About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Giocoso

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
06/15/2006 -  et 17, 19, 21 et 23 (Paris) et 27 (London) juin 2006
Wolfgang Amadeus Mozart : Don Giovanni, K. 527

Lucio Gallo (Don Giovanni), Giovanni Battista Parodi (Il Commendatore), Patrizia Ciofi (Donna Anna), Francesco Meli (Don Ottavio), Alexandrina Pendatchanska (Donna Elvira), Lorenzo Regazzo (Leporello), Alessandro Luongo (Masetto), Anna Bonitatibus (Zerlina)
Chœur du Théâtre des Champs-Elysées, Concerto Köln, Evelino Pido (direction)
André Engel (mise en scène), Dominique Muller (dramaturgie), Nicky Rieti (décors), Chantal de La Coste Messelière (costumes), André Diot (lumières), Françoise Grès (chorégraphie)


Cinq mois après la lecture très contestée de Michael Haneke à l’Opéra Bastille (voir ici), Don Giovanni (1787) est déjà de retour dans la capitale, et ce pour cinq représentations d’une production plus consensuelle, si l’on en juge par la réaction favorable du public à l’issue de la première. De fait, la principale audace d’André Engel, qui a déjà mis en scène cet opéra voici exactement dix ans à Lausanne puis à Bordeaux, consiste à transposer l’action d’Espagne en Italie et du XVIIIe siècle à la fin des années 1950, avec un chœur qui twiste allégrement sur une chorégraphie de Françoise Grès.


Assisté de son fidèle dramaturge Dominique Muller, il privilégie d’emblée la comédie sur le drame, d’où aucun protagoniste ne sort grandi, en présentant Donna Anna comme consentante ou en faisant escamoter le corps du Commandeur dans une armoire qui symbolisera in fine l’entrée des enfers. Quant à la pirouette conclusive, par laquelle Don Giovanni jaillit du placard qui l’a précédemment englouti et nargue ses vengeurs, elle peut difficilement évoquer autre chose qu’une mauvaise pièce de boulevard. Assistés par le surtitrage, les spectateurs rient donc fréquemment, alors qu’il ne s’agit pas ici des Noces ou même de Cosi.


Curieusement, si les costumes de Chantal de La Coste Messelière se plient efficacement au choix du lieu et de l’époque, les décors de Nicky Rieti et les lumières d’André Diot, autres complices habituels d’Engel, paraissent en décalage avec le parti pris comique, cultivant le néoréalisme, voire le sordide: jetée encombrée de vieux bidons, cave à l’éclairage glauque, festin final à base de spaghetti, dans une maison en chantier ou à l’abandon, avec une nappe hâtivement posée sur une caisse de bois et un poste de radio portatif grâce auquel Leporello fait mine d’écouter les «tubes» que Mozart a inclus dans sa partition. Les changements de plateau sont dissimulés par un rideau noir en trompe-l’œil marqué «DG» – «Dolce & Gabbana?» s’interroge, faussement naïve, une spectatrice – mais afin de ne pas ralentir l’action, l’avant-scène, d’un côté à l’autre de la fosse, est alors occupée par des saynètes muettes ou par des airs (Finch’han dal vino au premier acte, Vedrai, carino, Non mi dir et Il mio tesoro au second acte).


Lucio Gallo possède l’arrogance et la voix légère, mais pas toujours juste, d’un Don Giovanni inséparable de son étui à cigarettes et de son cran d’arrêt, davantage voyou fanfaron et écervelé qu’esprit fort ou grand seigneur. Il est accompagné d’un Leporello sans excès de truculence, appareil photo en bandoulière, incarné par Lorenzo Regazzo, qui, s’il a tendance à ne pas chanter en mesure, n’en assure pas moins son rôle de façon satisfaisante. Giovanni Battista Parodi est d’une inattaquable sobriété, même si l’on a déjà entendu Commandeur plus tonitruant, au demeurant trop éloigné dans les coulisses pour la scène de l’invitation à la statue, dont la figuration est d’ailleurs habilement éludée.


Patrizia Ciofi campe une Donna Anna atypique et haute en couleur, certes irrégulière et imprécise, mais d’une grande force dramatique, qui l’emporte à l’applaudimètre au moment des rappels. La palme de la plus belle prestation revient pourtant incontestablement à la Zerlina d’Anna Bonitatibus: somptuosité du timbre, perfection du style et totale aisance, elle en devient plus aristocrate que paysanne et déteint même sur l’orchestre, qui en acquiert de la douceur à défaut de rondeur. A ses côtés, Alessandro Luongo (Masetto), correct mais à la projection insuffisante, ne peut faire que pâle figure.


Francesco Meli ne manque pas de qualités en Don Ottavio – des aigus qui passent bien, un sens lyrique indéniable – mais il maîtrise insuffisamment sa puissance et cède parfois à des effets faciles. La Donna Elvira d’Alexandrina Pendatchanska constitue la principale déception de cette soirée, manquant d’assurance, avec une émission contrainte et tendue, et peinant à dominer un orchestre pourtant peu fourni (vingt-quatre cordes). Il est vrai qu’elle est peu avantagée par un personnage qui, compte tenu de la mise en valeur des aspects divertissants du livret, est sans cesse tourné en ridicule.


Si le Concerto Köln, malgré quelques soucis de justesse qui sont trop souvent le lot des formations jouant sur instruments anciens, tire assez bien son épingle du jeu, avec des bois fruités à l’honneur dans la scène du dîner, la direction affectée d’Evelino Pido procède malheureusement par coups de boutoir, tempi précipités, accélérations et ralentis intempestifs, cultivant de vigoureux contrastes dans les récitatifs accompagnés et évoquant quelque «folle journée» ou même Rossini à la fin du premier acte et dans la conclusion du sextuor du second acte. En cela, elle s’accorde pleinement avec un spectacle lesté par une approche univoque, qui ne retient du dramma giocoso que le second mot.



Simon Corley

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com