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Réflexion sur la vengeance

Paris
Opéra Bastille
06/18/2005 -  et 22, 26, 30 juin, 4, 8, 12 juillet 2005
Richard Strauss : Elektra
Deborah Polaski (Elektra), Eva Maria Westbroek (Chrysothemis), Felicity Palmer (Klytämnestra), Markus Brück (Orest), Jerry Hadley (Aegisth)
Orchestre et Chœurs de l’Opéra National de Paris, Christoph von Dohnányi (direction)
Matthias Hartmann (mise en scène)


Ayant à peine dépassé la quarantaine, l’allemand Matthias Hartmann compte déjà à son actif une belle carrière de metteur en scène de théâtre, et sa reconnaissance lui vaudra de prendre l’année prochaine la direction du Schauspielhaus de Zurich. Il signe par contre ses débuts à l’opéra, après une Fiancée vendue de Smetana à Zurich, avec cette Elektra, dernière nouvelle production de la saison de l’Opéra de Paris. Refusant tout élément décoratif, il situe l’action sur la scène même de l’opéra, un trou béant délimité par un cordon de sécurité représentant le tombeau d’Agamemnon, nous rendant ainsi contemporains du crime, partie prenante, impression renforcée par les costumes actuels. La vengeance d’Elektra est donc aussi un peu la notre, et c’est sans doute ce qui a amené une partie du public à huer le metteur en scène car ayant peu goûté de se voir renvoyer à un sentiment aussi répandu mais jamais avoué... Pourtant, à la fin, Hartmann nous montre un Orest reculant devant l’ignominie de son geste (tuer sa mère !), Klytemnestre se jetant en fait sur son poignard, démontrant ainsi que le cycle crime-vengeance doit s’arrêter un jour ! Poussons même un peu plus loin l’analyse en remarquant que la cinquième servante, celle qui défend et admire Elektra, est habillée d’un tchador, que le trou béant pourrait être «Ground Zero», message : le 11 septembre ne doit pas se transformer en une vengeance contre le monde musulman. Clin d’œil anti-Bush, subtil et simpliste à la fois. Quoi qu’il en soit, l’impact de cette mise en scène est évident, voici une lecture renouvelée, forte, qui projette la vengeance d’Elektra dans notre temps. Une réussite.


Le rôle d’Elektra est l’un des plus écrasants du répertoire et peu de chanteuses sont capables de l’assumer, mais une fois cette montagne gravie c’est l’immortalité assurée dans le cœur des mélomanes ! Après Inge Borkh, Astrid Varnay, Birgit Nilson et quelques autres, l’américaine Deborah Polaski peut faire son entrée dans ce panthéon étroit mais très haut perché. Puissance et subtilité, aisance sur tout le registre, vérité dramatique, elle impressionne et recueille une ovation méritée. Moins connue, sa brillante performance n’en fut que plus applaudie, Eva Maria Westbroek incarne une superbe Chrysothémis, à l’aigu de cristal. Felicity Palmer campe une Clytemnestre d’une stupéfiante vérité dramatique, seul l’Orest de Markus Brück manque d’un peu de poids. Défendant une optique analytique mettant en valeur toute la richesse de l’orchestration, mais gommant quelque peu l’impact purement sonore, physique de la partition (amateurs de Mitropoulos passez votre chemin), Christoph von Dohnányi signe une lecture passionnante de l’œuvre de Richard Strauss. Assurément, une production à ne pas manquer !



Philippe Herlin

 

 

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