|
Back
10/17/2010
Camille Saint-Saëns : Concerto pour violoncelle n°1 en la mineur, opus 33 – Le Carnaval des animaux – Sonate pour violoncelle et piano n°1 en ut mineur, opus 32 (*) – Romance pour violoncelle et piano, opus 36 (**) – Suite pour violoncelle et piano, opus 16: Sérénade (**)
Henri Demarquette (violoncelle), Boris Berezovsky (*), Brigitte Engerer (**) (piano), Marina Chamot-Leguay (flûte), Richard Vieille (clarinette), Nathalie Geujon-Gantiez, Ionela Christu (percussions), Deborah Nemtanu, Michel Guyot (violon), Serge Soufflard (alto), Eckhard Rudolph (contrebasse), Ensemble orchestral de Paris, Joseph Swensen (direction)
Enregistré à Paris (novembre 2009) – 67’
Mirare MIR108 (distribué par Harmonia mundi) – Notice en français, anglais et allemand
Le présent disque est consacré à des pièces de Camille Saint-Saëns, célébrissimes ou méconnues, centrées sur le violoncelle et interprétées par un violoncelliste français, particulièrement productif, Henri Demarquette, et quelques uns de ses amis. L’ensemble est de haute tenue et parfaitement équilibré : Henri Demarquette joue sobrement, ne tire nullement la couverture à lui au détriment de ses partenaires et sait demeurer constamment expressif, sans lourdeur, et révéler l’élégance toute française de la musique de Saint-Saëns.
Le compendieux Premier Concerto pour violoncelle (1873), aux trois mouvements rondement enchaînés, est ainsi conçu comme une pièce du dix-huitième siècle, la distinction un peu distante du soliste ne compensant cependant pas toujours un Ensemble orchestral de Paris plutôt terne et décevant sous la direction de Joseph Swensen. La Première Sonate pour violoncelle et piano, de la même année, mais aux couleurs plus sombres, paraît plus intéressante. Le discours du piano quasi beethovénien est d’emblée tenu fermement par Boris Berezovsky tandis que Henri Demarquette déploie un jeu intense doté d’un superbe legato. Le deuxième mouvement est infiniment délicat et, dans le dernier mouvement, on retrouve un piano virtuose mais aérien tout à fait superbe. La Romance (1874), assez vaporeuse, qui suit, initialement conçue pour cor et piano, a le mérite d’être brève, de même que la «Sérénade» extraite de la Suite pour violoncelle et piano (1862) avant que ne débute une remarquable interprétation du Carnaval des animaux(1886). La conception d’ensemble, clairement chambriste, l’équilibre général, la prise de son toujours claire, l’esprit surtout, l’ironie mordante mais jamais vulgaire et empesée, sont exemplaires. Certes la qualité instrumentale n’est pas celle de Martha Argerich et de ses amis (Philips) mais le ton y est beaucoup plus juste sans tomber pour autant dans la blague musicale qu’Edgar Varèse qualifiait de «lamentable». Ces pages ne sont pas sérieuses même s’il faut les jouer sérieusement. La marche royale du lion est ainsi caricaturale à souhait, ça caquette et jabote beaucoup dans la basse-cour, les hémiones ne font que passer, les tortues se traînent péniblement, on a envie de jouer avec l’éléphant, les petits bonds des kangourous sont bien surprenants, les poissons frétillent, la flûte de Marina Chamot-Leguay virevolte en tout sens dans la volière, les pianistes, mal coordonnés et n’ayant qu’une conception toute relative du tempo, sont absolument irrésistibles, le cygne d’Henri Demarquette allie grâce et prétention, l’interprète veillant à ne pas tomber dans le piège de la somptueuse pièce de concert isolée du reste, et dans le finale, au terme d’un curieux défilé de quatorze types de bestioles, tout ce petit monde déboule à toute vitesse, danse et s’ébroue dans un joyeux bazar. C’est une vraie fantaisie zoologique comme l’a sous-titrée Saint-Saëns; c’est gai, coloré, et maîtrisé de bout en bout par des instrumentistes qui s’amusent et sont ravis de jouer ensemble. Un disque généreux à tout point de vue.
Stéphane Guy
|
