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Berlioz en noir et blanc

Paris
Opéra Bastille
05/07/2012 -  et 9, 10, 12, 13, 15, 16, 17, 20 mai 2012
Hector Berlioz : Roméo et Juliette, opus 17

Aurélie Dupont*/Mélanie Hurel (Juliette), Hervé Moreau*/Vincent Chaillet (Roméo), Nicolas Paul*/Vincent Cordier (Père Laurence), Ballet de l’Opéra national de Paris
Stéphanie d’Oustrac (mezzo-soprano), Yann Beuron (ténor), Nicolas Cavallier (basse), Chœur de l’Opéra national de Paris, Patrick Marie Aubert (chef du chœur), Orchestre de l’Opéra national de Paris, Vello Pähn (direction musicale),
Sasha Waltz (chorégraphie), Pia Maier Schriever, Thomas Schenk, Sasha Waltz (décors), Bernd Skodzig (costumes), David Finn (lumières)


(© Laurent Philippe /Opéra national de Paris)


Ingrat par tradition avec Berlioz, l’Opéra de Paris s’est rattrapé en invitant Sasha Waltz pour porter à la scène Roméo et Juliette, création donné la première fois en octobre 2007 à la Bastille et reprise cette saison. C’était jusqu’alors sur la partition de Prokofiev que l’on faisait danser les amants de Vérone, et la chorégraphe allemande a ainsi inauguré un intérêt pour l’ouvrage du compositeur français, qui trouvera un émule en Thierry Malandain trois ans plus tard.


Trois solistes danseurs, trois chanteurs, Sasha Waltz s’empare du format de l’opéra dansé de Pina Bausch – illustré de magnifique manière par l’Orphée et Eurydice vu en février dernier à Garnier. Mais le parallèle ne va guère plus loin. A la place de la synthèse réussie dans Gluck, le travail de celle que l’on a parfois présentée comme la nouvelle Pina Bausch se limite souvent à une illustration de la musique, parfois anecdotique même. Le concept épuré – plateau blanc, costumes noirs et blancs pour opposer Capulet et Montaigu – se fait écrin pour la narration: la plaque triangulaire s’ouvre et se déplie pour traduire les différents moments de la progression du drame. Le résultat esthétisant s’avère généralement agréable à regarder, mais ne parvient pas à dépasser la juxtaposition de la danse au chant – où le danseur amplifie le geste esquissé par le soliste vocal dans une imitation servile et en fin de compte redondante. On ne glosera pas sur les tentatives désespérées d’escalade de Roméo ou les cailloux recouvrant, de manière sonore, le tombeau de Juliette, insertions parasites dans la trame dramatique – à quoi bon alors s’appuyer sur une adaptation si l’on en veut combler les lacunes? Le langage, tout en torsions, emprunte largement à celui de Pina Bausch, en particulier dans les ensembles – le plus abouti dans le spectacle – et se permet même une réminiscence des Noces de Nijinska au début. Si certains moments, comme le prélude avec ses couples balayant le cadre de scène en lancers croisés de bras, reproduisent avec beaucoup d’efficacité la cinétique de la musique, d’autres, à l’instar de la fête, s’abîment dans un trivial pantomimique hors de propos. C’est que la symphonie dramatique de Berlioz tient davantage de l’évocation que du théâtre. Le minimalisme de Sacha Waltz ne s’aventure pas assez dans sa propre radicalité, éludant celle de la partition qu’elle chorégraphie.


Pour son retour sur les planches de l’Opéra de Paris, Hervé Moreau reprend un rôle qu’il a créé il y a cinq ans. L’immobilisation prolongée de l’étoile laisse indéniablement des stigmates, dans une certaine raideur qu’on ne lui connaissait pas avant. Son Roméo est fougueux, passionné, mais il lui manque cette souplesse, cette féminité, qui permettraient aux nuances psychologiques du personnage de s’épanouir davantage. Sa partenaire, Aurélie Dupont, incarne une Juliette sans défauts, mais un peu transparente dramatiquement. En Père Laurence, Nicolas Paul exhibe une énergie intériorisée que l’on avait déjà appréciée en Orphée.


Stéphanie d’Oustrac déploie son mezzo corsé quoiqu’un peu court en legato, que la partition appelle pourtant. Yann Beuron se joue avec intelligence des irrégularités rythmiques du scherzetto de la reine Mab, et son timbre clair favorise une clarté appréciable dans la diction. Nicolas Cavallier fait preuve quant à lui d’une présence indiscutable. Vello Pähn veille avec beaucoup d’attention à la balance sonore de l’orchestre, évitant toute déflagration acoustique et à-coups clinquants auxquels s’était laissé emporter Gergiev en 2007. Le prix à payer de cette modération favorable aux danseurs est une certaine atonie dramatique, sensible en particulier dans le finale. Le frisson orchestral n’est pas au rendez-vous. Pour autant, si l’on excepte quelques décalages dans les entrées, le chef estonien sait mettre en valeur les couleurs de la partition avec une sensibilité indéniable. Préparés par Patrick Marie Aubert, les chœurs de l’opéra révèlent plus de puissance que de transparence, et ont manifestement encore une marge de progression linguistique certaine pour maîtriser le style de Berlioz.



Gilles Charlassier

 

 

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