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Haydn revisité

Paris
Théâtre du Châtelet
12/04/2000 -  
Haydn : Sonates n° 4 en sol majeur, Hob XVI G1, n°39 en ré majeur Hob XVI.24, n° 33 en ut mineur, Hob. XVI.20 et n° 35 en la bémol majeur, Hob XVI.43.
Alain Planès (pianoforte)
(Deux autres Midis musicaux autour de Haydn avec en soliste Alain Planès au pianoforte sont programmés les 6 et 8 décembre. )


Il est loin, bien entendu, le temps où Haydn servait de mise en doigts avant le plat de résistance d'un grand récital de piano. Néanmoins, il est rare de voir un concert Haydn mis en œuvre avec autant d'intelligence : instrument, interprète, lieu et même…public, tout a concouru à faire de ce Midi musical du Châtelet un moment de bonheur musical.

L'instrument en tout premier lieu. Il s'agit d'un pianoforte d'après Anton Walter construit par Denis Woolley en 1995. Quelle surprise de voir Alain Planès choisir un tel instrument, lui que l'on connaît surtout pour ses Debussy et ses Schubert, lui qui a joué, pendant des années, avec l'Intercontemporain, sous la houlette de Boulez ! On notera cependant, comme indice, qu'il a enregistré les préludes de Debussy sur un Bechstein de 1897, preuve, s'il en fallait une, que son exigence musicale passe aussi par l'adéquation de la musique interprétée et de l'instrument. On peut aussi évoquer une intelligente émission de France Culture, il y a quelques mois, sur le thème "musique et corps", dans laquelle un claveciniste développait l'idée que tout "joueur de clavier" devrait toucher le clavicorde car cela permet de développer la perception d'infimes sensations. Sans doute en est-il de même pour les pianistes qui devraient parfois délaisser leur Steinway et avoir le courage d'ouvrir un pianoforte. Finis les effets faciles, les résonances flatteuses. La musique et plus encore l'interprète sont ici à nu, sans possibilité de tricher.

C'est exactement l'impression que donnait Alain Planès dans ce moment musical, donné dans le foyer du théâtre, évoquant un salon privé ou la cour des Esterhazy. Intelligence là encore du choix du lieu. La faible projection du pianoforte le rend mal adapté aux très grandes salles de concert et il faut pour le goûter vraiment une atmosphère intime.
Pendant les premières minutes, l'impression de fragilité du son est extrême, en contraste avec le vacarme à peine quitté de la ville. Mais très vite l'oreille s'habitue et s'installe dans cette dynamique réduite, dans ce monde subtil, où la résonance est peu importante, où la ligne est mise en valeur, où la ponctuation harmonique de la main gauche prend toute sa valeur. On entre alors dans un dialogue infiniment subtil, qui s'apparente sans doute plus à la parole qu'au chant, ce qui n'exclut en rien une grande variété de tons : Alain Planès passe d'un discours volubile, plein d'allant et de verve, avec des petits traits joyeux à des moments d'une rare intensité, où le motif de Haydn se révèle tissé de silence (certaines interprétations de Richter procuraient cette même impression). On est alors à la limite de l'indicible et l'on se demande ce qui se dit là, avec si peu de notes….Ce fut particulièrement frappant dans l'adagio de la Sonate n° 39. La main est presque refermée sur le minuscule clavier de l'instrument : il n'y presque plus de son, mais une extraordinaire substance musicale. Le pianiste ne s'appesantit pas, respectant bien en cela l'esprit de Haydn et enchaîne un presto impressionnant où les fragments mélodiques passent continuellement d'une main à l'autre. Autre moment rare, le très beau contraste dans le menuetto de la Sonate n° 35 entre le menuet proprement dit avec ses rythmes pointés et un trio très chantant, précédant un rondo aux refrains variés, aux couplets tous différents, avec par moment une impression d'improvisation.

Le public, dont on dénonce beaucoup en ce moment l'incivilité, était ici parfaitement en phase avec le pianiste, tendu dans l'écoute d'un instrument et d'un interprète exigeants qui ont sans aucun doute permis à beaucoup de mieux comprendre la musique de Haydn.





Florence Trocmé

 

 

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