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Décapant

Paris
Théâtre du Châtelet
11/05/2003 -  et 6* novembre 2003
Ludwig van Beethoven : Coriolan, ouverture, opus 62 – Symphonie n° 7, opus 92
Leonard Bernstein : Sérénade d’après «Le Banquet» de Platon

Philippe Aïche (violon)
Orchestre de Paris, Yutaka Sado (direction)


Chef principal de l’Orchestre des Concerts Lamoureux, Yutaka Sado est également l’invité régulier des orchestres de Radio France (voir ici et ici) et de l’Orchestre de Paris (voir ici et ici). Nul ne saurait s’en plaindre, tant chacune de ses prestations sort de l’ordinaire, en renouvelant l’approche des œuvres programmées. Tel fut à nouveau le cas pour cette soirée emblématique du chef japonais: le décapage de deux piliers du répertoire et une incursion chez Bernstein, avec lequel il travailla à partir de 1987.


Créée par Isaac Stern, la Sérénade (1954), en cinq mouvements, associe au soliste un orchestre réduit aux cordes, une harpe et cinq percussionnistes. Si Nietzsche a notamment inspiré Mahler ou Strauss, peu de compositeurs auront tenté de «mettre en musique» Platon – on peut toutefois penser à Socrate de Satie ou à De Staat de Louis Andriessen. Et il n’est pas surprenant que Bernstein ait choisi, parmi les Dialogues du philosophe grec, celui qui est consacré à l’amour, Le Banquet. Comme souvent, la patte du compositeur américain est immédiatement reconnaissable: aptitude à fusionner des influences très variées à défaut d’être nécessairement contradictoires (Copland et Chostakovitch, Gershwin et Hindemith, Stravinski) et remarquable maîtrise technique (il suffit de voir comment il sait faire sonner un tel effectif instrumental). Après Roland Daugareil, mis en valeur dans Fratres de Pärt il y a six semaines (voir ici), c’est l’autre premier violon solo, Philippe Aïche, qui se voit ainsi confier, également avec succès, une importante partie soliste.


Ce concerto innommé était encadré par deux pièces de Beethoven. Dans l’ouverture Coriolan (1807), Sado cultive une vision intimidante, marmoréenne, mais non dépourvue d’énergie et de contrastes, austère et pédagogique à la fois, parfois à la limite du statisme en raison d’un tempo très retenu. Avec la Septième symphonie (1812), il livre, une fois de plus, un formidable travail d’orchestre et une interprétation hors normes, extrême, mais d’une cohérence de pensée assumée de la première à la dernière mesure. Sa conception, qui va droit à l’essentiel, au point d’omettre la plupart des reprises prescrites, est, ici aussi, fondée sur des tempi relativement lents: ainsi, l’introduction semble davantage molto que poco sostenuto, l’Allegretto est au mieux un Andante – mais qui le prend dans le «bon» tempo? – et l’Assai meno presto du troisième mouvement prend un tour grandiloquent.


Cette lenteur – conjuguée avec une volonté analytique conférant une rare lisibilité aux différentes voix, et ce, malgré une masse orchestrale imposante (soixante cordes) qui n’est jamais perçue comme telle – ne nuit nullement à la progression du discours, car Sado, en digne émule de Bernstein, associe à cette démarche très pensée une constante présence physique. Non point tant dans le fait qu’il a écarté l’estrade – ce qui lui permet de se mouvoir, sur le même plan que les cordes, dans un espace plus vaste et d’aller encourager au plus près les premiers pupitres de violons, d’altos et de violoncelles – mais surtout dans la marque imprimée à la musique, qui se révèle toujours puissante, voire violente (Allegro con brio final), roborative et euphorisante (Scherzo transparent et rebondissant). S’il laisse la place, dans le fameux Allegretto, à une poésie de l’exactitude et à une expression d’une altière simplicité, qui n’est pas sans renvoyer au caractère archaïque (harmonies) ou baroquisant (fugato) que présente parfois ce mouvement, il n’en revendique pas moins crânement les excès dans les mouvements vifs: soulignement des accents, ralenti démesuré à la fin du Trio, juste avant les deux retours du Scherzo, Final tempétueux.


Excès tout berlioziens, au fond (jamais le Final n’aura autant évoqué, avec ses coups de boutoir, la Marche au supplice de la Symphonie fantastique), un compositeur que Sado, bien avant le bicentenaire, a souvent défendu et qui, surtout, découvrit les symphonies de Beethoven grâce à la Société des Concerts du Conservatoire, c’est-à-dire l’ancêtre de l’Orchestre de Paris. De ce point de vue, les musiciens ont fait preuve d’une fidélité et d’un engagement irréprochables, même s’ils n’ont visiblement pas tous été convaincus par le chef. Cette Septième s’inscrit donc dignement dans un héritage prestigieux: point n’est d’ailleurs besoin de remonter à la fin des années 1820, car en matière de verdeur et de clarté, la Société des Concerts du Conservatoire, quelques années seulement avant sa transformation en Orchestre de Paris, avait déjà montré la voie, dans une intégrale Beethoven gravée sous la direction de Carl Schuricht.



Simon Corley

 

 

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