About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Le triomphe de Sextus!

Paris
Palais Garnier
05/19/2005 -  et 22, 26, 29 mai, 1er, 4, 6, 9, 12 juin 2005
Wolfgang Amadeus Mozart : La clemenza di Tito, K. 621
Susan Graham (Sesto), Hannah Ester Minutillo (Annio), Catherine Naglestad (Vitellia), Ekaterina Siurina (Servilia), Roland Bracht (Publio), Christoph Prégardien (Tito)
Ursel et Karl-Ernst Herrmann (mise en scène), Karl-Ernst Herrmann (décors et costumes), Karl-Ernst Herrmann et Heinz Ilsanker (lumières), Joel Lauwers (collaboration à la mise en scène)
Orchestre et Chœurs de l’Opéra National de Paris, Sylvain Cambreling (direction musicale)


De ses cartons de la Monnaie de Bruxelles et du festival de Salzbourg, Gérard Mortier a sorti cette production admirable de La Clémence de Titus. Les époux Herrmann ont fait un travail remarquable et rendent justice à l’œuvre de Mozart tandis que les chanteurs, aidés par le brillant chef Sylvain Cambreling, tentent de dompter une partition difficile.


La mise en scène est sobre, simple et surtout efficace. La scène est entourée par de grands murs blancs d’où se détachent les portes, les fenêtres. Une ouverture sur le fond de la scène se fait à l’aide de plusieurs portes qui s’ouvrent pour laisser voir, par exemple, une statue enflammée au moment de l’incendie du palais. Les accessoires sont très réduits: une chaise est posée dans le coin droit et les personnages l’utilisent de temps en temps, Servilia arrive dans une barque noire… En revanche le trône de Titus est particulièrement travaillé: il est également blanc et ressemble à une place funéraire romaine. Serait-ce pour suggérer que le pouvoir - et ce qu’il implique - ne peut conduire qu’à la mort ou du moins à la souffrance? Lorsque Titus est sur le point de découvrir la trahison de son ami Sextus, le trône est recouvert d’un voile noire qui peu à peu révèle l’objet: l’effet est absolument saisissant et lourd de sens. Les costumes jouent sur le blanc et le noir à commencer par le manteau de Titus qui est réversible comme les deux faces de son caractère. Sextus porte également un costume blanc, style 19ème ou bien intemporel, qu’il recouvre d’un grand manteau noir. Le seul personnage à bénéficier de costumes recherchés est bien sûr Vitellia qui possède une collection de robes plus somptueuses les unes que les autres: robe saumon au début de l’opéra, robe fuschia au décolleté original pour séduire Sextus, robe blanche à la fin. Mais s’il ne fallait retenir qu’une seule idée de cette mise en scène, ce serait la lumière: la lumière des décors blancs et la lumière dirigée sur les personnages. Ces dernières années ont habitué les spectateurs à des esthétiques sombres qui empêchent presque de discerner les visages, et donc les expressions, des chanteurs.


Susan Graham est absolument extraordinaire: elle ne joue pas Sesto, elle est Sesto! Dès son entrée en scène, on sait que l’on va assister à une leçon de chant et de théâtre tant les récitatifs sont déjà inspirés, joués et surtout vécus. Elle brosse le portrait d’un jeune homme tourmenté entre son amour pour Vitellia et sa loyauté envers Titus: elle approche la folie notamment dans le fameux air “Parto” qui est le moment le plus poignant de la représentation. Cet air, redoutable par son écriture musicale et littéraire, ne pose apparemment aucun problème à la chanteuse qui le donne en pleine voix et avec un engagement remarquable. Son excellente diction lui permet d’apporter des nuances au texte, des subtilités.


Christoph Prégardien campe un superbe Titus et il est facile de “croire” à son désespoir de voir l’humanité si faible et si infidèle tant son interprétation est inspirée et juste. La voix est splendide et son allure souveraine est renforcée par la noblesse vocale et par des aigus triomphants. Il apporte des nuances touchantes à l’air du premier acte “Ah se fosse intorno al trono”, petit bijou mozartien. De bien beaux débuts à l’Opéra de Paris!


Hannah Esther Minutillo possède une voix fruitée, habile et musicale. Elle donne une véritable consistance au personnage d’Annio notamment dans l’air “Torna di Tito al lato” en accentuant à des fins dramatiques les différents “torna”. Avec Servilia, elle forme un couple frais et assez loin des soucis de la politique, ce qui contraste de manière intéressante avec les autres protagonistes.


Ekaterina Siurina a une jolie voix, fine, bien menée mais pas toujours puissante et qui est assez souvent couverte par l’orchestre. Habillée d’une robe à fleurs puis d’une robe noire, elle se transforme très facilement en une charmante petite fille modèle.


Le rôle de Vitellia compte parmi les plus difficiles écrits par Mozart. Catherine Naglestad met sa voix puissante - un peu trop… - corsée au service de la partition, parfois au détriment de la nuance. Mais il faut reconnaître que la chanteuse ne ménage pas ses efforts pour peindre une Vitellia arrogante dans “Deh se piacer mi vuoi”, charmeuse et séductrice à la fin du premier acte. Mais c’est dans sa dernière scène que la chanteuse devient également actrice et qu’elle montre l’étendue de son talent d’interprète: ce dernier air est bouleversant.


Roland Bracht se montre un Publius très convaincant et il mène avec justesse son air avec des graves fournis.


La direction de Sylvain Cambreling est magnifique et dès les premiers accents de l’orchestre, le drame se met en place: dans l’Ouverture, il casse volontairement les différents thèmes pour souligner davantage tous les sentiments opposés, contraires, qui vont s’affronter dans l’œuvre. Il diffuse une tension tout au long de la représentation et il faut dire que l’Orchestre de l’Opéra se montre particulièrement brillant. A souligner les superbes solos de clarinette!


Le public du palais Garnier assiste à un magnifique spectacle, dans le sens le plus large du terme. Pour une fois - et cela devient assez rare ces derniers temps - il a l’impression de vivre l’histoire avec les personnages, de partager leurs tourments, leurs bonheurs, leurs peines, leurs doutes tant la mise en scène épurée est puissante. La force de cette production repose également sur une distribution pas toujours homogène, mais qui a le mérite de s’investir sans compter.



A noter:
- Susan Graham vient de sortir un nouveau disque consacré aux poèmes de l’amour: Ravel (Shéhérazade), Chausson, Debussy, en compagnie de Yan Pascal Tortelier et du BBC Symphony Orchestra (Warner Classics).
- Le programme édité par l’Opéra de Paris est très beau et surtout comporte des innovations passionnantes: photos des répétitions, maquettes des costumes...


Manon Ardouin

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com