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07/25/2010
L’Univers des castrats – La voix des anges: «Par elle»
Claudio Monteverdi: L’Orfeo: «Hor mentre i canti alterno» [1]
Georg Friedrich Händel: La Resurrezione, HWV 47: «Dolci chiodi» et «Ho un non so che» [2] – Giulio Cesare, HWV 17: «Dall’ondoso periglio… Aure, deh, per pietà» [3] – Ariodante, HWV 33: «E vivo aucora?... Scherza infida» [4] – Alcina, HWV 34: «Mi lusinga il dolce affetto» [5] – Serse, HWV 40: «Crude furie» [6] et «Frondi Tenere… Ombra mai fù» [7]
Antonio Caldara: La Passione di Gesù Cristo Signor Nostro: «Giacche mi tremi» [8]
Antonio Vivaldi: La fida ninfa, RV 714: «Destin nemico… Destin avaro» [9] – Bajazet, RV 703: «Sposa son disprezzata» [10], «Spesso tra vaghe rose» [11] et «Anche il mar par che sommerga» [12]
Wolfgang Amadeus Mozart: La Clemenza di Tito, K. 621: «Deh, per questante istante solo» [13]

Natalie Dessay [1], Kate Royal [2], Patrizia Ciofi [12], Véronique Gens [13] (sopranos), Stephanie Blythe [3], Joyce DiDonato [4, 6], Della Jones [5], Anne Sofie von Otter [7], Laura Polverelli [8], Vivica Genaux [9], Elina Garanca [10] (mezzos), Sonia Prina [2] (contralto), Le Concert d’Astrée, Emmanuelle Haïm (direction) [1, 2], Ensemble orchestral de Paris, John Nelson (direction) [3], Les Talens lyriques, Christophe Rousset (direction) [4, 6], City of London Baroque Sinfonia, Richard Hickox [5], Les Arts florissants, William Christie [7], Europa Galante, Fabio Biondi (direction) [8 à 12], Orchestra of the Age of Enlightenment, Ivor Bolton (direction) [13]


L’Univers des castrats – La voix des anges: «Par lui»
Antonio Vivaldi: Giustino, RV 717: «Vedrò con mio diletto» [1]
Georg Friedrich Händel: Admeto, Rè di Tessaglia, HWV 22: «Se l’arco avessi, e i strali» [2] et «Quivi tra questi solitari orrori» [3] – Fernando, Re di Castiglia, HWV 30: «In mille dolci modi» [4] – Faramondo, HWV 39: «Ritorna pur, ritorna…» [5] – Serse, HWV 40: «Frondi Tenere… Ombra mai fù» [6]
Johann Adolf Hasse: La Clemenza di Tito: «Se mai senti» [7]
Christoph Willibald Gluck: Orfeo ed Euridice: «Che faro senza Euridice» [8]
Wolfgang Amadeus Mozart: Mitridate, Rè di Ponto, K. 74a [87]: «Venga pur, minacci e frema» [9]
Johann Christian Bach: Air de concert «Ebben si vida… lo ti lascio» [10]
Gioacchino Rossini: «Dolci silvestri… Perché mai le luci apprimo», extrait de Aureliano in Palmira [11]
Philippe Jaroussky [1, 7, 10], James Bowman [2], René Jacobs [3], Lawrence Zazzo [4], Max Emanuel Cencic [5, 11], Gérard Lesne [6], David Daniels [8, 9] (contre-ténors), Ensemble Matheus, Jean-Christophe Spinosi (direction) [1], Il Complesso Barocco, Alan Curtis (direction) [2 à 4], Le Concert d’Astrée, Emmanuelle Haïm (direction) [7], I Barocchisti, Diego Fasolis (direction) [5], Il Seminario Musicale, Gérard Lesne (direction) [6], Orchestra of the Age of Enlightenment, Harry Bicket (direction) [8, 9], Le Cercle de l’Harmonie, Jérémie Rhorer [10], Orchestre de chambre de Genève, Michael Hofstetter [11]


Séances d’enregistrement
Claudio Monteverdi: L’Orfeo: «Hor mentre i canti alterno» [1]
Georg Friedrich Händel: Serse, HWV 40: «Crude furie degl’orridi abissi» [2] – Parnasso in Festa, HWV 73: «Lunga seria» [3]
Johann Christian Bach: Adriano in Siria: «Cara, la dolce fiamma» [4]
Antonio Vivaldi: Bajazet, RV 703: «Anche il mar per che sommerga» [5] et «Qual guerriero in campo armato» [6]
Natalie Dessay [1], Patrizia Ciofi [5] (sopranos), Joyce DiDonato [2], Vivica Genaux [6] (mezzos), Max Emanuel Cencic [3], Philippe Jarrousky [4] (contre-ténors), Le Concert d’Astrée, Emmanuelle Haïm (direction) [1], Les Talens lyriques, Christophe Rousset (direction) [2], I Barrochisti, Diego Fasolis (direction) [3], Julien Chauvin (violon solo), Le Cercle de l’Harmonie, Jérémie Rhorer [4], Europa Galante, Fabio Biondi [5, 6]
Enregistré entre 1978 et 2009 – 144’52 (CD) et 33’02 (DVD)
Coffret de deux disques et un DVD Virgin Classics 50999 627590 2 1 – Notice en français de Frédéric Delaméa





Puisant aussi bien dans ses fonds de catalogue que dans ses enregistrements les plus récents, Virgin nous offre ici un panorama relativement complet du répertoire qui a été composé à l’attention des castrats, notamment au XVIIIe siècle, et dont les vedettes s’appelaient alors Farinelli, Caffarelli, Senesino, Salimbeni, Balatri et Uferti. Le présent coffret se compose de deux disques, l’un rassemblant des airs chantés par des voix féminines, l’autre des airs chantés par des voix masculines, et d’un DVD qui comprend notamment des séances d’enregistrement ayant ensuite donné lieu à la publication d’un disque.


Le premier disque, même s’il comprend un air tiré de L’Orfeo de Claudio Monteverdi, est dominé par les figures de Georg Friedrich Händel (1685-1759) et d’Antonio Vivaldi (1678-1741). Il est vrai que le grand compositeur saxon, auteur de dizaines opéras, a fréquemment eu l’occasion de composer pour les célèbres castrats de son époque, à commencer per Senesino (1686-1759) qui, paraît-il, était son chanteur préféré. De son vrai nom Francesco Bernardi, il reste dans l’histoire de la musique pour avoir notamment créé le rôle-titre de Giulio Cesare ainsi que celui de Bertarido dans Rodelinda. Outre ces deux personnages majeurs, il créa et interpréta maints opéras de Händel, qui écrivit également pour lui plusieurs pièces religieuses ou profanes. En conflit permanent avec le compositeur et les autorités administratives des théâtres londoniens, Senesino quitte finalement Händel pour rejoindre la troupe concurrente de Porpora («The Opera of the Nobility») mais son style se voit concurrencé par d’autres castrats géniaux, notamment Carestini; il cesse donc de chanter dans les années 1740. De même, Carestini (1704-1760?), également appelé Cusanino (d’après le nom de son mécène le cardinal Cusani), fut un artiste choyé par Händel, dont il créa les rôles d’Ariodante et de Ruggiero (dans Alcina). Merveilleux chanteur doublé de talents de comédiens, Carestini côtoya, dans le répertoire haendelien, une autre immense figure, celle de Gaetano Majorano, plus connu sous le nom de Caffarelli (1710-1783), élève de Porpora qui parcourut l’Europe musicale avec succès de 1726 à 1756.


Les extraits qui nous sont ici proposés rendent hommage à ces divers artistes, l’air de Giulio Cesare ayant par exemple été chanté à l’époque par Senesino et les airs de Serse par Caffarelli. Parmi ces différentes pages, on retiendra surtout le grand air «E vivo aucora ?... Scherza infida» chanté (et joué par ailleurs par les musiciens des Talens lyriques) avec une souplesse confondante par Joyce DiDonato, certainement une des pages les plus fortes jamais composées par Händel. L’aria «Mi lusinga il dolce affretto», délicieusement chanté par Della Jones, nous rappellera combien la version d’Alcina dirigée par le regretté Richard Hickox demeure de tout premier plan, en dépit des évolutions interprétatives qui ont pu exister depuis.


De l’autre côté du continent, Antonio Vivaldi recourait également fréquemment aux castrats pour chanter dans ses multiples opéras et pièces religieuses. L’attention portée à l’époque aux jeunes instrumentistes des différents ospidali vénitiens obligeait les compositeurs de la Sérénissime à engager ponctuellement des castrats itinérants à travers toute l’Europe, au premier rang desquels figuraient les noms déjà cités. Vivaldi offrit des rôles sublimes à ces chanteurs, qu’il s’agisse de celui d’Osmino (dans La fida ninfa), de Vitellia (dans Tito Manlio) ou de Tamiri (dans Farnace). Le premier air, chanté ici avec véhémence par Vivica Genaux, est tiré de La fida ninfa («La nymphe fidèle»), opéra composé par Vivaldi en 1732. Il témoigne de ce que l’on demandait alors aux castrats et ce pourquoi ils étaient réputés: une agilité vocale stupéfiante, servie par une colonne d’air plus importante que la moyenne (consécutive à l’opération même de la castration qui, entre autres troubles physiologiques, pouvait entraîner l’apparition d’une cage thoracique beaucoup plus large que la moyenne). Il en va de même pour les trois extraits de Bajazet chantés successivement par Vivica Genaux, Elina Garanca et Patrizia Ciofi; il est inutile de revenir longuement sur cette gravure, saluée à sa sortie comme une immense réussite, si ce n’est pour de nouveau se précipiter sur l’intégrale et ne pas se contenter de ces quelques trop brefs moments.


Mentionnons enfin la splendide aria «Giacche mi tremi» issu de La Passione di Gesù Cristo Signor Nostro, oratorio composé par Antonio Caldara (1671-1736), qui offrit plusieurs rôles à Farinelli et à Salimbeni alors qu’il était vice-maître de chapelle à la cour de Vienne, auprès de l’empereur Charles VI. Laura Polverelli, d’une voix à la fois altière et résignée, est superbe.


Le second disque s’avère plus diversifié même si, là encore, Georg Friedrich Händel domine l’ensemble (cinq extraits sur onze). Bien qu’on soit désormais habitué à l’entendre chez Vivaldi, ne boudons pas notre plaisir en écoutant le bref air «Vedrò con mio diletto», extrait de l’opéra Giustino chanté par Philippe Jaroussky avec son adresse et sa délicatesse habituelles. La complicité nouée avec Jean-Christophe Spinosi, une nouvelle fois, ne se dément pas. Les extraits d’opéras de Händel nous permettent notamment d’entendre et de rendre hommage aux «grands anciens» que furent James Bowman, René Jacobs et Gérard Lesne. Leur écoute témoigne d’une fréquentation assidue de ce répertoire, leurs voix sachant respirer avec les musiciens, instiller une diversité peu commune de couleurs et de climats... Même si Jacobs et Lesne (dans l’incontournable «Ombra mai fù») sont excellents, la palme revient néanmoins à James Bowman, immense, incarnation même du personnage de Trasimède, dont le chant brille à chaque note. Profitons-en pour, parmi tant de sublimes enregistrements, réécouter la magnifique Ode for the Birthday of Queen Anne où Bowman illumine l’interprétation dirigée par Simon Preston (L’Oiseau-lyre)!


Il en va de même pour les deux autres airs chantés par Philippe Jaroussky, l’un tiré de La Clemenza di Tito de Johann Adolf Hasse (16991783), qui reste célèbre pour avoir notamment permis à Farinelli (Carlo Broschi de son vrai nom, 1705-1782) de briller de mille feux dans son opéra Artaserse, l’autre étant un air de concert composé par Johann Christian Bach (1735-1782), «Ebben si vida… lo ti lascio», qui nous fait entrer de plain-pied dans l’époque classique. Enfin, signalons l’air «Dolci silvestri… Perché mai le luci apprimo» tiré de l’opéra méconnu de Gioacchino Rossini Aureliano in Palmira (1813), dont le motif mélodique principal est identique à celui de la célèbre ouverture du Barbier! Max Emanuel Cencic témoigne d’une souplesse vocale superbe; dommage qu’il soit accompagné de manière un peut trop prosaïque par un orchestre de chambre de Genève peu au fait de cette musique.


Troisième produit de ce coffret, un DVD nous montrant les séances d’enregistrement des quelques-uns des airs précédemment entendus. Se succèdent ainsi quelques brefs moments comme la gestique passionnée d’Emmanuelle Haïm (accompagnant Natalie Dessay dans Monteverdi) ou l’altière figure de Joyce DiDonato (captée en concert au Théâtre des Champs-Elysées) et quelques séquences plus longues. Parmi ces dernières, on en retiendra deux. Tout d’abord, le fantastique «Cara, la dolce fiamma», extrait de l’opéra de Johann Christian Bach Adriano in Siria, où les larmes viennent aux yeux à l’écoute de la première note, l’émotion ne nous quittant jamais, Jaroussky et Rhorer servant avec une délicatesse et une inspiration inouïes un répertoire trop longtemps passé sous silence. Enfin, profitons de l’agilité vocale de Vivica Genaux dans l’air «Qual guerriero in campo armato», extrait de Bajazet, sous l’œil vigilant et sans complaisance de Fabio Biondi qui, de son violon, dirige avec l’énergie qu’on lui connaît son ensemble Europa Galante.


Rappelons que les différents extraits proposés dans ce coffret sont issus d’œuvres plus ou moins connues par ailleurs disponibles dans leur intégralité: s’ils peuvent amadouer le mélomane, ils ne pourront que difficilement le satisfaire tant ils illustrent une richesse à portée de main vers laquelle, immanquablement, il se précipitera. Enfin, comment achever ce commentaire en taisant le nom d’Alessandro Moreschi (1858-1922), soprano soliste et chef des chœurs de la Chapelle Sixtine de 1898 à 1913. Bien qu’il ne soit pas représenté dans ce coffret (les rares enregistrements existants ayant d’ailleurs été publiés, comme cet extrait du «Crucifixus» de la Petite messe solennelle, édité chez Opal), sa figure demeure présente à l’esprit tant il symbolise à la fois l’adresse vocale et les meurtrissures physiques et morales (on lira à cet effet avec intérêt le beau roman que lui a consacré Luc Leruth, La quatrième note, chez Gallimard) infligées à des générations de jeunes enfants, et ce pour la plus grande gloire de la musique.


Sébastien Gauthier

 

 

 

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