About us / Contact

The Classical Music Network

Geneva

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Révélations

Geneva
Victoria Hall
01/10/2014 -  et 9 janvier 2014 (Lausanne)
Emmanuel Chabrier: Gwendonline: Ouverture
Pascal Dusapin: Aufgang, concerto pour violon et orchestre (création suisse)
Carl Nielsen: Symphonie n° 4 «Det Uudslukkelige», opus 29

Renaud Capuçon (violon)
Orchestre de la Suisse Romande, Osmo Vänskä (direction)


O. Vänskä (© Ann Marsden)


Osmo Vänskä vient de quitter la tête de l’Orchestre du Minnesota après que celui-ci a déposé son bilan. Il a réussi, en dix ans, à élever le niveau de cet ensemble pour en faire un ensemble de premier plan qui était devenu l’égal des « Big Five » américains. C’est probablement cette disponibilité inattendue qui lui a permis de remplacer pour ce concert Neeme Järvi, souffrant, et de faire ses débuts à la tête de l’Orchestre de la Suisse Romande.


D’inspiration wagnérienne, l’Ouverture de Gwendoline d’Emmanuel Chabrier est une pièce dramatique superbement orchestrée, loin de l’esprit d’Espana ou de la Suite pastorale. C’est une pièce que l’OSR connaît bien et qui figure au programme d’un de ses récents enregistrements (voir ici). La lecture qu’en fait cependant Osmo Vänskä est très personnelle et permet de pouvoir apprécier les qualités de ce chef. La mise en place est impeccable et il impose un dynamisme qui correspond bien à l’esprit de l’œuvre. Plus fondamentalement, il se révèle très attentif aux équilibres entre les pupitres et fait ressortir tout un tissu de voix médianes qui sont souvent sacrifiés lors des tutti. Dietrich Fischer-Dieskau disait de Sviatoslav Richter qu’il était le seul pianiste capable de réellement varier les nuances: le même commentaire pourrait s’appliquer à cette interprétation où les musiciens trouvent beaucoup de variations et de relief entre le pianissimo et le mezzo forte.


Aufgang, le concerto pour violon de Pascal Dusapin, est le résultat d’une co-commande entre l’OSR, la Philharmonie de Paris, le Festival de Hollande et l’Orchestre symphonique de la WDR de Cologne. C’est une œuvre d’une forme assez classique en trois mouvements. Le premier démarre par une introduction lente où le violon reste dans le registre aigu. Les développements orchestraux qui se suivent sont plus animés mais le violon ramène toujours un sentiment de douceur. Le mouvement central, véritable sommet de l’œuvre, confirme cette impression. C’est une longue cantilène où le soliste est accompagné par des vagues de sons issues des contrebasses et violoncelles. Tout en étant résolument moderne, ce mouvement possède une longue ligne musicale et un pouvoir d’évocation très réel. Plus tendu, le dernier permet à l’orchestre de trouver des couleurs plus sombres jusqu’à ce que le violon revienne établir une certaine sérénité. La partie de soliste se révèle d’un bout à l’autre d’une terrible difficulté – mélangeant harmoniques, doubles cordes... – mais en dépit de ses exigences, la musique est méditative et pleine d’intériorité. Renaud Capuçon, qui a jusqu’à maintenant peu été associé à la musique contemporaine, fait merveille dans cette pièce. La sonorité qu’il tire de son instrument est superbe et la longueur de sa ligne musicale, surtout dans le deuxième mouvement est remarquable. Il n’a pas que l’instrument que jouait Isaac Stern, il en a aussi le lyrisme et ses aigus. Voilà une œuvre ambitieuse que l’on souhaite réentendre dès que possible et qui confirme s’il le fallait à quel point Pascal Dusapin est un des compositeurs les plus majeurs de notre époque. Le public ne s’y est pas trompé et en plus de ses applaudissements, il a donné aux musiciens le meilleur signe de respect qui soit avec un silence et une concentration d’une rare qualité.


Depuis combien de temps la musique de Carl Nielsen n’avait-elle pas été jouée à Genève ? Il a pourtant composé six Symphonies qui sont des chefs-d’œuvre. La Quatrième «L’Inextinguible» est peut-être la plus connue mais les cinq autres devraient figurer au répertoire de base de tout orchestre. Si de nombreux chefs ont tendance à détourner la musique du compositeur danois vers du Richard Strauss, ce n’est pas le cas d’Osmo Vänskä, qui connaît bien la musique scandinave. Il ne gomme pas les aspérités de cette œuvre, qui présente une certaine sauvagerie et dont l’orchestration est si originale. La construction est menée de main de maître et les transitions, si fondamentales, sont amenées avec autorité. Les bois trouvent de beaux phrasés dans le Poco allegretto et le final, avec les deux parties de timbales séparées, est plein d’élan. Il y a quelques tutti où les équilibres mettent quelque peu les cordes sous pression mais c’est une œuvre assez orchestrée et rappelons que c’est la première fois que le chef jouait dans une salle dont l’acoustique n’est pas simple. Mais en fin de compte, en dépit de la difficulté de la symphonie, l’éloquence et la clarté de la direction de Vänskä permettent aux musiciens de donner le meilleur d’eux-mêmes et on souhaite retrouver dès que possible la musique de Nielsen.


Après un début de saison en demi-teinte, voici de très loin la meilleure soirée qu’a donnée cet orchestre depuis le départ de Marek Janowski, ainsi également que la plus ambitieuse. Il faudra à un moment choisir un successeur à Neeme Järvi, qui ne sera là que pour trois saisons. L’OSR n’a-t-il pas trouvé en Vänskä un candidat idéal?



Antoine Leboyer

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com