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01/11/2010
«Alto/Multiples»
Paul Hindemith : Sonate pour alto seul, op. 25 n°1
Bernd Alois Zimmermann : Sonate für viola ...an gen Gesang eines Engels
Luciano Berio : Sequenza VI
Gérard Grisey : Prologue pour alto
Emmanuel Nunes : Einspielung III pour alto
Elliott Carter : Figment IV pour alto
Gilles Binchois/Georg Kröll : Tant plus aymé, pour trois altos
Pierre Boulez : Messagesquisse, version pour alto solo et six altos
Johannes Ockeghem/Bruno Maderna : Malor me bat, pour trois altos
Wolfgang Rihm : Canzona nuova, pour cinq altos
Domenico Gabrielli : Ricercare 1, version pour alto
Jonathan Harvey : Ricercare una melodia, for viola and tape-delay system
Carlo Gesualdo/Christophe Desjardins : Madrigale X (Quinto libro), pour cinq altos
Ivan Fedele : Elettra, pour alto et électronique live

Christophe Desjardins (alto)
Enregistré en l’Evangelisch-Reformierte Kirche de Marthalen, Suisse (19-21 juillet 2008 [Hindemith, Zimmermann, Berio, Nunes]), et au Studio Cage, La Muse en circuit, d’Alfortville (26 octobre, 20-22 décembre 2008, 7 et 8 février 2009 [Grisey, Carter, Binchois, Boulez, Ockeghem, Rihm, Gabrielli, Harvey, Gesualdo, Fedele]) – 145’58
Album de deux disques æon AECD 0981 (distribué par Harmonia mundi) – Notice en français et anglais de Christophe Desjardins





Le nouveau récital de l’altiste Christophe Desjardins est constamment une joie. L’alto en tant qu’instrument soliste reste un grand délaissé des siècles passés, malgré certaines pièces de qualité exceptionnelle. Les compositeurs du XXe siècle, cependant, se sont montrés plus généreux et le programme conçu par Christophe Desjardins pour ce double album se base sans peine sur plusieurs fils conducteurs. La première partie, «Alto», présente quelques œuvres-phares conçues pour alto seul au siècle dernier, s’étendant de la Sonate de Hindemith, altiste lui-même, à l’Einspielung III de Nunes, qui s’est tourné vers l’alto à plusieurs reprises. Elle se termine sur une gracieuse pirouette : Figment IV (2007) d’Elliott Carter, compositeur emblématique qui, né en 1908, a traversé le siècle de part en part. La seconde partie, «Multiples», présente des œuvres écrites pour un ou plusieurs altos (ici en re-recording) ou pour alto avec dispositif électronique, partitions complexes que Desjardins confronte à des pièces de musique ancienne retravaillées ou transcrites pour son instrument.


Permettant ainsi l’épanouissement d’un magnifique alto dans tous ses états, ce double récital est une parfaite réussite. L’interprète y est pour beaucoup. La beauté, la virtuosité et la fine intelligence de la prestation de Christophe Desjardins, révélateur de toute la profondeur musicale d’un répertoire qu’il sert si bien, convainquent et émeuvent au-delà des luxueuses sonorités pourtant bien appréciées de son Goffriller 1730.


L’ordre chronologique observé lors de la première partie permet de suivre, en quelque sorte, une certaine évolution de la composition musicale. En effet, chaque œuvre explore une voie compositionnelle ou une technique instrumentale nouvelle. D’un esprit sériel fermement orienté vers un choral de Bach, la troublante Sonate de Zimmermann tend un pont entre les timbres travaillés de la Sonate de Hindemith, ample et épanouie, et l’étonnante Sequenza expérimentale de Berio dont Desjardins livre ici une interprétation saisissante, une des plus belles à ce jour. Sous ses doigts, le Prologue de Gérard Grisey, à l’ombre double, onirique et discrète, de résonateurs naturels (maintenant informatisés), atteint la «dialectique entre le délire et la forme», but avoué du compositeur. Le travail sur le son ouvre l’esprit au travail sur les rythmes opposés et les élans mélodiques contrariés de l’Einspielung de Nunes. Desjardins, comme à l’accoutumée, dompte les exigences techniques de la composition et, délicatement, en exalte la densité intérieure. Figment IV de Carter, miniature d’un lyrisme inventif, s’y enchaîne merveilleusement et renoue en certains points avec la Sonate de Hindemith. La boucle est ainsi bouclée, le siècle parcouru.


La seconde partie, «Multiples», doit son titre à la multiplication des voix, aux mises en jeu électroniques et à l’apport et la présence de la musique ancienne. Malgré les contrastes, un étrange sentiment d’unité en naît... Haute en émotion, la mélodie Tant plus aymé de Binchois, annonce toute la beauté du dolent d’un Dowland à venir auquel la sonorité de l’alto convient tout particulièrement. L’altiste, en re-recording sans rien perdre de sa grande sensibilité, préserve l’ambiguïté de la voix de l’alto, ambiguïté tant appréciée de Pierre Boulez qui a si souvent eu recours à cet instrument – le titre de l’album («Alto/Multiples) est d’ailleurs un clin d’œil aux altos d’ Eclat/Multiples. Tremblante, incandescente et intense, la splendide version pour altos de Messagesquisse multiplie l’image dynamique par l’ombre, la vision par le reflet. Wolfgang Rihm se tourne vers les polyphonistes flamands pour composer la douce et douloureuse Canzona nuova pour cinq altos (la pièce la plus longue de ce programme double), et cela semble tout à fait naturel de la rapprocher de la transcription pour trois altos que Maderna, admirateur des maîtres flamands, fit de la chanson Malor me bat de Johannes Ockeghem. Les deux œuvres déploient un sombre camaïeu de sons étirés sous l’archet expressif d’un instrumentiste agile et sensible. Prototype annonciateur de la fugue classique, la forme en canon augmenté du ricercar est un attrait auquel Jonathan Harvey n’a su résister. A la suite du souple Ricercare 1 de Gabrielli, porté à l’octave, s’imposent les traits impulsifs de Ricercare une melodia dans l’heureuse version pour alto avec dispositif électronique, le timbre de l’alto démultiplié une allusion en soi au concert de violes.


Les deux dernières pièces expriment l’essence des deux aspects du récital. Séduit par les frottements harmoniques si fréquents dans les madrigaux de Gesualdo, Christophe Desjardins procède à une excellente transcription du X, libro V et les cinq voix de son alto en re-recording portent en elles la poésie, la poignance et la profondeur dramatique du genre. Quant à Elettra de Fedele, c’est une mise en abyme du récital et de l’alto lui-même, passant, par jeux multiples, de l’élan romantique aux effets électroniques les plus hardis.


Si la prestation de l’altiste est d’une prouesse et d’une musicalité expressive tout à fait remarquables, devant la qualité de l’enregistrement on pense aussi à l’apport technique et artistique des ingénieurs du son. La compétence d’Andreas Werner et de Sébastien Naves n’est pas à mettre en doute.


Le site de Christophe Desjardins


Christine Labroche

 

 

 

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