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“J’ai deux amants…"

Paris
Opéra-comique
04/03/2004 -  
André Messager : L’Amour masqué

Laurence Janot (Elle), Bernard Alane (Lui), Michel Trempont (le Baron d’Agnot), Francis Dudziak (Le Maharadjah), Eric Laugerias (l’interprète), Patricia Samuel (1ère servante), Isabelle Fleur (2ème servante)
Ensemble Orchestral de Paris
Jérôme Pillement (direction)

Très rarement donné L’Amour masqué, opérette, ou plutôt comédie musicale comme le dénomme Messager lui-même, mérite à juste titre d’être (re)découvert surtout quand il est servi par une troupe de chanteurs-acteurs aussi enthousiastes et convaincants. André Messager avait composé cette petite oeuvre à la demande de Sacha Guitry, auteur du livret, pour mettre en valeur la voix d’Yvonne Printemps. L’intrigue joue sur les masques, bien évidemment, et les personnages changent d’identité soit pour se tromper soit pour s’étudier les uns les autres: une jeune femme, Elle, a a deux amants le Maharadjah et le Baron d’Agnot mais est tombée amoureuse d’un homme, Lui, - d’allure jeune - qu’elle a seulement vu en photographie. Au cours d’un bal masqué, elle fait passer ses deux servantes pour elle-même afin d’occuper ses deux amants et elle peut ainsi profiter de son troisième soupirant.



Il ne s’agit pas d’une véritable mise en scène proprement dite mais d’une petite mise en espace avec quelques objets-clés pour l’intrigue comme les roses (c’est grâce à une piqûre de rose qu’Elle comprend que c’est Lui qu’elle aime), les masques et surtout le téléphone, accessoire indispensable dans l’univers de sacha Guitry.
La distribution est de très haut vol et elle réunit à la fois la génération actuelle qui excelle dans ce répertoire, Francis Dudziak ou Isabelle Fleur, et des chanteurs plus anciens, comme Michel Trempont qui a su redonner ses lettres de noblesse notamment à Offenbach.
Le rôle féminin principal est confié à la soprano léger Laurence Janot que l’on entend bien trop peu en France et qui assume le personnage d’Elle avec beaucoup d’abattage scénique - peut-être même un peu trop - et une voix parfaite pour ce type de musique. Elle interprète une jeune femme intéressée mais aussi une amoureuse sensible comme en témoigne l’air dans lequel elle explique ce qu’elle ressent face à la photo, air qu’elle distille avec beaucoup d’émotion. La voix est claire, bien placée, harmonieuse et son timbre fruité lui permet de donner de belles couleurs à certains mots comme par exemple dans le célèbre air “j’ai deux amants” où ses vocalises descendantes sur le “o” de “nous sommes” sont particulièrement remarquables. Laurence Janot soutient la totalité de la partition grâce à un medium bien fourni mais parfois les graves sont un peu justes et on ne l’entend plus. Dommage seulement que sa prononciation soit si approximative et c’est bien dommage quand il s’agit d’un livret de Sacha Guitry dont le texte est toujours aussi riche!
Le comédien Bernard Alane, qui avait composé un si drôle et attachant Frosch dans la reprise de Die Fledermaus à la Bastille cet hiver, reprend le rôle tenu par Sacha Guitry et a la bonne idée de ne pas chercher à l’imiter si ce n’est peut-être dans la duo amoureux chanté-parlé entre Elle et Lui. Il campe un monsieur très digne et intelligent qui ne dévoile que peu à peu la vérité et il insiste sur l’erreur d’Elle avec une certaine distance par son jeu scénique et l’expression de sa voix parlée. Les quelques passages musicaux donnent à entendre une voix qui n’est bien sûr pas celle d’un chanteur lyrique mais Bernard Alane y met beaucoup de conviction et d’application et, à part quelques aigus un peu tirés, il déploie un timbre assez intéressant.
Michel Trempont a beaucoup oeuvré pour la redécouverte de cette musique et malgré une carrière déjà longue, il apporte beaucoup d’énergie à ce concert autant vocalement que scéniquement. Il dessine un baron drôle mais pas ridicule, sensible et sincèrement amoureux de la servante d’Elle. Sa voix est encore bien puissante et la précision de sa diction est une aide précieuse à son interprétation notamment dans l’air où il explique à Elle qu’il n’aime pas les bonnes…
Francis Dudziak est toujours aussi admirable et il dessine un Maharadjah tout en douceur et en sensibilité. Son texte est, évidemment, drôle et incompréhensible car il est censé parler en birman d’où l’importance et l’intérêt de l’interprète. Les aigus restent toujours un peu durs mais le medium est chaleureux, ensoleillé et le chant est conduit avec intelligence et netteté. Le chanteur se montre également très à l’aise dans les vocalises de la romance de séduction qu’il chante à Elle et il tient à l’envie la fin de ses notes.
Mais celui qui recueille tous les suffrages, c’est Eric Laugerias dans le rôle de l’interprète. Également comédien de formation, il est un chanteur tout à fait acceptable et il a une certaine puissante et une très bonne agilité dans la voix. Il fait montre de beaucoup d’humour comme l’exige son rôle puisqu’il traduit le soi-disant birman du Maharadjah: la scène dans laquelle il mime la romance de son maître est digne d’une anthologie. Mais il utilise aussi sa voix claire de ténor et ses aigus percutants pour servir le texte notamment dans la scène où il expose la recette d’un repas typique de Birmanie. Très à l’aise vocalement il rajoute des vocalises, simule des problèmes vocaux avec beaucoup de maîtrise et le résultat est très amusant.
Les deux servantes sont chantées par Isabelle Fleur qui n’apparaît que dans les ensembles et par Patricia Samuel qui commence timidement la représentation pour ensuite laisser exploser toutes ses qualités et l’étendue de son talent dramatique dans le duo d’adieu qu’elle chante, avec l’interprète, à sa maîtresse. La chanteuse déploie un timbre somptueux, velouté et ses aigus sont légers et brillants ce qui lui permet de conclure le duo sur un piano tenu vraiment magnifique.
Le choeur, composé de huit invités est excellent, surtout le pupitre des hommes. Ils adoptent un rythme vif et incisif qui convient parfaitement à cette oeuvre.

La direction de Jérôme Pillement est honnête mais il aurait peut-être dû mettre un peu plus d’énergie à l’ensemble et ce dès le début du concert: peu à peu la légèreté de la pièce s’installe mais tout cela commence bien sérieusement. L’Ensemble Orchestral de Paris, privé de son chef permanent initialement prévu pour ce concert, paraît en grande forme et il convient de souligner l’humour qui se dégage du pupitre des violons.



C’est avec un grand bonheur que l’on peut tenter d’approcher une pièce mise en musique des années 20. La collaboration entre Messager et Guitry ne s’est pas limitée à L’Amour masqué et vu le succès remporté ce soir, il serait peut-être temps de remettre à l’affiche ces oeuvres et pourquoi pas le fameux Mozart


Manon Ardouin

 

 

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