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09/09/2010
Georg Friedrich Händel : Rodrigo HWV 5

Maria Riccarda Wesseling (Rodrigo), María Bayo (Esilena), Sharon Rostorf-Zamir (Florinda), Kobie van Rensburg (Giuliano), Max Emanuel Cencic (Fernando), Anne-Catherine Gillet (Evanco), Al Ayre Espanol, Eduardo López Banzo (clavecin et direction)
Enregistré à l’Arsenal de Metz (avril 2007) – 157’
Coffret de trois disques Ambroisie AM 132 (distribué par Naïve) – Notice de Rainer Heyink et traduction des textes chantés trilingues (français, anglais, espagnol)





Rodrigo est le premier opéra italien composé par Georg Friedrich Händel (1685-1759): cela se sent! Œuvre de jeunesse, composée en 1707 – Händel est alors âgé de 22 ans – , facilement maladroite, généralement assez peu recherchée tant dans la construction que dans l’orchestration, fortement influencée par l’opéra italien alors en vogue (longs récitatifs secco, tournures rythmiques et mélodiques reconnaissables, ...), c’est un opéra qui a connu une longue éclipse. Peu représenté du vivant du compositeur, il resurgit partiellement au début des années 1970; en outre, le troisième acte au complet ne fut redécouvert qu’en 1983 par deux musicologues, Anthony Hicks et Winton Dean. C’est sur la base de l’œuvre ainsi reconstituée que s’effectuèrent les premiers enregistrements, longtemps dominés par la très belle version dirigée par Alan Curtis à la tête de son Complesso Barocco (Virgin Veritas).


Vraisemblablement créé à Florence à l’automne 1707 (peut-être au Teatro del Cocomero), l’opéra, placé «sous la protection du Sérénissime Prince de Toscane», illustre davantage une règle de conduite dans la vie de tout un chacun que l’histoire même de Rodrigo. Le véritable titre de l’opéra, Vincer se stesso e la maggior vittoria («La plus grande victoire est celle que l’on remporte sur soi même»), n’est, en effet, pas clairement établi dans une intrigue qui, une fois encore chez Händel (et, au-delà, chez la plupart des compositeurs de l’époque), mêle récit historique et aventures amoureuses. L’action se situe en Espagne, à la fin du VIIe siècle après Jésus-Christ. Face à la stérilité de son épouse Esilena, Rodrigo, dernier roi wisigoth d’Espagne, cherche à s’attirer les bonnes grâces de Florinda, sœur de Giuliano, comte de Ceuta. Florinda, après qu’elle lui a donné un fils, demande alors à Rodrigo de s’engager davantage en l’épousant, ce qu’il refuse. Les intrigues se multiplient, Evanco et Giuliano manquent tous deux de perdre la vie, mais l’issue de l’opéra s’avère globalement favorable à l’ensemble des protagonistes. Ainsi, Rodrigo abandonne son trône au profit d’Evanco qui devient l’époux de Florinda. Quant à Rodrigo, roi déchu, il finit par s’exiler, accompagné d’Esilena qui décide de vivre heureuse avec lui.


S’attaquant donc à Rodrigo dans sa version intégrale, Eduardo López Banzo dirige un très bel ensemble dont, malheureusement, on n’aperçoit pas suffisamment les mérites. L’instrumentarium s’avère relativement pauvre puisque les bois interviennent peu, les cuivres sont absents (alors que Händel saura, par la suite, les utiliser de manière tout à fait souveraine) et les motifs confiés aux cordes s’avèrent parfois peu recherchés. Certes, tel n’est pas toujours le cas! Soulignons ainsi l’intervention importante et peu commune du basson au début de l’aria enthousiaste de Rodrigo, «Sommi Dei, se pur v’offesi» (acte I, scène 9), ou lorsqu’il accompagne celui de Giuliano, «Là ti sfido a fiera battaglia», magnifiquement chanté par Kobie van Rensburg (acte II, scène 7). De même, le talent de Händel (qui, là encore, rappelle celui de Vivaldi) parvient à transfigurer l’intervention de deux ou trois instruments qui, lorsqu’ils accompagnent un chanteur, suffisent à emporter l’auditeur. La première aria de Rodrigo, «Occhi neri» (acte I, scène 1), est extrêmement révélatrice à cet égard: un théorbe, un violoncelle et deux violons embellissent sans difficulté la déjà très belle voix de Maria Riccarda Wesseling, dont on regrettera néanmoins la trop faible implication, le discours s’avérant souvent monocorde. Dernier exemple issu du premier acte, parmi quelques autres, le jeu très simple mais néanmoins prenant entre la voix et le hautbois, leur dialogue étant habilement entrecoupé par les cordes de l’orchestre: à deux reprises, l’alchimie händelienne prend immédiatement (airs d’Evanco à la scène 6, «Eroica fortezza», et de Giuliano à la scène suivante, «Stragi, morti, sangue ed armi»)!


Le résultat global obtenu s’explique en priorité par les évidentes affinités que Händel, alors à l’aube de sa carrière, entretient déjà avec la voix ou, plutôt, avec les voix. En effet, la réussite du jeune compositeur est particulièrement visible dans les duos qui émaillent cet opéra. Le troisième acte comporte ainsi deux magnifiques moments où la souplesse des chanteurs sublime véritablement le propos: qu’il s’agisse du duetto «Ti lascio, idolo moi» (scène 2) ou de «Prendi l’alma prendi il core» (scène 8), les voix sont superbes et l’on ne peut ici que saluer les prestations de Maria Riccarda Wesseling et María Bayo. Cette dernière déçoit néanmoins en quelques occasions, son agilité vocale faisant parfois défaut face à une partition exigeante en plus d’une occasion. Tel n’est pas en revanche le cas lorsqu’on écoute Kobie van Rensburg, irréprochable de bout en bout (écoutez son aria «Spirti fieri» à la scène 4 de l’acte III!) ou le très aguerri Max Emanuel Cencic qui, hasards de l’œuvre, n’intervient malheureusement qu’à peu de reprises: l’agilité de ses vocalises est néanmoins étourdissante dans l’aria «Dopo i nembi, e le procelle», compensant sans peine une évidente pauvreté orchestrale. Si Sharon Rostorf-Zamir campe une honnête Florinda, on saluera surtout l’excellente Anne-Catherine Gillet qui prouve en maintes occasions qu’elle est une excellente chanteuse: pour s’en persuader, on écoutera simplement son aria «Il dolce foco moi» à l’acte III (scène 7).


Si Rodrigo n’est naturellement pas au niveau des compositions ultérieures de Händel (quel saut franchi lorsque l’on se souvient qu’il compose La Resurrezzione dès le printemps 1708!), son intérêt musicologique est évident. Eduardo López Banzo et son équipe nous en livrent ici une solide version, qui plus est basée sur les dernières découvertes musicologiques en date: excellente occasion pour compléter sa discothèque!


Le site de Maria Riccarda Wesseling
Le site de María Bayo
Le site de Kobie van Rensburg
Le site de Max Emanuel Cencic
Le site de l’ensemble Al Ayre Espanol


Sébastien Gauthier

 

 

 

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