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05/12/2009
«Opium – Mélodies françaises»
Reynaldo Hahn : A Chloris – Fêtes galantes – Quand je fus pris au pavillon (extrait des «Douze rondels») – Offrande – L’Heure exquise (extrait des «Chansons grises»)
Cécile Chaminade : Sombrero – Mignonne
Jules Massenet : Elégie (&) – Nuit d’Espagne
Gabriel Fauré : Nell, opus 18 n° 1 – Automne, opus 18 n° 3
Ernest Chausson : Le Colibri, opus 2 n° 7 – Le Temps des lilas, opus 19 – Les Papillons, opus 2 n° 3 – Les Heures (extrait de «Trois lieder»), opus 27 n° 1
André Caplet : Viens, une flûte invisible soupire (*)
Camille Saint-Saëns : Tournoiement «Songe d’opium» (extrait des «Mélodies persanes»), opus 26 n° 6 – Violons dans le soir (#)
Claude Debussy : Romance (seconde des «Deux romances»)
Paul Dukas : Sonnet
Guillaume Lekeu : Sur une tombe (extrait de «Trois poèmes»)
César Franck : Nocturne
Gabriel Dupont : Les Donneurs de sérénades
Vincent d’Indy : Lied maritime, opus 43

Philippe Jaroussky (contre-ténor), Emmanuel Pahud (*) (flûte), Renaud Capuçon (#) (violon), Gautier Capuçon (&) (violoncelle), Jérôme Ducros (piano)
Enregistré à Paris (7-13 juillet 2008) – 66’07
Virgin 216621 2






Sous le titre «Opium», Philippe Jaroussky met à profit la notoriété qu’il a justement acquise dans le répertoire baroque pour se lancer dans un projet pour le moins inattendu: certes, Philippe Herreweghe dirige bien, entre autres, Fauré, mais la démarche consistant, pour un contre-ténor, à aborder la mélodie française est autrement plus complexe. Cela étant, le défi est dans l’air du temps, qui ne craint pas les hybridations, et bien malin qui pourra dire quel regard et quelle oreille nous porterons sur ce disque dans dix, vingt ou trente ans. Fait pour soulever la curiosité et accompagné d’une notice et des textes en français, anglais et allemand, il voit son attrait provocateur accru par la brève apparition de trois guest stars de luxe, Emmanuel Pahud et les frères Capuçon – c’est d’ailleurs Renaud qui a incité le contre-ténor à tenter l’aventure.


Il faut d’abord saluer le souci d’originalité du programme. A l’exception notamment de Duparc, les grands spécialistes du genre y sont certes bien représentés: Chausson, y compris un extrait de son Poème de l’amour et de la mer (1892), une Romance (1891) du jeune Debussy, deux perles de Fauré – Nell (1878) et Automne (1878) – et Reynaldo Hahn, qui ouvre et ferme la marche. Mais il aborde aussi des compositeurs un peu oubliés, tels Cécile Chaminade et Gabriel Dupont, ainsi que des noms plus célèbres mais dont les mélodies sont assez rarement données, tels Caplet – «Viens, une flûte invisible soupire» (1900) –, Dukas, Franck, d’Indy – «Lied maritime» (1896), Lekeu, Massenet ou même Saint-Saëns, dont «Tournoiement "Songe d’opium"» (1870) donne son titre à l’album.


Un récital en vingt-quatre numéros, parfois très courts – les éphémères Papillons (1882) de Chausson –, parfois très développés – Violons dans le soir (1907) de Saint-Saëns –, mêlant les climats, du romantisme le plus pur – Elégie (1869) de Massenet, Nocturne (1884) de Franck, «Sur une tombe» (1892) de Lekeu – au pittoresque – Nuit d’Espagne (1869) de Massenet, Sombrero (1894) de Chaminade – et au pastiche. Car non sans malice, Jaroussky adresse des clins d’œil à la musique ancienne qui a fait sa gloire: Hahn s’y prête bien, que ce soit dans A Chloris (1913) et «Quand je fus pris au pavillon» (1899), mais le choix des poètes y contribue aussi – Ronsard pour «Mignonne, allons voir si la rose» (1894) de Chaminade et un «Sonnet» (1924) de Dukas d’une écriture particulièrement recherchée. Autre idée intéressante: les deux versions de «Mandoline» de Verlaine ne sont pas celles, bien connues, de Debussy et Fauré, mais signées Hahn (1892) et Gabriel Dupont (1901).


Le chanteur, soutenu par le piano remarquablement protéiforme de Jérôme Ducros, est trop fin musicien et admirateur de ce répertoire pour que sa prestation n’appelle pas des éloges: l’attention qu’il porte au texte et à la diction, la pureté de la ligne de chant, très économe en vibrato, mais aussi, ainsi qu’il l’analyse lui-même, son refus des «affects» ou de la «surinterprétation» qui se seraient sans nul doute révélés fatals. Ce style sobre lui permet non seulement de s’accommoder des contraintes vocales – le timbre a tendance à changer aux deux extrêmes de sa tessiture – mais de conserver l’équilibre sur la corde raide du travestissement, entre ambiguïté et ridicule, sophistication et trouble.


L’entreprise, c’était à prévoir, a suscité des réactions très diverses, de l’enthousiasme au rejet. Tout le monde ne se laissera sans doute pas griser par les volutes de cet «Opium», mais il sera quand même difficile de rester insensible à la pudeur d’Offrande (1891) et de «L’Heure exquise» (1893) de Hahn, à la délicatesse et la fluidité du «Colibri» (1882) ainsi qu’à l’impression hypnotique produite par «Les Heures» (1896) du même Chausson.


Simon Corley

 

 

 

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