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08/05/2008
Luis de Pablo : Paraiso y tres danzas macabras – Segunda lectura – Razón dormida

Nouvel Ensemble Moderne, Lorraine de Vaillancourt (direction)
Enregistré à la Salle Oscar Peterson de l’Université Concordia de Montréal (décembre 2004, janvier et février 2005) – 63’03
ATMA classique ACD2 2353 (distribué par Intégral) – Notice de présentation en français et en anglais





Fondé en 1989 par la pianiste et chef d’orchestre Lorraine Vaillancourt, le Nouvel Ensemble Moderne est la formation en résidence à la Faculté de musique de l’Université de Montréal dans les domaines de la musique contemporaine et de l’aide à la jeune création. La création dans le but de promouvoir la musique nouvelle en général est aussi l’un des objectifs de l’Ensemble et, en 2003, commande fut faite en leur nom à Luis de Pablo qui composa à leur intention Razón dormida, pièce pour orchestre de chambre en cinq parties dédiée à l’Ensemble et créée en avril 2004 au Grand Concert annuel de printemps. On n’oublie pas que Luis de Pablo (né en 1930), contraint à l’exil en 1972, avait enseigné à la Faculté de musique de l’Université de Montréal entre 1973 et la mort de Franco.


Les cinq volets de Razón dormida, pour quatorze instruments, s’inspirent de cinq gravures éponymes de Goya appartenant aux séries «Los Disparates» et «Los Desastres de la guerra» L’œuvre tire son titre d’ d’une autre œuvre de Goya, «El sueño de la razón produce monstruos». Beaucoup plus que le détail des gravures, la source de l’inspiration est Goya lui-même, la qualité féroce de son art et sa vision pessimiste de la condition humaine. «C’est ce vertige face au puits noir et sans fond de notre conscience», précise le compositeur, «qui a motivé et engendré cette [œuvre]». Il s’agit néanmoins de portraits en mouvement, de grotesques qui dessinent le drame, la cruauté ou la folle insouciance de l’être humain face à une menace parfois encore voilée. Luis de Pablo alterne mouvements vifs et lents, les premiers, aux rythmes changeants et aux couleurs instrumentales variant sans cesse, sont des suites instables de notes staccato qui courent sur deux niveaux ou plusieurs à la fois avec ou sans pédale, alors que la charpente sombre des seconds est construite d’accords étirés aux sonorités recherchées, résonances d’acier dans l’aigu et réverbérations inquiétantes, oscillant dans un grave profond.


La première œuvre de la sélection, terminée en 1992, cinquième centenaire de la découverte pour l’Europe d’un nouveau monde, est pour le compositeur «une offrande à un événement dont les conséquences sont encore énigmatiques». La partition porte en exergue une citation de Christophe Colomb à la gloire d’un paradis terrestre. Paraiso y tres danzas macabras est en sept volets enchaînés, trois mouvements de transition séparant les quatre mouvements principaux. C’est une pluie ou un jaillissement de doubles croches aux rythmes décalés et à la densité changeante, interrompue sans cesse par de longues tenues monodiques ou par des chorals de cuivres. Au fur et à mesure, le climat s’assombrit, la danse s’alourdit, le caractère pesant accentué encore par l’absence des cordes aiguës. Un peu moins, peut-être, mais comme pour les deux autres œuvres de la sélection, la pièce exige des musiciens des qualités de solistes virtuoses capables de grande cohésion et le Nouvel Ensemble Moderne s’y emploie avec art.


Luis de Pablo adapte souvent ses œuvres pour d’autres effectifs que celui d’origine, allant le plus souvent dans le sens du petit au plus grand. Pour Segunda lectura (1993), ce fut le contraire. A la demande de l’ensemble Nuove Sincronie, le compositeur remania Senderos del aire (1987), vaste pièce pour grand orchestre, pour créer une version légèrement plus courte pour dix instruments (bois par un, cor, piano, trio à cordes et contrebasse). Senderos del aire, commande de la fondation japonaise Suntory et dédiée à Toru Takemitsu, est l’un des sommets de l’œuvre de Luis de Pablo à ce jour. D’une richesse sonore inégalée peut-être dans son œuvre, elle souligne les grandes qualités du compositeur, coloriste subtil, plein d’audace, et fin orchestrateur aventureux. Les couleurs de cette «seconde lecture», moins variées et moins subtilement denses par la force des choses, gardent un intérêt vertical néanmoins comparable, l’un des traits marquants de l’écriture polyphonique de Luis de Pablo étant la grande variation de timbres instrumentaux au cœur d’une même strate. Comme l’originale, la Segunda lectura, nullement descriptive, est une succession rapide d’images musicales, un morphing musical qui impose sans cesse motifs, allures, intensités et climats de caractère à chaque fois différent mais toujours étrangement familier grâce à la présence soudaine d’un élément connu – une pulsation lancinante, un intervalle dominant, un trait d’écriture ou un geste instrumental fort.


En préparation de l’enregistrement de ces trois œuvres, le compositeur a passé plusieurs semaines auprès du Nouvel Ensemble Moderne. Il se déclare heureux de leur étroite collaboration «sans tache et sans blessure» et pleinement satisfait de leur interprétation de ses œuvres, manifestement «comprises dans leur sens le plus profond».


Le site du Nouvel Ensemble Moderne
Luis de Pablo sur le site de l’IRCAM


Christine Labroche

 

 

 

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