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Un «opéra européen»

Paris
Auditorium Saint-Germain
05/22/2004 -  
Charles Camilleri : La Croix de Malte

Claire Debono (Unzelman), Rosabelle Bianchi (Fantôme-fou), Claire Massa (Acteur-fou), Juan Gambina (Schiller), Noel Galea (La Valette)
Ensemble instrumental et chœur Oden, direction: Christophe Vella


Avec une version instrumentale de l’hymne maltais en guise d’introduction, c’est non sans une certaine solennité que La Croix de Malte (1995) de Charles Camilleri était présentée en version de concert et en présence du compositeur. Donnée au profit des Œuvres hospitalières de l’Ordre de Malte, cette soirée n’aurait pu avoir lieu sans l’action de l’Institut pour la culture maltaise, dont la présidente, Marie-Amélie Gleizes-Dewavrin, se vit remettre à cette occasion des mains de l’ambassadeur maltais une décoration on ne peut plus de circonstance, la croix de Malte.


Opéra en trois actes, La Croix de Malte est fondée sur un livret (en anglais) de Peter Serracino Inglott, prêtre ordonné par le futur Paul VI, recteur de l’Université de Malte mais aussi représentant du gouvernement maltais à la Convention qui fut récemment chargée de rédiger un projet de Constitution européenne. Le sous-titre «Un opéra européen» possède donc une signification politique précise, tant le débat sur l’adhésion à l’Union européenne a marqué l’archipel maltais depuis une bonne dizaine d’années.


Il s’agit ici de «théâtre dans le théâtre», puisque l’action, située en 1798, met en scène Schiller – ce fameux pourvoyeur de livrets (Les Brigands, Luisa Miller, Don Carlos, La Pucelle d’Orléans, Guillaume Tell) devient ainsi lui-même sujet d’un opéra – se débattant avec Les Maltais, une pièce qu’il ne parviendra finalement pas à achever. Dans les deux premiers actes, le dramaturge allemand, captivé par le personnage de Jean de la Valette (héros du Grand siège de 1565), sans doute assimilé à la figure du père, hésite entre deux orientations différentes, selon la signification à donner au siège: allégorie d’une lutte contre la menace extérieure mais également contre la corruption intérieure, symbolisée par l’enlèvement d’une princesse grecque (premier acte), illustration des dissensions entre nations européennes, en écho à l’histoire de cette fin de XVIIIe siècle (deuxième acte). Au troisième acte, dans un geste pirandellien, les acteurs proposent eux-mêmes leur version de la pièce, qui se conclut par le rêve d’une nouvelle Cité inspirée par un oecuménisme paneuropéen. L’intrigue est présentée et commentée, parfois longuement, par un narrateur – en l’espèce, le premier ténor du chœur, faisant office de récitant – dans une traduction française malheureusement entachée de quelques faux amis («complete» rendu par «compléter» au lieu de «achever»).


Actif dans de nombreux pays, curieux de toutes les musiques, à la tête d’un catalogue impressionnant, Charles Camilleri (né en 1931) est indéniablement le compositeur maltais qui a acquis la plus grande renommée internationale. Au fil des années, sa manière a évolué du nationalisme à la modernité occidentale, en passant par la remise au goût du jour du baroque maltais ou la découverte des traditions méditerranéennes, africaines et asiatiques. Il semblait donc tout destiné à s’adapter, tel un caméléon, aux différents styles qu’appelle le livret: pastiches XVIe et XVIIIe, caractérisation des différentes nations en présence, tels une mélopée turque, une espagnolade ou un délicieux ländler bavarois. Le tout, version de concert et langue anglaise aidant, n’est pas sans évoquer ces grands oratorios britanniques, de Haendel à Tippett, notamment les airs, qui constituent autant de pauses lyriques, au langage volontairement dépouillé, dans une partition par ailleurs souvent haute en couleurs, où l’on passe par exemple des sonorités glaciales de la mort du Fou au délire de la Fête des fous, sorte de festa maltaise détraquée.


L’opéra, découpé en vingt-cinq numéros d’une durée d’une heure et demie, était ici réduit à une formation de chambre aux textures subtiles, dix musiciens et quinze choristes de l’Ensemble Oden (pour «Opéra de nos jours», ancien Ensemble Denosjours) dirigés par Christophe Vella, dont le nom ne peut dissimuler une (lointaine) ascendance maltaise. Les chanteurs, tous originaires de l’île, vont du bon pour les hommes – Juan Gambina, un Schiller expressif mais moins en voix que Noel Galea (La Valette) – à l’excellent pour les femmes, Rosabelle Bianchi, Claire Massa et surtout le colorature de Claire Debono, d’une pureté exceptionnelle.


L’hymne européen (L’Ode à la joie de Beethoven), sans paroles mais où plane encore l’ombre de Schiller, puis l’hymne maltais, repris cette fois-ci par les solistes et par les musiciens, concluent fort logiquement la soirée.



Simon Corley

 

 

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