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Autour de la Baltique

Paris
Maison de Radio France
06/04/2004 -  
Arvo Pärt : Fratres
Erkki-Sven Tüür : Concerto pour violon (création française)
Alexandre Scriabine : Symphonie n° 2, opus 29

Isabelle van Keulen (violon)
Orchestre philharmonique de Radio France, Paavo Järvi (direction)


S’il a fait il y a trois mois ses débuts avec l’Orchestre de Paris, Paavo Järvi, bon an mal an, depuis 2000, rend visite une fois par saison à chacun des deux orchestres de Radio France, ce dont les Parisiens ont tout lieu de se féliciter (voir par exemple ici et ici). C’était ici le tour de l’Orchestre philharmonique, dans un programme que le chef de l’Orchestre symphonique de Cincinnati consacrait pour moitié à la musique estonienne.


Fratres (1977) est sans doute l’œuvre la plus célèbre d’Arvo Pärt, d’autant que celui-ci en a successivement donné une bonne dizaine de versions (pour violon et piano, pour douze violoncelles, etc.). Typique de la dimension répétitive de la musique balte, moins connue mais en rien imitée ou même simplement analogue au courant «minimaliste» américain, cette partition d’une dizaine de minutes fait ici appel à un orchestre à cordes dont la progression imperturbable est régulièrement ponctué par de calmes interventions de la grosse caisse et des claves.


Après l’avoir créé (puis enregistré, précisément sous la direction de Järvi), c’est Isabelle van Keulen qui donnait la création française du Concerto pour violon (1998) d’Erkki-Sven Tüür. Autre caractéristique de l’approche des questions esthétiques dans les Etats baltes – qui, par la vitalité de leur tradition, ont largement échappé aux querelles ayant marqué la création contemporaine depuis 1945 – une volonté de syncrétisme, résolument affichée par le compositeur estonien. En fait de synthèse, c’est plutôt le bric-à-brac qui règne dans ce concerto, qui requiert une formation de type postromantique (bois par deux plus clarinette basse, quatre cors, deux trompettes, trois trombones, tuba, timbales, trois percussionnistes et cordes), mais dont l’orchestration trop souvent confuse, touffue, bruyante et clinquante, semble revenir à certains poncifs des années 1970 (glissandi de l’ensemble des pupitres de cordes, par exemple). D’une durée de trente minutes, le concerto obéit à un plan qui respecte l’alternance traditionnelle vif/lent/vif, ces trois mouvements, enchaînés, étant de plus en plus courts (de quinze minutes pour le premier, y compris une cadence, à quatre minutes pour le dernier). Décousu, bavard et volontiers paroxystique, le propos évolue entre néoclassicisme et minimalisme avec une toccata finale qui rappelle les concertos de Stravinski, d’Adams ou de Glass, tandis que le mouvement central n’hésite pas à recourir à un lyrisme assez extérieur. Cela étant, l’autorité et la puissance de la violoniste néerlandaise n’en sont pas moins incontestables.


Il est dommage que le public ait été privé des deux symphonies de Honegger initialement prévues (les Deuxième et Troisième, devenues trop rares en concert) et, quitte à renoncer à Honegger, que la veine nationale n’aie pas été cultivée, avec par exemple une symphonie d’Eduard Tubin, l’un des plus grands symphonistes du siècle passé. Décidément, son heure n’est pas près de venir à Paris, car l’on se souvient que Neeme Järvi, le père de Paavo, lorsqu’il avait choisi de présenter enfin une symphonie estonienne, avait retenu la sympathique mais anecdotique Seconde de Villem Kapp (voir ici), alors que Neeme est étroitement associé à la personnalité de Tubin et que Paavo dirige régulièrement ses symphonies. La France n’est-elle pas jugée digne de cette musique ou bien craint-on que notre pays ne la juge pas digne de ses spectateurs?


Autre regret: au vu des précédentes prestations de Paavo Järvi à Paris, il serait nettement plus intéressant de l’entendre dans des pièces plus significatives que cette Deuxième symphonie (1901) de Scriabine – certes fort estimable, mais déjà interprétée par le même orchestre à Pleyel il y a deux ans et demi (voir ici) – qui constituait finalement la seconde partie de cette soirée et qui, créée à Saint-Pétersbourg, se rattachait, il est vrai, sans peine à l’univers de la Baltique. Cela étant, Järvi, très chaleureusement salué, au moment des rappels, par les musiciens (avec lesquels il vient de publier deux disques, l’un chez EMI, l’autre chez Virgin), n’aura pas déçu, tant s’en faut, dans cette imposante symphonie, qui marque une sorte de fusion entre Tchaïkovski et Wagner. C’est dire que les risques d’excès vulgaires ou tapageurs étaient élevés, mais le chef, comme à son habitude, a tenu l’ensemble d’une main de fer, tant du point de vue de la mise en place – précise, d’une clarté exemplaire sans pour autant renoncer à la puissance sonore – que de la conduite du discours ou de l’expression, toujours pleine de vie et de tension.



Simon Corley

 

 

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