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Festival baroque

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
11/30/2009 -  
Georg Friedrich Händel : Ariodante, HWV 33: Ouverture, « on l’ali di costanza», «Dopo notte», «Se rinasce nel mio cor», «Scherza infida» et «Bramo aver mille vite» – Alexander Balus, HWV 65 : «O take me from this hateful», «Calm thou my soul… Convey me to some peaceful shore» – Giulo Cesare in Egitto, HWV 17 : «Che sento oh dio», «Se pietà di me non senti» – Concerto grosso n° 6, opus 6
Antonio Vivaldi : Griselda, RV 718 : Sinfonia – La Candace, RV 704: «Certo timor c’ho in petto» – Tieteberga, RV 737 : «L’Innocenza sfortunata»

Sandrine Piau (soprano), Ann Hallenberg (mezzo-soprano)
Modo Antiquo, Federico Maria Sardelli (direction)


S. Piau (© Antoine Le Grand/Naïve)



Affluence au Théâtre des Champs-Elysées pour une soirée lyrique qui devait initialement réunir Sandrine Piau et la basse Ildebrando d’Arcangelo. En lieu et place de ce dernier, souffrant, la soprano française était accompagnée par la mezzo-soprano Ann Hallenberg, spécialiste reconnue du répertoire baroque, avec qui elle a gravé un superbe disque Vivaldi (chez Naïve), accompagnée par les mêmes comparses que pour le concert de ce soir (l’ensemble baroque Modo Antiquo dirigé par Federico Maria Sardelli). Sans savoir si d’Arcangelo aurait été plus convaincant, force est de constater que Hallenberg fut irréprochable au point de surpasser sa partenaire et que leur duo fonctionna à merveille !


Le programme donné lors de ce concert avait pour premier mérite de montrer au public tout ce dont l’époque baroque était capable en termes de diversité et d’ingéniosité musicales. Le rapprochement entre ces deux monstres sacrés que sont Antonio Vivaldi (1678-1741) et Georg Friedrich Händel (1685-1759) va de soi : le jeune compositeur saxon a été ô combien influencé par l’œuvre du « Prêtre roux » (notamment dans ses premières compositions sacrées, qu’il s’agisse d’Acis et Galathée ou de La Résurrection, ou dans plusieurs de ses concertos) et tous deux ont par ailleurs joué sur les mêmes registres, faisant chacun preuve d’une formidable imagination et nous léguant l’un comme l’autre une œuvre tout à fait prolifique.


Lorsqu’il compose Ariodante (1735), Händel est âgé de cinquante ans et, tout doucement, abandonne le monde de l’opéra pour s’engager pleinement dans celui de l’oratorio. Malheureusement pour le compositeur, l’œuvre, sur un livret d’Antonio Salvi (qu’il avait lui-même tiré du fameux récit Orlando Furioso de l’Arioste), ne connut pas beaucoup de succès puisqu’elle ne fut représentée que neuf fois au cours de sa première saison. Ce n’est que deux siècles plus tard qu’on redécouvrit cet opéra magnifique dont tout le monde s’accorde aujourd’hui pour dire qu’il fait partie des incontestables chefs-d’œuvre de Händel. Après en avoir donné l’Ouverture, Federico Maria Sardelli (à la gestique ample, désordonnée et quelque peu affectée) et son orchestre Modo Antiquo accompagnèrent Ann Hallenberg dans plusieurs airs splendides distillés au fil du concert. Faisant preuve tour à tour d’une hallucinante dextérité vocale (dans l’air « Con l’ali di costanza »), parfois teintée d’évidents accents italiens (notamment dans le superbe « Dopo notte », air tiré de l’acte III de l’opéra où, lors de la création, le rôle d’Ariodante était alors tenu par le célébrissime castrat Carestini) ou d’une rage terrible (« Scherza infida »), Ann Hallenberg charme et impressionne de bout en bout. Outre ses indéniables talents de comédienne (on perçoit d’ailleurs en plus d’une occasion son envie de « jouer » sur scène), elle fait montre d’une déconcertante facilité vocale, se jouant de toutes les virtuosités possibles avec une assurance qui rend son discours d’autant plus convaincant. Sandrine Piau, qui la rejoint pour le bref duo « Se rinasce nel mio cor » entre Ariodante et celle qu’il aime, Ginevra, paraît plus fragile physiquement mais révèle une voix tout aussi merveilleuse, leurs vocalises s’entremêlant de façon absolument parfaite.


Les autres extraits händeliens donnés au cours de ce concert sont respectivement tirés de deux œuvres qui, pour l’une, est un chef-d’œuvre depuis longtemps reconnu (Giulio Cesare in Egitto, composé en 1724), pour l’autre une véritable découverte (force est de constater que l’oratorio Alexander Balus, créé à Covent Garden en 1748 quelques semaines après Joshua, ne connaît guère les honneurs des salles de concert). Le seul point commun à ces deux compositions réside dans le fait que, à chaque fois, Sandrine Piau y interprète le rôle de Cléopâtre. Absolument poignante (notamment dans l’air « Se pietà di me non senti » tiré de Giulio Cesare, où la douleur est renforcée par la douce intervention du basson de François de Rudder), Sandrine Piau prouve une fois encore qu’elle aime cette musique et qu’elle en est une merveilleuse servante. A chacune de ses interventions, l’ensemble Modo Antiquo s’avère être de très grande qualité et participe pleinement à la réussite de ces interprétations : on retiendra notamment l’air « Calm thou my soul… Convey me to some peaceful shore » issu d’Alexander Balus où Federico Maria Sardelli porte une très grande attention à la respiration et aux silences, rendant d’autant plus désespéré le chant de Sandrine Piau. Leur interprétation du Concerto grosso opus 6 n° 6 révèle également d’incontestables qualités même s’il ne s’agit certainement pas de la partition la plus inspirée de Händel.


La seconde partie comportait, outre quelques extraits d’œuvres händeliennes, des pièces tirées d’opéras de Vivaldi. La Candace ne fait pas partie des œuvres-phares du compositeur vénitien. Opéra composé sur un livret de Francesco Silvani et Domenico Lalli, il fut créé en 1720, au théâtre archiducal de Milan, pendant la période du carnaval. La partition est aujourd’hui perdue à l’exception de onze airs et d’un quatuor vocal : on ne peut que savoir gré à Federico Maria Sardelli, chef d’orchestre mais aussi flûtiste et, en l’occurrence, musicologue éminent spécialiste de Vivaldi, d’avoir eu l’idée de donner cet extrait (« Certo timor c’ho in petto ») qui permet d’entendre un duo renversant entre Piau et Hallenberg. Là encore, douceur et virtuosité vont de pair et témoignent pour ceux qui en douteraient (est-il possible que ce soit encore le cas aujourd’hui ?) que Vivaldi a été un véritable génie dans son traitement des voix, notamment lorsqu’il leur adjoint un accompagnement aussi simple que quelques traits de violons. Tout aussi méconnu (et pour cause puisque, là encore, la partition a été perdue !), Tieteberga est un opéra plus ancien encore, vraisemblablement donné en octobre 1717, encore que cet élément soit sujet à caution. « L’Innocenza sfortunata » permet à Ann Hallenberg de faire définitivement chavirer le public du Théâtre des Champs-Elysées dans un air virtuose de bout en bout.


Face à l’insistance des spectateurs, Sandrine Piau et Ann Hallenberg donnèrent deux bis : la reprise de leur duo « Bramo aver mille vite » (extrait d’Ariodante) et le duo Zeffiretti che sussurrate (RV 749) qu’elles ont par ailleurs enregistré, entre autres œuvres, chez Naïve sous la direction de Sardelli. Par sa délicatesse, par le jeu instauré entre les deux voix, par la douceur des cordes, ce fut véritablement l’apothéose de cette collaboration entre les deux cantatrices dont on ne peut qu’espérer qu’elle se renouvelle fréquemment sur les scènes parisiennes.


Le site de Modo Antiquo



Sébastien Gauthier

 

 

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