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L’empreinte d’un chef

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
11/29/2006 -  et 30 novembre 2006 (Köln)
Wolfgang Amadeus Mozart : Ouverture de «La Flûte enchantée», K. 620
Joseph Haydn : Symphonie n° 104 «London»
Franz Schubert : Symphonie n° 9, D. 944

Wiener Philharmoniker, Paavo Järvi (direction)


La première des deux visites que l’Orchestre philharmonique de Vienne, toujours fidèle au Théâtre des Champs-Elysées, effectue cette saison à Paris marquait en même temps les débuts de Paavo Järvi à la tête de la prestigieuse phalange. La curiosité était d’autant plus grande que le chef estonien a choisi pour l’occasion un programme classique et romantique, auquel il aura peut-être manqué l’attrait d’un concerto et d’un soliste pour remplir la salle: non seulement on l’a plutôt entendu jusqu’à présent diriger des compositeurs postromantiques, tels Mahler, Scriabine ou encore tout récemment Richard Strauss (voir ici), mais dans ce répertoire «viennois» par excellence, un tel orchestre peut décider de n’en faire qu’à sa tête, de mettre le «pilote automatique» et de s’en tenir à ce que l’on appellera, selon que l’on est plus ou moins bienveillant, la tradition ou les habitudes. Ce premier contact prenait donc tout particulièrement valeur de test.


Autant le dire d’emblée, le test s’est révélé parfaitement concluant: même s’il n’est pas certain que les musiciens aient été profondément convaincus de la pertinence de l’approche de Järvi, ils n’en ont pas moins pleinement joué le jeu et fait preuve d’une étonnante capacité d’adaptation, dans une fascinante démonstration de la façon dont une personnalité peut marquer un orchestre de son empreinte.


L’ouverture de La Flûte enchantée (1791) de Mozart semble certes débuter sur des bases connues, «avec tout le confort moderne», pour reprendre l’expression de Debussy à propos du Sacre du printemps – sonorités veloutées de l’Adagio liminaire, plénitude des vents dans la triple batterie d’accords qui suit l’exposition – mais l’Allegro ne manque pas de tranchant et d’allant, presque haletant, au détriment de l’articulation dans ce forte qui écrase toujours un peu les doubles croches du quatrième temps du thème fugué.


Dans la Cent quatrième symphonie «Londres» (1795) de Haydn, l’expérience est encore plus probante: la manière dont Järvi agit sur tous les paramètres de l’interprétation – phrasés, attaques, accents, équilibre entre les pupitres – traduit aussi bien la solidité de son métier que la souplesse des Viennois, mais ce qui frappe avant tout, c’est son travail sur la couleur: méconnaissable, la sonorité des Philharmoniker, inhabituellement rugueuse, avec des cordes parcimonieuses en vibrato et des bois d’une verdeur inattendue, n’est en effet pas aussi flatteuse que de coutume. Cet aggiornamento sert une lecture intransigeante et analytique, soulignant ruptures et silences, aussi bien dans l’Adagio introductif, sombre et dramatique, que dans le caractère déjà beethovénien qu’il confère au développement dans les mouvements extrêmes. Mais il n’en oublie pas pour autant la dose d’humour et la verve indispensables à ce répertoire, avec un Menuetto robuste et un Spiritoso final non moins dansant.


En seconde partie, la Neuvième symphonie (1826) de Schubert confirme que la Philharmonie de Vienne, au risque d’enfoncer des portes ouvertes et nonobstant quelques légitimes moments de faiblesse, demeure une formation d’exception: merveilleux unisson des deux cors à découvert dans l’Andante initial, homogénéité et transparence des soixante cordes, dont la masse n’étouffe jamais bois et cuivres. Bien loin d’un Wanderer rêveur, plus en poigne qu’en rondeur, le Schubert de Järvi propose une vision profondément renouvelée de la partition, sans verser dans la caricature des tics «baroqueux», car le discours est sans cesse mû par un élan épique et conquérant, parfois même rageur (Andante con moto), mais sans précipitation: malgré l’omission de la reprise dans l’Allegro final, la symphonie s’étend sur cinquante-sept minutes. Une durée qu’il maîtrise sans peine, malgré d’importantes fluctuations de tempo, car la dynamique et la tension qu’il insuffle à l’œuvre sont bien plus structurants que vibrionnants, mettant en relief le classicisme de la construction, tandis que la fluidité avec laquelle le propos s’écoule parvient à compenser les risques de raideur de cette lecture exigeante, d’une logique implacable.


En bis, Järvi trouve fait se rencontrer la Baltique et la cité de la valse, dans une Valse triste (1903) de Sibelius bien plus Delirien-Walzer que Bonbons de Vienne.


Il ne fait pas de doute que sous la direction de Christian Thielemann, la Philharmonie de Vienne offrira une toute autre physionomie pour son retour dans la capitale le 17 mars prochain, dans la Huitième symphonie de Bruckner.


Le site de l’Orchestre philharmonique de Vienne



Simon Corley

 

 

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