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Hommage à Pascal Dusapin München Herkulessaal 04/25/2025 - Pascal Dusapin : Reverso – Wenn du den Wind – Uncut – Aufgang Christel Loetzsch (soprano), Renaud Capuçon (violon)
Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks, Ariane Matiakh (direction)  C. Loetzsch, P. Dusapin, R. Capuçon, A. Matiakh (© Bayerischer Rundfunk/Astrid Ackermann)
Créé par Karl Amadeus Hartmann, le programme « Musica Viva » présente chaque année à Munich des œuvres de musique contemporaine. La majorité des concerts sont donnés pour un public d’habitués par l’Orchestre symphonique de la Radio bavaroise avec le même soin et la même attention qu’il apporte aux répertoires traditionnels. Les compositeurs sont souvent présents dans la salle comme c’était le cas le mois dernier pour Helmut Lachenmann et pour cette semaine par Pascal Dusapin.
Les quatre œuvres présentées ce soir montrent la profonde originalité du compositeur français. Alors que de nombreux créateurs contemporains semblent privilégier la recherche de timbres comme but en soi, Dusapin, tout en explorant des couleurs orchestrales profondes et singulières, sait développer des lignes musicales très amples et bâtir des tensions fortes. Ses compositions sont résolument modernes mais solidement construites et architecturées.
Reverso et Uncut font partie de la série de Solos pour orchestre. Dusapin écrit pour un ensemble au grand complet et démontre sa capacité à construire de réelles tensions dramatiques par de longues strates sonores. Même s’il y a une légère baisse d’intensité dans la partie centrale de Reverso, la conclusion sur un long decrescendo est impressionnante. Uncut débute et s’achève par des entrées aux cuivres très puissantes, mais se révèle une pièce aux sonorités plus lumineuses qui convient parfaitement au style de l’orchestre. (Et ajoutons pour les mélomanes qui ne connaîtraient pas ses œuvres qu’il existe un superbe album réalisé par Pascal Rophé et l’Orchestre philharmonique de Liège).
Les extraits de l’opéra Penthesilea montrent comment le style de Dusapin s’adapte à l’opéra. La première pièce n’est pas sans évoquer les couleurs orchestrales du deuxième acte de Siegfried lorsque se réveille Fafner. Christel Loetzsch, qui a beaucoup travaillé avec Dusapin, est très expressive que ce soit dans des imprécations parlando assez violentes dans la deuxième pièce mais aussi par le sentiment de résignation qui se dégage de la troisième. Elle déploie une intensité vocale remarquable dans cette œuvre et impressionne par sa maîtrise des alternances entre passages aigus et graves.
Aufgang, est un concerto pour violon en trois mouvements écrit pour Renaud Capuçon, qu’il a défendu à de nombreuses reprises dont à Genève il y a dix ans. Le sommet de ce concerto est le deuxième mouvement, qui permet d’entendre de très longues lignes au violon solo tandis qu’il est successivement accompagné par des cordes graves, contrebasses et violoncelles puis les violons dans un registre plus aigu. Il se dégage un réel recueillement un peu hypnotique, très prenant.
Sous la baguette précise d’Ariane Matiakh, les musiciens trouvent beaucoup de force et de couleurs. Carsten Duffy est flamboyant au cor, tandis que Henrik Wiese et Magdalena Hoffmann ont des superbes solos de flûte et de harpe. A nouveau, les qualités que cet orchestre déploie dans Strauss ou Mahler sont ici parfaitement en situation.
La saison 2025-2026 de Musica Viva vient d’être annoncée. On y retrouvera des artistes comme Sir Simon Rattle, Pierre‑Laurent Aimard, Jörg Widmann, George Benjamin dans des œuvres de Henze, Birtwistle, Neuwirth... et le 28 septembre, l’Ensemble Senza Sforzando présentera une dizaine d’œuvres de musiciens ukrainiens. A Munich, la musique contemporaine est bien vivante et bien d’actualité.
Antoine Lévy-Leboyer
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