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Une messe américaine

Paris
Cité de la musique
06/19/2004 -  
Leonard Bernstein : Mass

Nigel Smith (Le célébrant), Patricia Petibon, Karen Wierzba (sopranos), Louise Callinan (mezzo), Marc Molomot (ténor), Vitali Rozynko (barytons), Jean-Loup Pagésy (basse)
Isa Lagarde,Gersende Florens, Sylvia Vadimova, Ariane Prüssner, Juan Carlos, Thierry Cantero, Jean-Michel Sereni,Gilles Bugeaud (Street chorus), Le Jeune Choeur de Paris, Laurence Equilbey et Geoffroy Jourdain (direction), Maîtrise des Hauts-de-Seine, Gaël Darchen (direction)
Orchestre national d’Ile-de-France, Philippe Bodin (chef assistant), David Levi (direction)


Dans le cadre du cycle «New York, New York» organisé à la Cité de la musique jusqu’au 1er juillet, comprenant six programmes différents (neuf concerts) et un hommage à Stephen Sondheim, il ne fallait pas rater la présentation, en version de concert, de Mass (1971) de Leonard Bernstein, car après une création contestée, elle s’est faite trop rare, sans doute notamment en raison des effectifs qu’elle convoque.


Le concept de «messe en version de concert», apparemment incongru, se justifie ici, car Mass consiste en principe en un spectacle complet d’une durée d’une heure trois quarts, avec orchestre de cordes et percussions dans la fosse, chanteurs, choristes, danseurs, bois, cuivres et autres instruments sur scène, sans compter une bande magnétique en quadriphonie. Compte tenu des contraintes inhérentes à une salle de concert, l’orchestre symphonique et l’orchestre de scène sont ici installés de façon traditionnelle: les cordes, l’orgue et la percussion encadrent ainsi les bois (enrichis de trois saxophones), les cuivres (notamment cinq trompettes) et divers participants inhabituels (guitares, batterie, claviers). Les solistes, le «street chorus» en grande tenue d’époque (avec kazous obligés) et le choeur d’enfants sont placés au centre des musiciens, tandis que le grand choeur est placé au premier balcon, hommes à droite et femmes à gauche.


L’énoncé des forces en présence laisse présager une célébration d’un genre particulier. De fait, le compositeur, autour des cinq parties usuelles de l’ordinaire de la messe catholique, enrichi d’autres prières (De profundis, Notre père), entend, dans une période troublée par la guerre du Vietnam, délivrer un message spirituel et politique qui ne peut aujourd’hui que rencontrer un écho renouvelé: imprécations quasi sacrilèges adressées à un Dieu qui semble passif devant toutes les violences, mais aussi message de paix et d’espoir.


Bernstein n’est certes pas le premier à afficher quelque distance avec l’Eglise catholique tout en s’attachant à écrire une messe: il suffit en effet de penser à la Messe en si mineur de Bach, à la Missa solemnis de Beethoven ou à la Messe glagolitique de Janacek. Mais il livre ici une partition particulièrement personnelle, dont l’ambition – comme chez Mahler, auquel il s’identifiait volontiers – serait de rendre compte de la diversité du monde ou de former un monde en elle-même. On y trouve donc d’abord tout Bernstein, aussi bien celui de West side story que de la Troisième symphonie (Kaddish) ou des Chichester psalms. En outre, probablement plus encore qu’ailleurs dans son oeuvre, toute l’histoire de la musique est ici convoquée, qu’il s’agisse des compositeurs (de Bach à Penderecki en passant par Beethoven, Sousa, Stravinski, Orff, Weill ou Copland) ou des formes (canon, fugue, marche, comédie musicale, rock, …). Si Brahms et Weill ont respectivement qualifié leur requiem d’allemand et de berlinois, ce melting pot s’apparente, au fond, à une «messe américaine». Parfaitement revendiquée, même si elle a été amplement critiquée, l’hybridation des styles traduit pourtant on ne peut mieux les contradictions et les aspirations d’une époque, mélange coloré bien dans la manière planante du tournant des années 1970, ses tons orange, ses chemises à fleurs, ses pattes d’eph’ et ses slogans «Peace and love».


Le succès – la grande salle de la Cité de la musique entièrement remplie et un public enthousiaste – doit beaucoup à la direction pêchue de David Levi, ancien chef des choeurs de l’Opéra national de Paris (1997-2002), qui dynamise l’Orchestre national d’Ile-de-France. Au milieu du dispositif scénique, le baryton canadien Nigel Smith incarne un célébrant au lyrisme subtil, même si ses aigus, très sollicités dans son air I go on et dans sa longue scène Things get broken, paraissent parfois voilés. Face à un beau plateau de solistes très engagés, notamment les exubérants Patricia Petibon et Marc Molomot (en chanteur de rock déjanté), le Jeune choeur de Paris et la Maîtrise des Hauts-de-Seine (avec une formidable soliste) tirent remarquablement leur épingle du jeu, mais il est dommage que l’orchestre ait trop souvent eu tendance à couvrir les huit voix du «street chorus».



Simon Corley

 

 

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