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Les grands artistes de «Piano aux Jacobins»

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
04/29/2011 -  
Johannes Brahms : Rhapsodies, opus 79
Robert Schumann : Davidsbündlertänze, opus 6
Maurice Ravel : Gaspard de la nuit
Frédéric Chopin : Prélude, opus 45 – Scherzo n° 2, opus 31

Philippe Bianconi (piano)


P. Bianconi (© Jean-Michel Sabat)


C’est à «Piano aux Jacobins» et à sa traditionnelle vitrine parisienne du printemps, avec ses programmes de salle visuellement toujours aussi soignés, qu’on doit la venue au Théâtre des Champs-Elysées de pianistes qui, pour différentes raisons, ne tiennent pas à l’affiche une place à la hauteur de leur réputation et de leur talent: ainsi, de Richard Goode en 2004, Leon Fleisher en 2006, Evgueni Koroliov en 2007, Ivan Moravec en 2009 et Fou Ts’ong en 2010. Voici maintenant Philippe Bianconi (né en 1960), premier prix aux concours de Belgrade (1977) et de Cleveland (1981), médaille d’argent, devant Barry Douglas, au concours van Cliburn (1985). Les rangs sont bien trop clairsemés en ce vendredi soir, bien que le public de la capitale n’ait pu l’entendre ces dernières années qu’aux festivals de l’Orangerie de Sceaux, des Serres d’Auteuil et «Chopin à Paris» ou dans le cadre de «Prades aux Champs-Elysées». Quant à sa dernière apparition en concerto, il faut remonter à 2001, voici dix ans, avec l’Orchestre de l’Opéra national de Paris. Sa discographie cultive la même relative discrétion: les trois grands cycles de lieder schubertiens (chez Denon) rappellent qu’il fut le partenaire du grand Hermann Prey, et il a enregistré en solo pour Lyrinx ses compositeurs de prédilection – Schubert, encore, Schumann, Debussy et Ravel – il a d’ailleurs choisi deux d’entre eux pour son récital qui, en cette année 2011, parvient à faire l’impasse sur Liszt.


De Brahms, il n’a cependant enregistré pour l’heure que des œuvres de musique de chambre, notamment les Sonates pour violon avec Tedi Papavrami (Aeon). Soucieux de la lisibilité du texte et de la fermeté du phrasé, il sort les deux Rhapsodies de l’Opus 79 (1879) de leurs profondeurs fantastiques et de leurs mystères germaniques, sans pour autant les priver de leur climat changeant et de leur propos narratif. Dans les rares Danses des compagnons de David (1837) de Schumann, il donne libre cours à un jeu d’une grande délicatesse de toucher, sans artifices, adapté à la versatilité du recueil, entre une retenue expressive, ne laissant qu’affleurer la passion et la poésie, qui sied à l’Eusebius rêveur, et une réalisation superbe mais ne cédant pas au narcissisme, qui rend justice au volontarisme de Florestan. L’interprète sait où il va et laisse à l’auditeur le soin de le suivre sur les sentiers élevés de la musique pure plutôt que de s’en tenir à une improbable suite de «danses».


Après l’entracte, malgré les toux et cliquetis de bracelets, ce tempérament à la fois pudique et minutieux, se refusant aux excès d’ego et aux grands gestes à l’emporte-pièce, fait évidemment merveille dans l’univers ravélien: pour tout dire, on ne conserve pas le souvenir, en concert, de Gaspard de la nuit (1908) plus abouti. Dominant son propos avec une impressionnante maîtrise pour rendre un superbe hommage à la richesse d’écriture de la partition, Bianconi en exalte davantage la modernité abstraite que le romantisme descriptif, le caractère d’études que celui de ballades: plutôt que de s’écouler bruyamment en torrents lisztiens, «Ondine», limpide jusque dans sa moindre triple croche, bénéficie d’une progression soigneusement dosée. Mais «Le Gibet» n’en distille pas moins tous ses vénéneux sortilèges et maléfices, tandis que dans le cauchemardesque «Scarbo», d’une stupéfiante clarté d’articulation dépourvue de toute sécheresse, il se laisse même porter et emporter par l’énergie et la virtuosité de la musique.


Les deux pages de Chopin auraient peut-être gagné à être placées dès le début de la seconde partie, même si, après toute cette adrénaline, le ton juste s’impose d’emblée dans le Prélude opus 45 (1841), en complète apesanteur et d’une magnifique sonorité. Le Deuxième Scherzo (1837) suscite en revanche une impression plus mitigée: la fougue prend certes le dessus, mais assortie d’un chant au rubato assez prononcé, en particulier dans la section centrale. Visiblement ravi d’avoir retrouvé une grande scène parisienne en récital, il annonce successivement les quatre bis: la Première des Trois nouvelles études (1839) de Chopin, avec ses superpositions rythmiques, puis «Poissons d’or», dernière de la Seconde série (1907) d’Images de Debussy, précise, souple et ludique. La Toccata conclusive du Tombeau de Couperin (1917) de Ravel se conclut sur une ovation debout, mais il ramène le calme avec la Cinquième variation posthume des Etudes symphoniques (1837) de Schumann.


Le site de «Piano aux Jacobins»



Simon Corley

 

 

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