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Grandeur et décadence

Paris
Salle Pleyel
04/18/2008 -  et 10 (Bregenz), 11 (Lugano) avril 2008
Piotr Ilyitch Tchaïkovski : Roméo et Juliette
Dimitri Chostakovitch : Concerto pour violon n° 2, opus 129
Ludwig van Beethoven : Symphonie n° 6 «Pastorale», opus 68

Gidon Kremer (violon)
Orchestre national de Russie, Mikhaïl Pletnev (direction)


Comme la saison passée, à peine rentré d’une tournée aux Etats-Unis avec son premier chef invité, Vladimir Jurowski (voir ici), l’Orchestre national de Russie a entrepris un dense périple européen avec son fondateur et directeur artistique, Mikhaïl Pletnev: huit concerts en dix jours, de l’Autriche aux Pays-Bas en passant par l’Italie, la Croatie et l’Allemagne, la sixième étape étant réservée à Paris. En mars 2007, déjà salle Pleyel (voir ici), ils avaient livré, aussi bien techniquement que musicalement, une prestation alternant bonnes surprises et déceptions. Un an plus tard, l’impression globale reste la même, mais les contrastes s’accentuent: à la grandeur de la première partie succède la décadence de la seconde.


La soirée commence de façon éclatante par un Roméo et Juliette (1869/1880) de Tchaïkovski joué avec les tripes en même temps qu’avec rigueur: un orchestre d’emblée chauffé à blanc, cordes graves en tête, tendu et virtuose, ménageant également des pages lyriques d’une belle tenue expressive.


Pletnev confirme qu’il sait décidément s’entourer de solistes de valeur: après Nikolaï Lugansky l’an passé, voici en effet Gidon Kremer. A soixante et un ans, il conserve non seulement sa prédilection pour les partitions quelque peu négligées, tel ce Second concerto (1967) de Chostakovitch qu’il défend de longue date, mais aussi une incomparable palette de sonorités ainsi qu’une solidité presque à toute épreuve. Tour à tour rauque, fragile, éloquent et caustique, entièrement habité par l’œuvre mais demeurant toujours dans un souci de dialogue avec ses partenaires, le violoniste letton en donne une vision à la fois d’une profonde humanité et d’une implacable évidence. Un bis sans Bach, ni Paganini, ni Ysaÿe? Avec Kremer, tout est possible: il n’hésite pas à faire appel à son cher Piazzolla, avec une adaptation du quatrième (Lento. Meditativo) des six Tangos-Etudes pour flûte. Sans Bach? Voire, car la densité expressive que Kremer confère à cette musique n’est pas loin d’évoquer quelque Sonate ou Partita.


Après l’entracte, c’est hélas le jour et la nuit. Ayant réalisé avec son orchestre une intégrale très contestée des Symphonies de Beethoven (Deutsche Grammophon), Pletnev défigure la Sixième «Pastorale» (1808), atteignant parfois des sommets d’histrionisme: tempi faisant le yoyo, énormes afféteries, silences démesurément étirés, mieux vaut sans doute en rire qu’en pleurer. A rebours de toute considération musicologique ou même du simple respect du texte, prédomine une subjectivité que l’on peine la plupart du temps à comprendre. D’entrée de jeu, le premier mouvement, surexcité et haletant, bien que marqué Allegro ma non troppo, cavale comme dans un cartoon, course interrompue ici ou là par de monumentaux ralentis. Rapide – mais l’indication est ici Andante molto mosso –, le deuxième mouvement se révèle moins aberrant, quoique sans doute plus gracieux que pastoral. L’orage ne paraît animé que par une volonté spectaculaire et démonstrative, tandis que le finale s’ouvre et se ferme dans un tempo alangui bien au-delà du raisonnable.


Et ce n’est pas avec la mise en place, la cohésion ou la qualité instrumentale que l’on pourra se consoler. Reste toutefois un point de comparaison avec le Philharmonique de Berlin: comme leurs collègues allemands voici un an à Pleyel, les musiciens russes, après deux rappels, tournent les talons sans demander leur reste.


Le site de l’Orchestre national de Russie



Simon Corley

 

 

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