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Au monde vient au monde

Bruxelles
La Monnaie
03/30/2014 -  et 1, 3, 4, 6*, 8, 9, 11, 12 avril 2014
Philippe Boesmans: Au monde (création)
Frode Olsen (Le père), Werner Van Mechelen (Le fils aîné), Stéphane Degout (Ori), Charlotte Hellekant (La fille aînée), Patricia Petibon*/Ilse Eerens (La seconde fille), Fflur Wyn (La plus jeune fille), Yann Beuron (Le mari de la fille aînée), Ruth Olaizola (La femme étrangère)
Orchestre symphonique de la Monnaie, Patrick Davin (direction)
Joël Pommerat (mise en scène), Eric Soyer (décors, éclairages), Isabelle Deffin (costumes)




Découvrir un nouvel opéra de Philippe Boesmans (né en 1936) revient à se glisser avec volupté dans un univers à la fois familier et imprévisible. Preuve de la reconnaisse, méritée, qu’elle lui porte, la Monnaie a posé un cartouche portant le nom du compositeur sous la loge royale côté cour. Après avoir collaboré avec Luc Bondy pour Reigen (1993), Un conte d’hiver (1999), Julie (2005) et Yvonne, princesse de Bourgogne (2009), il s’associe pour la première fois à Joël Pommerat (né en 1963), qui a pour principe de ne monter que ses propres pièces. L’auteur réitère l’expérience de Grâce à mes yeux (2002), récemment mis en musique par Oscar Bianchi (voir ici), en adaptant Au monde (2004), huis clos ambigu, amer et anxiogène que le Théâtre national a représenté en janvier et février dans le cadre de la saison de la Monnaie. Une famille, réunie autour de son patriarche, chef d’entreprise à la santé déclinante, attend le retour d’Ori qui doit reprendre les affaires. La confrontation entre les fils et les filles révèle leur anxiété, leur rancune, leur vulnérabilité.


Ce texte elliptique diffère, sur la forme comme sur le fond, de celui, plus explicite, des autres opéras de Boesmans. Malgré un synopsis aussi difficile à appréhender que celui de Thanks to my Eyes, la musique du compositeur s’avère en contrepartie plus abordable, figurative et sensuelle que celle de Bianchi. Divisé en vingt scènes exécutées sans interruption durant un peu moins de deux heures, l’opéra fascine dès la brève introduction, douloureuse et languissante, entonnée par la trompette. Le langage, si personnel, et l’instrumentation, si raffinée, de Boesmans séduisent d’emblée. L’orchestration, ciselée et inventive, les allusions, plus ou moins conscientes et les emprunts à d’autres musiques constituent autant de marques de fabrique du compositeur qui livre un nouvel opus aussi décanté et original que les précédents.



F. Wyn, P. Petibon, C. Hellekant (© Bernd Uhlig)


La Monnaie dégage les moyens nécessaires pour garantir la réussite de cette création qu’elle dédie à son directeur musical de 1981 à 1991, Gerard Mortier, sous le mandat duquel le premier opéra de Boesmans, La Passion de Gilles (1983), a été créé. Elle ne prend évidemment aucun risque en confiant la direction à Patrick Davin, qui connaît en profondeur le langage du compositeur pour avoir notamment dirigé la première bruxelloise d’Yvonne. Sous sa direction, l’orchestre évolue dans cette musique avec naturel et souplesse tout en conciliant expressivité, lyrisme et rigueur. La distribution, quant à elle, réunit des chanteurs chevronnés, même si certains rôles ne flattent pas leurs ressources. Les exigences requises pour Ori et le mari de la fille aînée se situent, de toute évidence, en deçà des capacités de Stéphane Degout et Yann Beuron, qui livrent chacun une remarquable prestation. Frode Olsen incarne avec persuasion un père las et silencieux, personnage d’une forte présence scénique évoquant celui d’Arkel dans Pelléas, tandis que Werner Van Mechelen et Charlotte Hellekant, compétents et concernés, interprètent le fils et la fille aînés. Fflur Wyn, voix menue et acidulée, incarne la plus jeune fille et l’excellente Patricia Petibon la seconde fille, de loin le rôle le plus exigeant, tant théâtralement que vocalement, ce qui explique qu’Ilse Eerens remplace la soprano française pour deux représentations. Le décor d’Eric Soyer nécessite moins de commentaires : noir, épuré et parcouru de minces ouvertures verticales, il ne soustrait pas l’attention de la musique et du texte.


La création d’un opéra comporte toujours l’un ou l’autre aléa. Le programme de salle apprend, par exemple, que le compositeur a subi une opération aux yeux durant l’été, ce qui a failli compromettre l’achèvement de la partition dans les temps, mais celui-ci a bénéficié du soutien de Benoît Mernier, semble-t-il pour l’avant-dernière scène, sans autre précision quant à la nature de cette intervention – l’écoute, en tout cas, ne révèle aucune rupture de style. Vivement qu’un disque immortalise cette œuvre magnifique que l’Opéra-Comique reprendra la saison prochaine.



Sébastien Foucart

 

 

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