditionnelles.


Avec la Partita de Heinz Holliger (né en 1939), l’album contient d’ailleurs un prolongement (qui se veut cohérent). Composée en 1999 et dédiée à András Schiff, cette œuvre de trente-sept minutes (en sept mouvements) rend – douze ans après Gesänge der Frühe pour chœur, orchestre et bande (1987) – une sorte d’hommage à Schumann (... «as the final echoes of Kreisleriana give way to the first movement», ainsi que l’écrit Hans-Klaus Jungheinrich dans la notice) avec ses deux Intermezzos intitulés Sphynxen für Sch. (par référence aux «Sphinxes» de Carnaval) – et, bien évidemment, à Bach. La Partita de Holliger est un morceau puissant et d’une belle cohérence, malgré la complexité de la forme et l’obscurité du message. Elle culmine dans le deuxième mouvement: une Fuga de plus de sept minutes où un pianisme à fleur de peau déverse une pluie de notes en entrelacs, se poursuivant dans une fuite en avant des deux mains, avant que chacune ne s’échoue dans les registres extrêmes de l’aigu et du grave. Avec cette œuvre au climat inquiétant et aux figures mélodiques obsédantes (... une résonnance du delirium tremens de Schumann?), le compositeur suisse trouve dans le jeu d’Alexander Lonquich un interprète idéal et parfaitement dévoué.


Le site de Mitsuko Uchida


Gilles d’Heyres

 

 

 

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