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Ligeti - Brahms : recherche de la communauté des singuliers ?

Paris
Radio France
01/27/1998 -  
Johannes Brahms :Trio pour cor, violon et piano en mi bémol majeur, opus 40
György Ligeti : Trio pour cor, violon et piano

Marie-Louise Neunecker (cor), Saschko Gawriloff (violon), Pierre-Laurent Aimard (piano)

Par leur forme même, peu courante -trio avec cor- ces deux oeuvres (1864 et 1982) sont souvent réunies. Un autre indice : Ligeti indique -en français- en exergue de la partition " Hommage à Brahms " *. Ce trio contemporain ** jouit d’une faveur exceptionnelle cette année : cette prestation ne constitue que le premier maillon de trois concerts. Les suivants regroupent Hervé Joulain (cor) Guy Comentale (violon) et Catherine Cournot le 26 février à 19h00, toujours à la Maison de Radio France; puis André Cazalet (cor), Philippe Aïche (violon) et Claire Désert le 5 avril à 11h30 au Théâtre du Chatelet. Cette réunion est donc un événement remarquable pour les amoureux de Ligeti.

Revenons sur le couplage*** qui n’a pas comme seule légitimité une dédicace. L’utilisation particulière que fait Ligeti du cor chromatique moderne (fa/si b) le rapproche de l’écriture de Brahms qui correspond à celle du cor naturel (en mi bémol ici). En effet, il n’est pas exclu que cette pièce soit représentée par les merveilleuses couleurs fruitées du nature-horn ou Waldhorn plutôt que sur le Ventilhron ****. Couleurs qui peuvent tout aussi bien rendre l’allégresse de la chasse finale, que la méditation acétique du troisième mouvement du trio de Brahms. Or Ligeti exploite le cor dans toute sa spécificité, notamment avec les notes naturelles (échelle des partiels) : il va chercher dans le cor moderne (utilisé également dans son propre caractère) son origine naturelle ; comme Brahms pousse son écriture vers le nouveau cor moderne de l’époque. D’autres effets étaient donc présents : registre suraigu, différents sons bouchés, ‘pavillon en l’air’, sons cuivrés, etc. Du contrepoint (I) à l’ostinato hongrois du deuxième mouvement, de la marche déconstruite (III) à la mélancolie finale, le rythme tient un rôle majeur dans la partition en utilisant toutes les possibilités techniques des instruments. Il permet aussi d’emboîter de multiples fenêtres : la pulsation se déhanche, se déracine jusqu'à produire un univers à différentes vitesses ; les accents propres de chaque instrument instituent des strates autonomes qui portent la Marcia jusqu'à la caricature ; la défocalisation amène un canon avec combinaisons rythmiques. L’élément local, sans lien organique avec la structure, transgresse ainsi la forme traditionnelle (ABA). On arrive à la destruction d’un objet volontairement connoté par saturation sonore, hétérogénéité des dynamiques et de l’expression, exagération, puis dénaturation. En jouant sur le comportement des déviances, Ligeti explore à l’extrémité du cadre.

Si la musique de Brahms a souffert de défauts de justesse (difficulté propre de cette partition) l’interprétation chaleureuse du cor de Marie-Louise Neunecker s’est imposée avec la dynamique de Pierre-Laurent Aimard. Cette corniste, qui avait déjà jouée l’oeuvre de Ligeti à Caen il y a quelques années, s’est révélée très à l’aise dans l’endurance que requièrent ces deux pièces. La grande difficulté de la pièce de Ligeti a contribué à cacher certaines petites libertés, compréhensibles vu le très haut niveau technique. En bref, un beau concert pour ces oeuvres jumelles.

* Partition : Schott’s Söhne Musikeverlag, ED 7309, 1984, Mainz.

** Sur cette pièce, on peut lire l’analyse fondamentale d’Ulrich Dibelius (volume 1/1984 de la revie Melos, Editions Schott, Mayence).

*** couplage présent également au disque avec les cornistes Jean-Jacques Justafré (Musicales Actes Sud, 1992), André Cazalet (disques Montaigne - Radio France, 1994). Pour Ligeti seul, avec les interprètes de la création : Hermann Baumann (cor), Saschko Gawriloff, Eckart Besch (piano) chez Wergo, 1986. Pour Brahms, outre les versions de Justafré, Cazalet précédemment citées, on écoutera Hervé Joulain (interprétation absolument remarquable - Harmonia Mundi 1995), Myron Bloom (avec Rudolf Serkin, CBS Records, 1960 à Marlboro/ éd. 90 Sony Classical), Aubray Brain (le père du fameux Dennis Brain, avec Rudolf Serkin et Adolf Busch ni plus ni moins ! 1933 à Londres/ éd EMI Records 1992) Radovan Vlatkovic (Decca, 1993). Une mention particulière pour la passionnante gravure de Lowel Greer au cor naturel (Harmonia Mundi /USA, 1991).

**** le meilleur compromis étant sûrement le cor viennois (instrument simple -utilisation des tons- mais avec trois pistons).



Frédéric Gabriel

 

 

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