About us / Contact

The Classical Music Network

Milano

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Beaucoup de bruit pour rien

Milano
Teatro alla Scala
12/07/2013 -  et 12, 15, 18, 22*, 28, 31 décembre 2013, 3 janvier 2014
Giuseppe Verdi : La Traviata
Diana Damrau (Violetta Valery), Giuseppina Piunti (Flora Bervoix), Mara Zampieri (Annina), Piotr Beczala (Alfredo Germont), Željko Lučić (Giorgio Germont), Antonio Corianò (Gastone), Roberto Accurso (Barone Douphol), Andrea Porta (Marchese d'Obigny), Andrea Mastroni (Dottor Grenvil), Nicola Pamio (Giuseppe), Ernesto Petti (Domestico di Flora), Ernesto Panariello (Commissionario)
Coro del Teatro alla Scala, Bruno Casoni (préparation), Orchestra del Teatro alla Scala, Daniel Gatti (direction musicale)
Dmitri Tcherniakov (mise en scène et décors), Elena Zaytseva (costumes), Gleb Filschtinsky (lumières)


(© Brescia/Amisano©Teatro alla Scala)


Le 7 décembre, jour de la Saint-Ambroise, patron de la ville de Milan, la Scala ouvre traditionnellement sa saison. Cette année, la soirée d’inauguration a été retransmise par Arte en léger différé. Les téléspectateurs ont ainsi pu constater que La Traviata qui a mis un terme au bicentenaire Verdi a été passablement chahutée. Rien d’étonnant quand on sait que l’ouvrage est intimement lié à l’histoire de l’illustre théâtre, qu’aucun chanteur italien n’a été distribué dans les rôles principaux et que, crime de lèse-majesté, la mise en scène a été confiée à un Russe. C’en était décidément trop pour le snobissime public de la première, quels que soient d’ailleurs les mérites des uns et des autres. Cinq représentations plus tard, le rideau s’est baissé le 22 décembre sous une ovation pour tous les participants. En résumé, beaucoup de bruit pour rien lors de la première, tant le spectacle est musicalement et vocalement de fort bon niveau, et la mise en scène novatrice et cohérente, même si elle déconcerte et dérange, à défaut de convaincre.


Grande triomphatrice le soir de la première, Diana Damrau a aussi déclenché un tonnerre d’applaudissements le 22 décembre pour son interprétation du rôle-titre. Il faut dire que sa Violetta Valery est proche de l’idéal : la soprano allemande se joue sans peine des vocalises du premier acte, offre un chant nuancé et raffiné à l’acte II, tout en demi-teintes et nuances, pour culminer à la fin de l’ouvrage avec un « Addìo del passato » bouleversant d’émotion et d’intensité, assurément le moment fort du spectacle. Sifflé par une partie du public le soir de la première, le ténor Piotr Beczala récolte cette fois des applaudissements polis pour son incarnation d’Alfredo Germont stylée et techniquement impeccable, quand bien même certains accents peuvent paraître un peu forcés. Il ne reste plus qu’à espérer que le chanteur reviendra sur sa décision de ne plus jamais chanter en Italie, comme il l’a déclaré peut-être un peu trop précipitamment sur sa page Facebook, dépité d’avoir reçu le 7 décembre les premiers sifflets de sa carrière. Germont père particulièrement froid et insensible, comme impassible au drame qui se noue autour de lui, Željko Lučić offre une prestation solide et routinière, mais néanmoins un peu terne. Parmi les rôles secondaires, on n’oubliera pas de sitôt l’Annina à la crête orange et aux mimiques particulièrement expressives de Mara Zampieri, qui suit sa maîtresse comme une ombre, et qui va jusqu’à chasser Alfredo et son père lorsque Violetta livre son dernier soupir. Certains s’en souviendront, la chanteuse avait connu son heure de gloire dans les années 1980.


Lui aussi méchamment pris à parti le soir de la première, le chef Daniele Gatti est cette fois chaleureusement applaudi pour sa lecture certes sombre et mélancolique, mais exaltant néanmoins la tension dramatique. Et la mise en scène ? Le Russe Dmitri Tcherniakov avait déclenché un ouragan de huées lorsqu’il était venu saluer le 7 décembre. Quoi qu’on pense de son spectacle, il faut néanmoins lui reconnaître un souci maniaque du détail et une direction d’acteurs réglée au millimètre. Mais voilà, le regard particulièrement cru et novateur qu’il pose sur La Traviata dérange, voire choque. Violetta et Alfredo sont deux jeunes gens qui se croisent sans vraiment se regarder, qui croient être amoureux ou voudraient le croire, qui gardent leur distance et n’arrivent pas à s’ouvrir à l’autre, bref une conception émotionnellement froide du chef-d’œuvre de Verdi, alors que s’il y a bien un opéra où l’émotion est à son comble, c’est La Traviata. A en croire les commentaires entendus pendant l’entracte, le public milanais ne digère toujours pas le choc. Mais comment peut-il en aller autrement dans un théâtre où rôdent encore les souvenirs des représentations de 1955 avec Maria Callas mise en scène par Luchino Visconti ? Malgré les lois universelles de la nature, ceux qui jurent avoir vu ce spectacle qu’on dit légendaire sont chaque année plus nombreux à Milan...



Claudio Poloni

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com