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Sortilège et cruauté

Paris
Palais Garnier
01/23/2013 -  et 26*, 29 janvier, 4, 6, 9, 11, 13 février 2013
Alexander von Zemlinsky : Der Zwerg, opus 17
Maurice Ravel : L’Enfant et les sortilèges

Vincent Le Texier (Der Haushofmeister), Nicola Beller Carbone (Die Infantin), Charles Workman (Der Zwerg), Béatrice Uria-Monzon (Ghita), Mélody Louledjian (Erste Zofe, Le Feu, Le Rossignol), Diana Axentii (Zweite Zofe, La Chatte, L’Ecureuil), Delphine Haidan (Dritte Zofe), Pranvera Lehnert (Erste Gespielin), Marie-Cécile Chevassus (Zweite Gespielin), Gaëlle Méchaly (L’Enfant), Cornelia Oncioiu (Maman, La Tasse chinoise, La Libellule), Valérie Condoluci (La Bergère, La Chauve-souris), Amel Brahim-Djelloul (La Princesse), Andrea Hill (La Chouette, Un pâtre), Chenxing Yuan (Une pastourelle), François Lis (Le Fauteuil, Un arbre), Alexandre Duhamel (L’Horloge comtoise, Le Chat), François Piolino (La Théière, La Rainette, Le Petit Vieillard), Anne-Sophie Ducret, Caroline Petit, Vincent Morell, Chae Wook Lim (Les Animaux)
Orchestre et Chœur de l’Opéra national de Paris, Maîtrise des Hauts-de-Seine/Chœur d’enfants de l’Opéra national de Paris, Paul Daniel (direction musicale)
Richard Jones et Antony McDonald (mise en scène)


(© Opéra national de Paris/Ch. Leiber)


Deux initiations. Mais celle du petit ravélien s’achèvera par une réconciliation avec le monde, celle du nabot zemlinskien par le sarcasme et la mort. Rien de commun, non plus, entre le post-wagnérisme du beau-frère de Schönberg et les clins d’œil gourmands du compositeur français. Le rideau de scène les associe pourtant, avec Wilde et Colette, mais aussi Alma Mahler et maman Ravel. C’est que tous deux mettent ici beaucoup d’eux-mêmes, notamment le Viennois, obsédé par sa propre laideur, à quelques années d’intervalle : Le Nain est créé en 1922, L’Enfant et les sortilèges en 1925 – et Zemlinsky, au festival de la SIMC à Prague, en 1924, dirige L’Heure espagnole en même temps qu’il crée Erwartung.


L’association des deux œuvres, proposée également à Lyon en mai dernier, reprend une production de Richard Jones et Antony McDonald, inaugurée en 1998 sous la direction de James Conlon (voir ici) et réalisée aujourd’hui par Isabelle Cardin. La mise en scène opte, chaque fois, pour une approche plus axée sur le symbole que sur le pittoresque. Non sans lourdeur parfois : on devine vite à quoi ressemblent ces asperges dressées dans le décor abstrait du Nain. Non sans pertinence ailleurs : pourquoi pas, pour l’Arbre blessé du jardin, ces soldats de la Grande guerre ? pourquoi pas cette Arithmétique en institutrice drag-queen ? La partition de L’Enfant ne relève-t-elle pas du patchwork, après tout, dans ses multiples références ? Quoi qu’il en soit, ce Ravel, entre fantasme et réel, entre imaginaire et quotidien, aux éclairages variés, souvent sombres, est plus inspiré que le Zemlinsky, efficace mais un peu systématique avec ses lumières crues et, surtout, cette marionnette ressemblant au compositeur qu’actionne le protagoniste.



Le Nain: V. Le Texier, C. Workman
(© Opéra national de Paris/Agathe Poupeney)



C’est qu’il faut bien représenter le Nain, que le physique élancé de Charles Workman ne peut incarner à lui seul. Mais il joue si bien qu’on croit aussitôt à sa souffrance. Une souffrance qui, malheureusement, affecte aussi une voix littéralement torturée par un rôle qu’elle ne peut assumer : sans cesse sollicitée, la quinte aiguë y menace ruine et les notes extrêmes sont littéralement impossibles. L’Infante très chipie, voire vicieuse, de Nicola Beller Carbone, n’en fait qu’une bouchée. Autour d’eux, l’ensemble est homogène : Ghita généreuse de Béatrice Uria-Monzon, antithèse de sa maîtresse, le Majordome bien campé de Vincent Le Texier, qui fait heureusement oublier son calamiteux Créon de Cherubini. Bientôt en poste à Bordeaux, l’excellent chef britannique Paul Daniel maîtrise aussitôt une partition dense et complexe, d’un geste à la fois ferme et clair, souple et théâtral.



L’Enfant et les sortilèges
(© Opéra national de Paris/Agathe Poupeney)



L’Enfant, lui, pose d’emblée un insoluble problème : Garnier est trop grand, il lui faudrait plutôt Favart... où l’orchestre sonnerait trop généreusement. Problème d’autant plus aigu lorsqu’on réunit une distribution parfois inégale, des chanteurs à l’articulation pas toujours exemplaire. Enfant médiocre, sans ligne, de Gaëlle Méchaly, Feu et Rossignol totalement insuffisants de Mélody Louledjian… Heureusement, il reste la délicieuse Princesse d’Amel Brahim-Djelloul, La Théière, la Rainette et le Petit Vielliard impayables de François Piolino, Maman, Tasse chinoise et Libellule d’une Cornelia Oncioiu au timbre onctueux et généreux. Paul Daniel, ici, opte pour un second degré un peu distancié, prend plus de plaisir à jouer les horlogers que les magiciens, en phase finalement avec une certaine tradition... qu’on peut contester.


D’autres nains nous attendent maintenant : à Bastille, L’Or du Rhin nous transporte à Nibelheim.


Didier van Moere

 

 

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