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Piano multiple

Montpellier
Corum
07/29/2005 -  

12 heures 30, Salle Pasteur
Francis Poulenc: Sonate pour violon et piano
Robert Schumann: Sonate pour violon et piano n° 2, opus 121

Nicolas Dautricourt (violon), Eric Le Sage (piano)


20 heures, Opéra Berlioz
Wolfgang Amadeus Mozart: Les Noces de Figaro (Ouverture), K. 492 (~ # + &) (arrangement Marc-Olivier Dupin)
George Gershwin: Rhapsody in blue (#)
Piotr Ilyitch Tchaïkovski: La Belle au bois dormant (extraits), opus 66 (arrangement Mikhaïl Pletnev) (&)
René Bottlang: Tchigueree dance 1 and 2 (~ # ^) (création) – Summer dances (^)
Franz Schubert: Ländler (~)
Carl Czerny: Variations sur une très belle valse viennoise, opus 12 (~)
Claude Debussy: La plus que lente (~)
Maurice Ravel: La Valse (~)
Johann Sebastian Bach: Suite française n° 6, BWV 817 (*)
Fazil Say: Quatre danses de Nasreddin Hodja, opus 1 (*)
Jean-Baptiste Lully: Gavotte pour les soupers du roy (extraite des Symphonies et Fanfares pour les soupers du roy) (arrangement Jean-Henry d’Anglebert) (+)
Julius Röntgen: Bergerette (Les Grandes douleurs), opus 46 n° 5 (extraite des Six danses anciennes néerlandaises) (+)
Der deutsche Umgang (danse traditionnelle autrichienne) (+)
José Antonio Gomez: Variations sur le jarabe national (arrangement Cyprien Katsaris) (+)
Isaac Albéniz:Tango (extrait de Espana), opus 165 n° 2 (arrangement Leopold Godowsky) (+)
Edvard Grieg: Danse du printemps, opus 47 n° 6 (extraite du Quatrième cahier des Pièces lyriques) (+)
Jean Wiéner: Java (extraite des Trois danses) – Polka lente (extraite des Quatre petites pièces-radio) (+)
Kalamatianos (arrangement Grigoris Konstantinidis) (+)
Franz Liszt: Csardas obstiné (arrangement Cyprien Katsaris) (+)
Pietro Raimondi: Putifar – Giuseppe – Giaccobe (extraits)
Albert Lavignac: Galop-Marche (+ & # ~)

Frank Braley (#), Alexeï Volodine (&), François-Joël Thiollier (~), Fazil Say (*), Cyprien Katsaris (+), René Bottlang (^) (piano)


En cette avant-dernière journée, le Festival de Radio France et Montpellier Languedoc-Roussillon, outre l’ensemble La Venexiana et un documentaire sur Joseph Kosma, proposait un concert de musique de chambre et une soirée «Piano, pianos et danses...».


Parallèlement, l’Académie internationale de musique de Montpellier poursuivait ses activités, mettant à profit le passage des artistes qui sont à l’affiche du festival. Ainsi de cette classe de maître, ouverte au public et assurée avec humour par Ralph Evans dans la chapelle de l’annexe du Conservatoire national de région, près de la cathédrale Saint-Pierre: le premier violon du Quatuor Fine Arts n’hésite pas à recourir à une comparaison, inattendue mais efficace, avec l’évolution d’une balle de golf sur le green et s’excuse auprès des spectateurs de faire longuement et patiemment travailler à Colin Maki la précision des attaques, l’égalité du vibrato et la qualité de la sonorité.


L’après-midi, les élèves qui ont bénéficié des classes de maître de Cyrus Forough et Jean Lenert (violon) ainsi que d’Alexander Boyarsky (violoncelle) proposaient un intéressant concert, et ce dans des conditions assez difficiles, en raison non seulement de la chaleur mais aussi du bruit, celui causé par d’autres étudiants qui répètent, fenêtres ouvertes, dans les salles voisines. C’est une agréable surprise que de retrouver dans ce contexte Charlotte Bonneton (voir ici): très personnelle et raffinée, elle convainc à nouveau pleinement dans l’Allegro molto appassionato du Concerto pour violon de Mendelssohn.


1. Mal-aimées


Initialement programmé dans le cadre de la série consacrée à l’heure du déjeuner, Salle Pasteur, aux «jeunes artistes», le pianiste Cédric Pescia, souffrant, a dû renoncer, remplacé par Nicolas Dautricourt et Eric Le Sage, qui, avec deux sonates mal-aimées, n’ont pas choisi la facilité.


Pourtant, la concise Sonate (1943) de Poulenc, in memoriam Garcia Lorca, mériterait d’être réhabilitée: Le Sage connaît certes parfaitement le compositeur, dont il a enregistré l’œuvre pour piano ainsi que la musique de chambre, mais Dautricourt n’est pas en reste, alliant élan, énergie, légèreté et alacrité.


La Seconde sonate (1851) de Schumann, deux fois plus longue que la Première qui la précède de quelques semaines (et dont l’Allegretto sera donné en bis), demeure plus problématique, même si elle annonce déjà Brahms, avec un Scherzo proche de celui de la Sonate «FAE»: faisant valoir une sonorité plus fine que charnue ainsi qu’une musicalité de haute tenue, le violoniste y montre en outre une sûreté et une aisance remarquables pour un remplacement effectué in extremis.


2. Pianos... pianissimo!


Trois pianos, six pianistes, douze mains, cela fait bien soixante doigts: débutée peu après 20 heures avec, comme il se doit, l’ouverture des Noces de Figaro (1786) de Mozart, dans un arrangement de Marc-Olivier Dupin pour deux pianos, quatre pianistes et sept mains, cette «folle soirée» ne devait effectivement prendre fin, moyennant un seul entracte, que peu avant minuit. Deux fils conducteurs – le piano, bien sûr, mais aussi la danse, de la sarabande à la java – présidaient à une succession de mini-récitals de chacun des six pianistes, entrecoupés de pièces pour trois pianistes (ou plus, si affinités), suscitant de nombreux changements de plateau, quelque peu lassants à la longue, quelle que fût la diligence des équipes techniques.


Les six pianistes en lice, personnalités fortes (François-Joël Thiollier, Alexeï Volodine et le jazzman suisse René Bottlang), voire atypiques (Frank Braley, Cyprien Katsaris, Fazil Say), accomplissaient donc chacun un tour de piste en solo, reprenant, pour au moins quatre d’entre eux, des extraits de leurs discographie.


Premier à entrer en scène, Frank Braley se lance dans Rhapsody in blue (1924): une version pour piano seul qui convient admirablement à sa fougue, son exactitude et sa malice – comme en témoignent un disque vidéo Naïve et un disque audio Harmonia mundi récemment parus – et qui, au milieu de tous ces arrangements et transcriptions, n’en a pas moins été écrite, quant à elle, par Gershwin lui-même. Nullement effrayé par l’ampleur lisztienne de la tâche, Alexeï Volodine a ensuite stupéfié par ses capacités techniques dans les onze extraits de La Belle au bois dormant (1889) de Tchaïkovski adaptés par son compatriote Mikhaïl Pletnev.


Thiollier et Braley se joignent alors à Bottlang pour créer son Tchigueree dance 1 et 2 pour trois pianos: huit minutes assez sympathiques mais délibérément erratiques, où se succèdent une valse satiste et une sorte de polka rhapsodique.


Avec sa jolie lavallière coquelicot, Thiollier rend hommage à la valse, à l’image de son disque édité il y a quelques années chez Saphir: il remonte d’abord à ses origines de ländler, en sélectionnant une dizaine parmi les centaines laissés par Schubert. Les rares Variations sur une très belle valse viennoise de Czerny ne visent certainement pas à concurrencer les Variations Diabelli, que ce soit par leur durée (quatre minutes), leur nombre (une introduction, le thème de valse, trois variations et une coda assez développée) ou, surtout, leur propos (de l’ordre du divertissement), mais ces guirlandes de notes et traits permettent au pianiste de faire fort plaisamment preuve de sa virtuosité. «Fin de siècle» mais sans excès d’alanguissement, La plus que lente (1910) de Debussy est suivie de La Valse (1920) de Ravel qui, totalement décousue, raide et précipitée (neuf minutes!), donne lieu à une pure démonstration histrionique, au cours de laquelle Thiollier se lève littéralement de son tabouret pour plaquer certains accords.


C’est Fazil Say qui ouvrait la seconde partie: si ses mimiques et sa gestuelle sont toujours aussi extraverties – une main inoccupée ne saurait jamais rester au repos, mais vient souligner les phrasés de l’autre main ou bien gratter une oreille – et si l’instrument ne semble pas lui suffire à tout exprimer, puisqu’il frappe du pied et qu’il chantonne par ailleurs, il se révèle bien moins maniéré qu’on ne pouvait le craindre dans la Sixième suite française de Bach qui, sereine et radieuse en même temps que superbement articulée, déclenche hélas une épidémie de toux dans la salle. Il interprète ensuite ses propres Danses de Nasreddin Hodja (1991): inspirés par un philosophe turc du XIIIe siècle au tempérament d’humoriste, ces courts morceaux (six minutes) ne vont esthétiquement pas au-delà de la Suggestion diabolique de Prokofiev ou de l’Allegro barbaro de Bartok, fondés tous quatre sur une dynamique percussive alimentée par les syncopes et les répétitions.


Katsaris a opté de façon originale pour un tour du monde de miniatures nationales: une Gavotte de Lully, une Bergerette adaptée par le Néerlandais Julius Röntgen (1855-1932) et une danse traditionnelle de Haute-Autriche jouées du bout des doigts, puis, dans un registre nettement plus brillant, son arrangement des Variations sur le jarabe national du Mexicain José Antonio Gomez (1805-1876) et le célèbre arrangement par Godowsky du Tango (1893) d’Albéniz, capiteux à souhait. Après une brève Danse du printemps (1888) de Grieg, Jean Wiéner était représenté par une Java relativement orthodoxe, première des Trois danses (1955), mais aussi par la Polka lente, troisième des Quatre petites pièces-radio (1947), plus poivrée, très «années 1920». On comprend que le Franco-chypriote, vainqueur du Concours Cziffra en 1974, ait souhaité garder pour la fin la Grèce, avec un arrangement décoiffant de danse traditionnelle, et la Hongrie, avec le Csardas obstiné (1884) de Liszt et ses impressionnantes spirales tourbillonnantes.


René Bottlang ferme la marche des soli, avec les vingt minutes détachées et pince-sans-rire de ses quatre Summer dances. Si le début de la troisième rappelle curieusement le thème de Till Eulenspiegel, chacune s’inscrit dans l’esprit d’une improvisation offrant parfois des harmonies assez complexes, avec une main droite particulièrement agile qui évolue sur une inlassable basse obstinée (un rythme de habanera, par exemple, pour la première).


Pietro (et non Giuseppe, comme indiqué dans le programme) Raimondi (1786-1853), auteur malheureux d’opéras mais aussi de fugues, a en revanche rencontré le succès en se tournant vers la musique sacrée. Il aurait cependant sans doute complètement sombré dans l’oubli s’il n’avait mené à bien en 1848 un projet démentiel: trois oratorios – Putiphar, Joseph et Jacob – pouvant bien entendu être exécutés séparément, mais également conçus pour être joués en même temps, ce tour de force contrapuntique produisant ainsi un quatrième oratorio, à l’image de l’Octuor de Milhaud, qui résulte de la superposition de deux de ses quatuors (Quatorzième et Quinzième).


Un tel exploit ne pouvait manquer d’attirer l’attention de René Koering, qui avait donc prévu de le présenter dès 2004. A titre d’illustration et en avant-goût d’un quadruple spectacle qui ne devrait finalement être monté qu’en 2006, il dirige les six pianistes répartis en trois «quatre mains»: Volodine et Katsaris dans un extrait de Putiphar, puis Say et Braley dans le «même» extrait de Joseph, et enfin tous ensemble. Si chaque élément considéré isolément se caractérise par un langage aimable et simple, entre Rossini et les Sonatines pour quatre mains de Diabelli, le résultat d’ensemble porte à la fois à admirer et à sourire, car l’on sait comment il est construit. Et encore ne s’agit-il ici que de réductions de la Sinfonia introductive: l’assemblage des solistes vocaux, des chœurs et des orchestres, digne d’un Ives quoique davantage soucieux de consonance, promet d’être fascinant.


Albert Lavignac (1846-1916) ne s’est pas contenté d’enjoindre au pèlerin wagnérien de se rendre à Bayreuth, au besoin à pied, car il a entre autres publié un Galop-Marche pour huit mains mais un seul piano, conclusion inévitable de ces fêtes à plusieurs pianistes (point trop grassouillets): autour de cette musique guillerette, Thiollier et Katsaris mènent un ballet burlesque tandis que Say et Braley, au centre du clavier, se tiennent étonnamment sages.



Simon Corley

 

 

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