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09/10/2009
Jean Henry d’Anglebert : Suites pour clavecin en sol majeur, ré mineur et sol mineur

Laurent Stewart (clavecin)
Enregistré dans la salle Varèse du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Lyon (27-31 octobre 2008) – 74’19
Zigzag Territoires (distribué par Harmonia Mundi) ZZT090501 – Notice bilingue (français et anglais) de Marie Demeilliez






Par sa consonance et son signifiant, le nom du compositeur incarne à lui seul le « Grand siècle ». Quoi de plus normal, nous dira-t-on, pour quelqu’un qui fut « Ordinaire de la musique de la chambre du roi pour le clavecin » ? Jean Henry d’Anglebert (1629-1691) est en effet l’exemple type du compositeur de cour qui gravit tous les échelons jusqu’à devenir un des artistes les plus officiels de son époque. Elève du grand Jacques Champion de Chambonnières (1601-1672), considéré aujourd’hui comme le véritable fondateur de cette école française du clavecin qui fut l’objet de tant d’admiration, d’Anglebert fut tout d’abord organiste de Monsieur, frère du roi, avant de devenir, en 1662, « Ordinaire de la musique de la chambre du roi pour le clavecin », poste qu’il conservera jusqu’à sa mort. Parallèlement, il collabora activement avec le grand Lully (1632-1687), ce dernier ayant même été le parrain d’un de ses fils, et donna des cours de clavecin aux membres les plus éminents de la famille royale dont Marie-Anne de Bourbon, princesse de Conti (fille illégitime de Louis XIV et de Louise de la Vallière), à qui est dédié son recueil de Suites pour clavecin.


Cet ensemble de quatre Suites, dont on entend ici seulement les trois premières (la dernière, en majeur, est pourtant la plus célèbre en raison du mouvement intitulé « Le Tombeau », hommage direct à son ancien maître Chambonnières), fut publié en 1689. Il s’agit presque du seul témoignage que l’on ait de Jean Henry d’Anglebert puisqu’il n’a laissé par ailleurs derrière lui que quelques œuvres éparses. La Première Suite, en sol majeur, se caractérise par sa très grande liberté rythmique, principale caractéristique de ce que l’on appelait alors le jeu brisé adopté à l’époque notamment par les joueurs de luth. Après un Prélude où le rubato confine à l’hésitation (les dernières notes plongent d’ailleurs l’auditeur dans une suspension tout à fait inattendue), Laurent Stewart s’engage dans une Allemande volontaire où le registre passe harmonieusement de l’aigu au grave sans que l’on perçoive pour autant de rupture dans le discours musical. La Sarabande et les deux mouvements suivants nous permettent de prendre conscience de l’importance que d’Anglebert accordait aux ornements, c’est-à-dire aux indications dont lui-même pouvait parsemer une partition afin d’indiquer à l’instrumentiste comment accentuer tel ou tel propos, générer tel ou tel sentiment (on croise ainsi les termes « tremblement » mais aussi « battement » ou même « verre cassé » !). Laurent Stewart joue cette œuvre avec un indéniable engagement, variant avec un plaisir non dissimulé les atmosphères qui culminent dans une très expressive Chaconne conclusive.


La Suite en ré mineur débute par... son sommet : une introduction grave, extrêmement libre, que l’on pourrait croire être de l’improvisation si l’interprétation de Laurent Stewart était moins compassée (malheureusement, son excellence fait trop ressortir le travail que d’Anglebert a mis dans ce morceau). Néanmoins, dés l’Allemande, Stewart retrouve une grande simplicité de jeu, instillant ainsi un esprit dolent convenant parfaitement au reste de la pièce. Ensuite, ce n’est que changement d’atmosphères, le volontarisme des deux Courantes précédant notamment une magnifique Sarabande grave, tout en retenue, avant qu’une Gigue et une Gavotte ne nous invitent immédiatement à la danse.


De tonalité beaucoup plus sombre, la Suite en sol mineur est la plus réussie de ce disque non tant pour des raisons techniques que pour les affinités plus fortes que Laurent Stewart semble entretenir avec une pièce davantage axée sur la réflexion que sur l’immédiate séduction mélodique. Plus apaisé que véritablement triste, le Prélude marque le ton : en effet, hormis les deux Courantes (tout spécialement la seconde), les autres pièces sont toutes empreintes de gravité même si la Gigue fait quelques efforts pour égayer l’ensemble. Irréprochable de bout en bout, Laurent Stewart parvient comme peu (citons naturellement Scott Ross chez Erato dont l’anthologie, en dépit d’un son beaucoup moins clair que dans le présent enregistrement, n’a pas pris une ride) à l’équilibre délicat exigé par d’Anglebert entre la tenue des lignes et les ornements qui pourraient venir la distraire. Pas de confusion ici : l’essentiel est présent et le superflu évité. Le but est donc atteint.


Sébastien Gauthier

 

 

 

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