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Le concerto dans tous ses états

Paris
Théâtre Mogador
05/24/2003 -  

Igor Stravinski : Concerto en ré
Serge Prokofiev : Concerto pour piano n° 3, opus 26
Béla Bartok : Concerto pour orchestre, sz. 116


Michel Béroff (piano)
Orchestre national d’Ile-de-France, Klaus Weise (direction)

Trois variétés de concertos, bien différenciées quoique séparées tout au plus d’un quart de siècle, pour ce programme, une nouvelle fois intelligent et astucieux, de l’Orchestre national d’Ile-de-France.


Bien que le plus récent des trois, le Concerto en ré (1946) de Stravinski traduit en quelque sorte un retour aux sources baroques: orchestre réduit aux seules cordes, brève structure tripartite vif/lent/vif, pas de vedette unique opposée à un ensemble mais des premiers pupitres mis en valeur ici ou là au fil du discours. Malgré la distance typiquement néoclassique de cette partition, Klaus Weise en donne une lecture inhabituellement expressive, notamment dans un Arioso particulièrement alangui.


Le Troisième concerto pour piano de Prokofiev (1921) répond à la définition la plus courante du concerto, celle de la confrontation plus ou moins pacifique d’un soliste et d’un orchestre. Après une passionnante prestation de Nicholas Angelich il y a un peu plus de trois mois (voir ici), c’est au tour de Michel Béroff d’affronter cette œuvre redoutable, dont il est certes familier depuis une intégrale naguère enregistrée par EMI, alors que Kurt Masur tenait encore les rênes de l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig. Volontaire, carrée, nerveuse, sans fioritures, sa conception restitue fidèlement l’objectivité voire le constructivisme qui étaient ceux du compositeur russe jusqu’à la fin des années 1920. Puissant sans être uniment percussif, optant souvent pour des tempi assez vifs qui n’affectent toutefois en rien la qualité technique de sa prestation, il souligne les aspects fantasques de cette écriture foisonnante, sans céder le moins du monde à la tentation de la pure démonstration de virtuosité.


A quand une nouvelle intégrale des concertos de Prokofiev par Béroff et Masur, maintenant que ce dernier est le directeur musical de l’Orchestre national de France? En attendant que cette perspective se concrétise, le pianiste français concède deux bis presque contemporains de ce concerto, ramenant le calme et la concentration: La Fille aux cheveux de lin (1910) de Debussy puis, établissant une transition vers la seconde partie, la quatrième pièce de En plein air (1926) de Bartok, les hypnotisantes Musiques nocturnes.


Après Hindemith (1925) et Kodaly (1940), la même année (1943) que von Einem, et avant Lutoslawski (1954), Tippett (1963) ou Carter (1969), Bartok écrivit celui qui est resté, à ce jour, le plus célèbre «concerto pour orchestre». Dans cet apparent oxymoron, il faut sans doute entendre une mise en valeur particulièrement poussée des différents pupitres, plus qu’un retour – comme chez Stravinski – à une forme ancienne. En ce sens, mainte symphonie (ou pièce symphonique) pourrait d’ailleurs mériter ce titre de «concerto pour orchestre». Celui de Bartok souffre de la réputation de moindre profondeur que l’on prête parfois à sa période américaine (1940-1945), pourtant celle de l’exil et des dernières années tragiques. Comme pour corroborer cette suspicion d’extériorité, pour ne pas dire de facilité, de son Concerto, le compositeur l’arrangea lui-même en vue d’un ballet, même si celui-ci ne vit finalement pas le jour.


Toujours est-il que l’objectif de Klaus Weise n’est manifestement pas de convaincre ceux qui préfèrent le Bartok de la Sonate pour deux pianos et percussion ou de la Musique pour cordes, percussion et célesta. Démonstratif, prenant la musique à bras-le-corps, jouant des contrastes entre violence et raffinement, privilégiant l’instant sur l’unité de l’œuvre, au prix d’une tenue élastique du tempo, le chef allemand en revendique le côté hollywoodien. Quoique parfois marquée par une difficulté à éclaircir les textures orchestrales, cette approche (richard)straussienne, à laquelle l’orchestre adhère comme un seul homme, n’est pas dépourvue d’efficacité, d’intensité ou même de poésie.



Simon Corley

 

 

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