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01/09/2011
Gustav Mahler : Symphonie n° 1 en ré majeur, «Titan» – Symphonie n° 4 en sol majeur

Margaret Marshall (soprano), Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks, Sir Colin Davis (direction) [Première], Orchestre national de Lille, Jean-Claude Casadesus (direction) [Quatrième]
Lieux d’enregistrement non précisés (septembre 1986 [Quatrième] et avril 1988 [Première]) – 111’34
Album de deux disques Novalis Classics 150.707-2 (distribué par Intégral) – Notice (brève) en allemand








Gustav Mahler : Symphonie n° 4 en sol majeur
Rosemary Joshua (soprano), Orchestre des Champs-Elysées, Philippe Herreweghe (direction)
Enregistré en public à la Maison de la culture de Grenoble (11 et 12 mars 2010) – 53’28
Phi LPH 001 (distribué par Harmonia mundi) – Notice trilingue (français, anglais et allemand) de Philippe Herreweghe et Jeremy Barham





Passionnante confrontation que ces deux versions de la Quatrième symphonie de Gustav Mahler (1860-1911), servies par deux chefs aussi dissemblables que possible. D’un côté, Jean-Claude Casadesus, dans un enregistrement réalisé en septembre 1986 (ce disque ayant initialement paru chez Forlane), qui bénéficie évidemment du concours de l’Orchestre national de Lille et de la soprano Margaret Marshall, elle qui avait déjà enregistré l’œuvre sous la direction d’Alexander Gibson quelques années plus tôt (disque publié cette fois-ci chez Chandos, en 1980). De l’autre, Philippe Herreweghe, à la tête de son tout aussi fidèle Orchestre des Champs-Elysées, qui enregistre ainsi son premier disque pour le label qu’il a lui-même fondé, Phi, après avoir dirigé l’œuvre à de nombreuses reprises en concert de clôture du Festival de l’Abbaye-aux-Dames de Saintes (le 22 juillet 2007) puis dans le cadre d’une tournée européenne en octobre 2007 (avec Carolyn Sampson en soliste) et, de nouveau, en tournée au mois de mars 2010 (Poitiers, Ravenne, Grenoble, Bruxelles, Rotterdam…) avec Rosemary Joshua. Au risque de tomber dans l’appréciation classique compte tenu des deux tempéraments en présence, on pourrait dire que la version de Casadesus est mitigée et celle de Herreweghe extrêmement travaillée.


Jean-Claude Casadesus bénéficie certes d’un bel orchestre avec des solistes généralement à la hauteur d’une œuvre exigeante mais on regrette une approche beaucoup trop sage, pas suffisamment sarcastique (notamment dans le deuxième mouvement, où bois et violon solo interviennent assez platement) et, au total, assez peu expressive. Force est d’ailleurs de constater que cette excessive sagesse demeure un leitmotiv chez Jean-Claude Casadesus, ainsi qu’il l’a encore démontré il y a quatre ans dans une Troisième symphonie donnée Salle Pleyel. Le magnifique troisième mouvement est sans nul doute le mieux interprété, servi par des cordes pleines et puissantes quand il le faut, également épaulé par une harpe douce et solaire, mais lui aussi trahit certaines baisses de tension de telle sorte qu’on a parfois l’impression de phases qui se succèdent au détriment de l’arche qui doit normalement être dessinée. Quant au dernier mouvement, après une magnifique entrée en matière de la part de la clarinette, il se perd très rapidement, ne sachant quelle option finalement choisir entre la jeunesse optimiste et le climat strictement printanier. Handicapée par un tempo trop rapide (le premier mouvement souffrant également de variations de tempi qui nuisent fortement à sa cohérence), Margaret Marshall ne parvient guère à convaincre en dépit d’un timbre plutôt agréable.


Presque vingt-cinq ans plus tard, voici donc Philippe Herreweghe qui, à son tour, enregistre cette symphonie, lui qui a démontré ses fortes accointances avec le compositeur autrichien à l’occasion d’une magnifique version du Knaben Wunderhorn parue en 2005. Ce qui frappe d’entrée, c’est la clarté du discours (vraisemblablement aidée par l’excellente prise de son) qui renforce la dimension féérique et merveilleuse de la symphonie, notamment dans un très beau premier mouvement: les interventions solistes sont du plus haut niveau (clarinettes, hautbois, flûte, cors) et servent au mieux un discours qui avance sans cesse, qui se nourrit lui-même et qui enrichit considérablement la partition par rapport à la version Casadesus. La sécheresse des timbres (inhérente à la facture des instruments utilisés) qu’on a parfois pu déceler au sein de l’Orchestre des Champs-Elysées est ici généralement absente et seules quelques interventions trahissent le fait qu’il ne s’agit pas d’un orchestre traditionnel.


La très belle impression laissée par le premier mouvement se confirme dans le deuxième, où le sarcasme, la mort moqueuse et inquiétante à la fois sont, cette fois-ci, bel et bien présents: qu’on écoute attentivement les clarinettes, le cor solo (admirable) ou le violon (néanmoins un peu trop sagement tenu par Alessandro Moccia) pour s’en convaincre. On peut, certes, reprocher à Herreweghe de parfois trop insister sur tel trait ou telle intervention, leur donnant une sorte de coup de projecteur dans une double perspective à la fois esthétique et didactique, mais le discours fonctionne si bien que ce ne sont là que de menus reproches. Encore plus beau, mais on pouvait s’y attendre tant Herreweghe a maintes fois prouvé (de Bach à Bruckner) combien il savait nourrir et tenir des mouvements lents, le troisième mouvement dont la sérénité puis la mélancolie s’imposent à l’oreille avec un naturel confondant. On souhaiterait que celui-ci dure à jamais (les réussites, dans une tout autre esthétique, de Reiner, Walter ou Haitink viennent immédiatement à l’esprit) mais voici venu le temps pour la voix d’apparaître et de se mêler à l’orchestre. Jusqu’à présent, on connaissait davantage la soprano galloise Rosemary Joshua, pour ses incarnations de personnages d’opéras baroques (notamment Calisto, Jephté ou Sémélé) ou ses belles prises de rôle dans La Petite Renarde rusée de Janácek ou dans Tancrède de Rossini. Sa prestation mahlérienne laisse une impression quelque peu ambivalente: si l’on peut regretter un vibrato par trop excessif, on est, en revanche, sous le charme d’une voix assurée mais juvénile, naïve pourrait-on dire, qui convient parfaitement au propos. Indéniablement, à défaut de s’imposer parmi les toutes meilleures versions, le témoignage de Philippe Herreweghe doit être placé au sommet et, une fois de plus, on ne peut que saluer l’intelligence d’un chef que l’on ne cesse d’admirer et qui, jamais, ne laisse indifférent.


Complément de la Quatrième symphonie gravée par Casadesus, la Première, enregistrée par Sir Colin Davis à la tête de l’Orchestre symphonique de la Radio bavaroise en avril 1988. Force est de constater que Sir Colin Davis n’a jamais été un adepte de l’œuvre mahlérienne, l’ayant peu enregistrée (signalons néanmoins une très belle version de la Huitième avec le même orchestre) et également peu donnée en concert: c’est ce qui explique peut-être que la présente version nous laisse sur notre faim. Les qualités de coloriste et de finesse musicale du chef anglais sont bel et bien présentes: aidé il est vrai d’une magnifique phalange, celui-ci nous distille un discours d’une clarté et d’un équilibre parfaits, chaque instrument apparaissant en pleine lumière sans pour autant sortir de l’ensemble. Néanmoins, la perfection tend à nous plonger, dès le premier mouvement, dans une certaine indifférence, l’orchestre ne se jetant jamais véritablement à bras-le-corps dans cette Titan que l’on aimerait plus explosive, avec davantage de débordements, voire d’imperfections, autant d’éléments qui font véritablement vivre le discours musical. En outre, certains choix de tempi (à la fin du premier mouvement ou dans la dernière partie du quatrième) conduisent à rendre le discours général quelque peu artificiel. Autant de raisons qui nous incitent à en rester aux versions signées, pêle-mêle, Walter (n’importe laquelle pourrait-on dire même si l’enregistrement avec New York réalisé en janvier 1954 conserve notre préférence...), Abbado (avec Berlin plutôt qu’avec Chicago), Giulini (avec Chicago cette fois-ci) ou Kondrachine...


Le site de l’Orchestre des Champs-Elysées


Sébastien Gauthier

 

 

 

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