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La transcendance des Emerson

Paris
Auditorium du Louvre
11/10/2004 -  
Dimitri Chostakovitch : Quatuors n°s 2, opus 68, et 3, opus 73
Felix Mendelssohn : Quatuor n° 6, opus 80

Quatuor Emerson: Eugene Drucker, Philip Setzer (violon), Lawrence Dutton (alto), David Finckel (violoncelle)


Après les Ysaÿe (voir ici), dans ce qui restera peut-être comme leur dernier concert parisien avec François Salque (1), l’Auditorium du Louvre poursuivait sa série consacrée aux quatuors à cordes. C’est une salle comble qui accueillait ainsi les Emerson: constituée en 1976, la formation, dont la composition est demeurée inchangée depuis 1979, appartient donc à la «génération» des Berg, des Arditti ou des Prazak. Elle présente une double particularité: d’une part, ses membres jouent debout, à l’exception, bien évidemment, du violoncelle, dont la chaise est installée sur une petite estrade; d’autre part, les deux violonistes changent de pupitre d’une œuvre à l’autre, chacun étant donc alternativement amené à occuper la position de premier violon ou de second violon.


Si c’est bien entendu dans un tout autre sens qu’il faut entendre le transcendantalisme auquel renvoie le nom de Ralph Waldo Emerson (1803-1882) qu’ils ont choisi, on voit difficilement comment qualifier autrement que de transcendante la prestation des musiciens américains, dans un programme difficile proposant un rapprochement inédit et audacieux entre deux univers apparemment très éloignés, ceux de Mendelssohn et de Chostakovitch.


Avec Chostakovitch, dont il a donné, voici quatre ans, l’intégrale en concert (voir ici), avant de la graver pour Deutsche Grammophon, le Quatuor Emerson se trouve assurément en terrain connu. Dès le Deuxième quatuor (1944), ce sont la cohésion et la solidité de la mise en place qui frappent, et ce malgré une prise de risque importante. Si le premier violon (Eugene Drucker), véhément et lyrique, est particulièrement mis en avant dans cette partition quasi concertante, l’alto surhumain de Lawrence Dutton n’en attire pas moins l’attention. Mais la mariée n’est pas trop belle, car la performance instrumentale n’élude en rien l’intensité et la verdeur du propos, qui mettent en valeur une étape relativement délaissée du corpus du compositeur russe, bien que succédant immédiatement au fameux Second trio avec piano.


Avec le Sixième quatuor (1847) de Mendelssohn – dont on se réjouit déjà de pouvoir entendre, au premier trimestre de 2005, une bonne partie de la musique de chambre à l’Orchestre de Paris – la noirceur semble tout aussi dépourvue de la moindre lueur d’espoir. Toujours aussi implacables, le Quatuor Emerson, désormais conduit par Philip Setzer au premier violon, met sa précision au service de la finesse d’écriture de Mendelssohn, avec des attaques tranchantes comme des lames de rasoir et, dans l’Adagio, une expression très maîtrisée, qui ne laisse place à aucun débordement.


En seconde partie, le Troisième quatuor (1946) de Chostakovitch apporte à peine plus de lumière. Féroce et symphonique – mais, après tout, la partition a fait l’objet de divers arrangements pour orchestre de chambre, que ce soit par R. Barshai, D. Sitkovetski, M. Turich ou V. Milman – l’approche des Emerson se révèle plus cinglante que grinçante: si leur technique conserve la solidité de l’acier trempé, ils n’en dissimulent pas pour autant les failles et les angoisses qui traversent les cinq mouvements.


En bis, ils maintiennent une atmosphère recueillie, avec le prélude de choral Vor Deinen Thron tret’ ich hiermit, probe mais pas figé: ces dernières notes écrites par Bach font souvent figure d’appendice de l’Art de la fugue, ainsi que les Emerson l’ont d’ailleurs fait dans leur récent enregistrement (voir ici).


Le site du Quatuor Emerson


(1) Le Quatuor Ysaÿe a annoncé le 5 novembre dernier la décision du violoncelliste de quitter la formation. F. Salque continuera néanmoins à se produire avec le Quatuor Ysaÿe comme prévu, jusqu’à l’intégration d’un nouveau violoncelliste, dont le nom sera prochainement connu.



Simon Corley

 

 

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