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Le neveu de Claudio

Paris
Maison de Radio France
12/22/2004 -  
Fabio Vacchi : Dai calanchi di Sabbiuno
Ludwig van Beethoven : Concerto pour piano et orchestre n° 3, opus 37
Modeste Moussorgski : Tableaux d’une exposition (orchestration Maurice Ravel)

Pierre-Laurent Aimard (piano)
Orchestre philharmonique de Radio France, Roberto Abbado (direction)


Après la double défection de Krivine et Andsnes à l’Orchestre national la semaine passée (voir ici), c’est décidément la saison des remplacements: le jeune chef finlandais Mikko Franck, qui s’était déjà illustré avec l’Orchestre philharmonique de Radio France (voir ici), a ainsi laissé la place à Roberto Abbado, le neveu de Claudio.


Celui-ci, s’il a maintenu le reste du programme, a toutefois substitué à l’Adagio céleste de Rautavaara une partition de Fabio Vacchi (né en 1949): Dai calanchi di Sabbiuno (1995), s’inscrit dans un ensemble d’œuvres marquant le cinquantième anniversaire de la résistance italienne durant la Seconde Guerre mondiale. A l’image de Martinu dans son Mémorial à Lidice, le compositeur italien évoque le sort de quarante partisans du village de Sabbiuno, assassinés par les troupes allemandes, dont les corps furent ensuite jetés dans des calanche (fossés ou tranchées). Originellement destinée à cinq instruments (flûte, clarinette basse, violon, violoncelle et cloche), cette brève élégie (sept minutes) a connu une version pour grand orchestre (1997), réalisée à la demande de Claudio Abbado, puis une version pour orchestre de chambre (1998). C’est cette dernière qui était donnée ici: dans une atmosphère sombre sans être pesante, discrètement rythmée par la cloche et la grosse caisse, elle traduit sobrement le contexte historique par un lyrisme diffus résultant d’une écriture à base de petites touches, qui procède par tuilages successifs.


Sur le papier, le Troisième concerto pour piano (1802) était en de bonnes mains: non seulement l’orchestre l’a interprété tout récemment, à l’occasion de la finale du Concours Long-Thibaud (voir ici), mais surtout, le soliste en était Pierre-Laurent Aimard, qui a gravé sous la direction de Harnoncourt une intégrale des cinq concertos auréolée d’une flatteuse réputation et qui vient en outre de donner le Deuxième concerto à Baden-Baden (voir ici). Mêlant objectivité et fantaisie, sa lecture de l’Allegro con brio, assez retenu (dix-huit minutes), déroute quelque peu, soigneusement articulée tout en ménageant l’expression, le rubato mais aussi d’imprévisibles coups de boutoir. Plus libre et rhapsodique dans l’Adagio, le pianiste français rend justice à la concentration du discours, tandis qu’il restitue parfaitement l’élan rythmique et les rebonds du Rondo final. Optant pour un accompagnement plus univoque mais efficace, Roberto Abbado propose un accompagnement tout sauf effacé, servi par une belle cohésion d’ensemble, dans un esprit dramatique et contrasté, aux accents fortement marqués.


Déjà au menu de l’Orchestre de Paris au début du mois sous la baguette de Gergiev (voir ici), les Tableaux d’une exposition (1874) de Moussorgski démontraient, s’il en était besoin, la diversité des approches auxquelles peut donner lieu la somptueuse orchestration de Ravel. Au fil des différents tableaux, Roberto Abbado souligne la violence (Gnomus), l’âpreté (Samuel Goldenberg et Schmuyle) ou l’inquiétude (La Cabane sur des pattes de poule), le caractère mordant (Tuileries), incisif (Ballet des poussins dans leurs coques) ou acéré (Limoges. Le Marché), mais aussi les nuances dynamiques (Il Vecchio castello) ou l’épaisseur de la pâte orchestrale (Bydlo, Catacombes). Malgré un démarrage d’emblée très puissant, La Grande porte de Kiev dissimule encore des réserves de puissance, avec un carillon bien dans la manière de Boris Godounov. Particulièrement travaillées, les Promenades remplissent parfaitement leur fonction de transition d’un morceau à l’autre. Moins extrême que Gergiev, le chef italien se montre sans doute ainsi paradoxalement plus fidèle au tempérament de Moussorgski qu’aux teintes françaises de l’instrumentation: du coup, comme aux meilleurs jours de Janowski, le Philhar’ cultive des couleurs sombres, épaisses, en harmonie avec la vision souvent très noire du chef, qui, manifestement apprécié de l’orchestre, communique ses intentions par une battue à la fois claire et énergique.


Si ce dernier concert de l’année, avec un tel feu d’artifice conclusif, a mis en valeur tous les pupitres, sa conclusion a néanmoins placé sous les feux de la rampe deux musiciens qui restent d’ordinaire davantage dans l’ombre: l’excellent Victor Letter, malheureux durant son solo de tuba dans Bydlo (où il a d’ailleurs recouru à un instrument substantiellement plus grand que ceux généralement en usage dans cette pièce), a le panache de refuser de saluer; quant à Lucienne Lovano, alto troisième solo, elle est longuement saluée après que le chef lui a porté un bouquet de fleurs à l’occasion de son départ en retraite.


Roberto Abbado reviendra dès les 8 et 9 mars prochain dans la capitale, cette fois-ci à la tête de l’Orchestre de Paris, dans un programme Beethoven (Concerto pour violon) et Schumann (Quatrième symphonie).




Simon Corley

 

 

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