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L’espace de l’image

Paris
Opéra Bastille
05/24/2004 -  et 27, 30 mai, 2, 4, 7 10 juin 2004
Hector Berlioz : La Damnation de Faust
Paul Groves (Faust), Samuel Ramey (Méphistophélès), Jennifer Larmore (Marguerite), Christophe Fel (Brander), Marie-Cécile Chevassus (La Voix céleste)
Orchestre et Chœurs de l’Opéra National de Paris, Mark Elder (direction)
Robert Lepage (mise en scène)



La conjonction de cette reprise de La Damnation de Faust avec Les Paladins donnés en ce moment au Théâtre du Châtelet (lire ici) nous signale - et ceci est loin d’être circonstanciel - que la vidéo semble prendre une importance croissante dans la mise en scène à l’opéra. Puisons dans notre mémoire et ajoutons à ces deux productions celle de La Flûte enchantée de Stéphane Braunschweig créée à Aix en 1999 et nous obtiendrons trois niveaux, trois modes d’intervention de la vidéo dans une mise en scène : simple élément du décor dans La Flûte (quatre barres de téléviseurs se déplaçant sur le sol), décor lui-même dans Les Paladins de José Montalvo (sur deux niveaux en fond de scène), la vidéo devient, en quelque sorte, la scène elle-même dans La Damnation du canadien Robert Lepage qui construit un dispositif frontal découpé en cases dans lesquelles évoluent les personnages (et des acrobates !) sur fond de projections, des cases qui par moment se referment pour devenir un unique et gigantesque écran. Ce parti pris radical, qui supprime la profondeur de la scène, s’avère parfaitement assumé par Lepage qui offre ainsi une vraie novation dans l’art de la mise en scène. Mais il n’y a pas, c’est le moins que l’on puisse dire, d’engouement, d’effet de mode pour la vidéo (cela va peut être venir !), son développement reste timide, car un danger guette : le kitsch. La représentation réelle, photographique de la réalité verse rapidement dans la banalité ou l’anecdotique. Braunschweig, Montalvo et Lepage évitent cet écueil par un travail de qualité et d’imagination, mais le risque est presque consubstantiel au procédé ; la vidéo n’est-elle pas finalement que la réactualisation de l’antique toile peinte ? Pas uniquement cependant, l’image animée, l’écran sont aussi une façon de se réapproprier un espace scénique capté de façon quasi exclusive par les hommes de théâtre depuis les années 70, et qui ont eu tendance à dépouiller la scène, à l’appauvrir (quelle que soit la qualité de leur travail, ce n’est pas un jugement de valeur, rien qu’une constatation objective). La topologie de la scène est peut être en train de se modifier au profit d’une «image» omniprésente dans nos vies, qui passent de plus en plus par la médiation de l’écran, mais encore relativement rare à l’opéra. Dans ce cadre, on suivra avec intérêt le travail du vidéaste le plus doué de sa génération, Bill Viola, dans le Tristan et Isolde que montera l’Opéra de Paris en 2005...


L’image porte au rêve, c’était le cas plusieurs fois ce soir (superbe plan de forêt pendant le «Nature immense» de Faust...), les voix aussi lorsqu’elles sont belles, comme c’est la plupart du temps le cas à l’Opéra de Paris : Paul Groves d’abord, impeccable Faust, doté d’un beau timbre, d’un souffle vaillant et d’une prononciation remarquable ; Samuel Ramey ensuite, bien sûr, d’une irrésistible présence scénique et vocale, et Jennifer Larmore, évidemment, lumineuse et touchante. Et n’oublions le bon Brander de Christophe Fel. On oubliera par contre la piètre prestation de Mark Elder, à la direction terne, éteinte. Au final, on l’aura compris, une reprise qui, assurément, vaut le déplacement !





Philippe Herlin

 

 

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