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La clemenza di Tito 2.0

Bruxelles
La Monnaie
10/10/2013 -  et 11, 13, 15, 16, 17, 19, 20*, 22, 23, 24, 26 octobre 2013
Wolfgang Amadeus Mozart: La clemenza di Tito, K. 621
Kurt Streit*/Charles Workman (Tito Vespasiano), Véronique Gens*/Alex Penda (Vitellia), Simona Saturová (Servilia), Anna Bonitatibus*/Michèle Losier (Sesto), Anna Grevelius*/Frances Bourne (Annio), Alex Esposito (Publio)
Chœurs de la Monnaie, Martino Faggiani (chef des chœurs), Orchestre symphonique de la Monnaie, Ludovic Morlot (direction)
Ivo Van Hove (mise en scène), Jan Versweyveld (scénographie, éclairages), An D’Huys (costumes), Tal Yarden (vidéo)





En 2010, Ivo Van Hove a mis en scène un Idoménée intéressant mais peu passionnant. La même conclusion peut être formulée pour La Clémence de Titus (1791) qui n’a plus été représentée à la Monnaie depuis la production de 1982 signée Karl-Ernst Herrmann. Comme les budgets s’amenuisent, un décor unique, appelé parfois dispositif scénique en cas de dépouillement extrême, permet d’effectuer quelques économies mais, dans ce cas, cette unité de lieu a du sens : l’action se déroule dans une suite d’hôtel cossue, ordonnée au début, désordonnée par la suite, entourée de larges fenêtres qui s’ouvrent sur des gradins. La scène baigne sous une lumière tamisée du plus bel effet – chapeau à l’éclairagiste – et, dans ce contexte contemporain, les personnages manipulent tablette, ordinateur et téléphone portable.


Comme il y a trois ans, le spectacle recourt à la vidéo mais cette technologie occupe cette fois une position centrale, parfois envahissante, de temps en temps inutile : des caméras filment en permanence les personnages et la scène, aperçue sous différents angles, l’image étant projetée sur un grand écran. Illustrant l’immixtion de la vie privée dans la vie publique, le procédé favorise une approche plus intime des personnages – prosaïquement, un avantage pour les spectateurs les plus éloignés de la scène – mais cela permet de s’apercevoir que certains chanteurs portent une oreillette. Très précisément calculée, la mise en scène repose sur une sérieuse étude de texte mais le résultat, intellectuellement stimulant, ne procure guère plus d’enthousiasme aux non initiés qu’une démonstration mathématique longue et complexe. Les personnages évoluent froidement, presque mécaniquement, peinent à pleinement s’incarner dans ce carcan trop étroit. Le spectacle marque toutefois des points lors des récitatifs, constamment revitalisés grâce à Luca Oberti au clavecin. Peaufinés de la sorte, ils sont aussi plaisants à entendre qu’un air ou un ensemble.



(© Clärchen & Matthias Baus)


La Monnaie propose une double distribution, à l’exception des rôles, certes moins omniprésents, de Servilia et Publio. Mozartien chevronné, Kurt Streit chante proprement un Titus tiraillé entre devoir et sentiments : émettant difficilement quelques aigus, le ténor veille à la projection et soigne la ligne. Port aristocratique, timbre luxueux, Véronique Gens incarne une Vitellia fouillée, affirmée et vocalement digne de sa réputation, mais la soprano, toujours bienvenue à Bruxelles, semble par moments contenir son élan intérieur. Anna Bonitatibus livre la prestation la plus aboutie sur le double plan du théâtre et du chant – l’art, la manière et l’éloquence d’une grande mezzo qui met l’ornement au service du drame, jamais de la virtuosité. Son Sesto de grande classe fait exploser l’applaudimètre. Anna Grevelius a un minois trop féminin pour Annio mais qu’importe, l’autre mezzo du plateau convainc grâce à son incarnation équilibrée, toujours juste, et à son chant, bien calibré. Malgré d’indéniables qualités vocales, la Servilia d’une pureté de cristal de Simona Saturová se positionne légèrement en retrait, au contraire du Publio droit et carré d’Alex Esposito qui parvient, grâce à sa belle voix grave, à rendre corps à un personnage relativement secondaire.


Même s’il chante peu, le chœur confirme le niveau remarquable auquel le porte Martino Faggiani depuis quelques saisons. Ludovic Morlot, quant à lui, tombe dans les mêmes travers que dans Così fan tutte la saison dernière : il dirige sans précipitation, mais sans folie non plus, un orchestre sagement ordonné, un peu éteint, précis sans être aussi acéré, dense, scintillant et palpitant qu’il le faudrait. Et si la Monnaie sollicitait un autre chef pour son prochain Mozart ? Le directeur musical redescendra dans la fosse pour Jenůfa au début de l’année prochaine : peut-être montrera-t-il enfin de quel bois il se chauffe.



Sébastien Foucart

 

 

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