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04/06/2009
Hector Berlioz : Ouverture « Le Carnaval romain », opus 9, H. 95 – La Mort de Cléopâtre, H. 36
Claude Debussy : Fragments symphoniques du « Martyre de saint Sébastien » – La Mer

Béatrice Uria-Monzon (mezzo), Orchestre philharmonique de Radio France, Myung-Whun Chung (direction)
Enregistré en public à Paris (24 février 2005 [Martyre], 12 octobre 2007 [Berlioz] et 14 décembre 2007 [La Mer]) – 82’17
Un album Decca 478 1665 (disponible exclusivement par téléchargement)






Un orchestre français sait-il jouer autre chose que Ravel et Debussy ? Même si l’on est évidemment tenté de répondre par la négative, comme si le Philharmonique de Vienne ne savait jouer que Haydn et Bruckner, celui de Saint-Pétersbourg Prokofiev et Tchaïkovsky…, force est de constater que telle est l’image que renvoie parfois l’étranger de nos phalanges. Le présent disque, inaugurant (avec une récente Sixième symphonie de Mahler dirigée par Daniele Gatti à la tête de l’Orchestre national de France) la publication de concerts donnés par les orchestres de Radio France, illustre une fois encore ce pont-aux-ânes mais, avouons-le, de manière extrêmement convaincante.


Cet album, reflet de trois concerts donnés par l’Orchestre philharmonique de Radio France et son directeur musical, Myung-Whun Chung, débute par son sommet : une ouverture absolument épatante du Carnaval romain d’Hector Berlioz (1803-1869). Composée en 1843, créée en février 1844 sous la direction du compositeur (« Je n’ai jamais senti plus vivement que dans cette occasion le bonheur de diriger moi-même l’exécution de ma musique ! » rapporte-t-il dans ses Mémoires), cette ouverture est fondée sur deux emprunts faits au premier acte de son opéra Benvenuto Cellini, composé quelques années auparavant. La filiation est néanmoins assez lointaine, les thèmes ayant été finement retravaillés, les tonalités ayant également été radicalement modifiées, le mineur disparaissant au profit d’un majeur conquérant, exubérant pourrait-on dire. L’Orchestre philharmonique de Radio France est magnifique et livre ici une interprétation qui emporte tout sur son passage, où l’on remarque notamment un cor anglais à pleurer dans le premier thème, des tutti puissants et conquérants dans le saltarello conclusif.


La Mort de Cléopâtre est un épisode douloureux de la vie d’Hector Berlioz puisque, après un premier échec en 1828 (il ne reçoit que le second grand prix de Rome avec sa cantate Herminie), il présente cette nouvelle œuvre en 1829 au jury… qui déclare le concours infructueux ! Ce n’est qu’en 1830 que Berlioz remportera le premier grand prix avec sa cantate Sardanapale, œuvre pourtant de facture on ne peut plus moyenne. Composée sur des paroles de Pierre-Ange Vieillard (1778-1862), La Mort de Cléopâtre est une partition fantasque et pleine d’imagination, source dans laquelle Berlioz puisera à satiété pour nombre de compositions ultérieures (Béatrice et Bénédict, Les Troyens, …), dont la modernité a bien évidemment effrayé le jury du Prix de Rome, habitué à davantage de modération dans les œuvres qu’il devait évaluer. Accompagnée par un orchestre attentif mais trahissant néanmoins quelques faiblesses (les attaques des cuivres, parfois imparfaites), Béatrice Uria-Monzon est loin d’être à l’unisson des instrumentistes : une diction souvent incompréhensible, un chant insuffisamment dramatique, un souffle un peu court déçoivent du début à la fin. Une interprétation qui pouvait peut-être passer le temps d’un concert mais qui, à la réécoute, peut facilement être oubliée.


Myung-Whun Chung a, depuis longtemps, prouvé ses profondes affinités avec la musique de Claude Debussy (1862-1918). Ce disque en est un nouveau témoignage. Les Fragments symphoniques du « Martyre de Saint Sébastien » (musique de scène composée en 1911 sur un livret de Gabriele D’Annunzio) plongent l’auditeur dans un monde merveilleux où l’on serait bien en peine de déceler les « facilités » d’une partition pourtant réputée pour avoir été composée à la va-vite. A l’image des grandes œuvres composées pour les Ballets russes (on pense immanquablement à Daphnis et Chloé ou à Schéhérazade), cette musique incite l’imaginaire à vagabonder, à recourir aux images les plus diverses, à faire le grand écart entre l’intime et la fantasmagorie la plus sauvage. Alternant avec ductilité finesse et plénitude sonore (quel crescendo final !), Chung dirige avec souplesse un orchestre qui possède véritablement cette musique dans les veines : une magnifique interprétation.


C’est peut-être la raison pour laquelle on est un peu déçu par la dernière œuvre au programme de cet album au couplage fort généreux : La Mer. Commencée en 1903, la partition est achevée en 1905 et créée, la même année, par l’Orchestre Lamoureux. Contrairement à ce que l’on a parfois dit, et en dépit des titres qui leur sont donnés, ces trois mouvements orchestraux n’ont pas vocation à décrire les vagues de l’océan, le ressac contre les rochers, les tourbillons du vent et des embruns… Dans la veine de la peinture impressionniste, il s’agit davantage, en réalité, de rendre compte des sentiments et du ressenti que peuvent suggérer les flots, une part de l’imaginaire étant ainsi laissée à la libre appréciation de l’auditeur. On se souvient de certains concerts, notamment au Théâtre du Châtelet, où Chung a donné de splendides interprétations de cette œuvre emblématique du XXe siècle : le présent enregistrement est une nouvelle preuve de la grande compréhension que manifeste le chef coréen à l’égard d’une musique qui, au fil du temps, peut sembler avoir livré tous ses mystères. Servie par un orchestre virtuose, les couleurs mordorées de La Mer supplantent néanmoins ici la sauvagerie que l’on a parfois entendue sous d’autres baguettes : c’est une option, mais où sont les frissons ? Où sont les prises de risque ? Cela dit, à défaut de chavirer, avouons encore une fois que notre oreille est amplement flattée par un concert qui reste de très haute tenue !


Sébastien Gauthier

 

 

 

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