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Un Rheingold qui vaut de l’or!

Liège
Opéra Royal de Wallonie
05/02/2003 -  et 4*, 6, 8, 10 mai 2003
Richard Wagner: Das Rheingold
Jean-Philippe Lafont (Wotan), Werner Van Mechelen (Alberich), James McLean (Loge), Martine Surais (Fricka), Léonard Graus (Fasolt), Tomas Tomasson (Fafner), Jialin Marie Zhang (Freia), Anne-Catherine Gillet (Woglinde), Christine Solhosse (Wellgunde), Magali Mayenne (Flosshilde), Elzbieta Ardam (Erda), Roger Joakim (Donner), Alain Gabriel (Froh), Helmut Wildhaber (Mime)
Orchestre de l’Opéra Royal de Wallonie, Friedrich Pleyer (direction musicale)
Jean-Louis Grinda (mise en scène), Claire Servais (collaboratrice à la mise en scène), Eric Chevallier (décors), Christian Gasc (costumes), Roberto Venturi (lumières), David Miller, Hilary Caine (études musicales)


Le pari paraît audacieux que celui de monter une Tétralogie wagnérienne pour la première fois sur une scène qui n’a pas les mêmes moyens que d’autres en Belgique (et ailleurs…), la lourdeur d’un tel projet n’étant pas à démontrer. C’est oublier cependant que l’Opéra Royal de Wallonie a malgré tout, hors Ring, une tradition wagnérienne non négligeable qui a permis de voir à Liège la plupart des œuvres du compositeur allemand. Mais admirons le goût du risque de Jean-Louis Grinda qui non seulement programme l’œuvre mais aussi la met en scène.


Et c’est le premier bonheur de ce Rheingold inauguratif. En un temps où certains metteurs en scène prennent en otage les opéras pour les accommoder à leurs fantasmes, Jean-Louis Grinda s’en tient à une dramaturgie d’une lisibilité et d’une rigueur admirables, sans pour autant revenir aux conceptions poussiéreuses de l’ère précédant l’apport de Wieland Wagner.


On sent tout au long de ces deux heures trente qui passent à toute allure et sans ennui, une profonde connaissance de l’œuvre wagnérienne, de celle du Ring en particulier en laquelle il a une totale confiance ce qui évite de recourir à des absurdités trop souvent présentes sur les scènes actuellement. Cela n’empêche pas pour autant une démarche originale : sans relire l’œuvre, Grinda souligne ici et là les détails nécessaires pour donner du relief au drame permettant une meilleure compréhension du livret.
Ce qui était une contrainte technique au départ, l’orchestre placé au fond de la scène et non dans la fosse (trop étroite), devient un atout. Les voix des chanteurs atteignent les oreilles des spectateurs comme rarement, avec une précision inouïe, certes au détriment de certains effets orchestraux.


L’orchestre est ainsi placé dans un rôle d’acteur-témoin tel un chœur antique selon l’idée de Grinda. Peu présent, voire invisible au départ, il est caché, découvert, caché à nouveau par le décor pour atteindre son apogée dans un éclairage spectaculaire lors de l’entrée des Dieux au Walhalla.


On notera également une très belle illustration du début de l’œuvre, le fameux accord de mi bémol obsédant, à peine perceptible au départ, s’épanouissant peu à peu, en même temps que du noir total émerge une projection du Frêne Yggdrasill, arbre cosmique, axe du monde qui se développe de la même manière que ces premières mesures d’une œuvre majeure de quinze heures. L’allusion symbolique de la genèse (de l’art, de la vie) illustrée à la fois musicalement et visuellement est tout à fait judicieuse.


Les décors efficaces d’Eric Chevallier permettent des changements à vue très souples et rapides : différents plans coulissants d’une remarquable sobriété mais illustrant parfaitement le contexte de chacune des quatre scènes. Au contraire assez hétérogènes dans les couleurs et les styles, les costumes superbes de Christian Gasc permettent de typer chacun des nombreux personnages de ce volet de l’œuvre.


Hormis Martine Surais, totalement déplacée vocalement (on cherche en vain justesse, homogénéité des registres et une diction compréhensible), la distribution, compte tenu d’un contexte musical donc particulier, est l’une des plus satisfaisantes que l’on ait pu entendre dans ce répertoire récemment.


Bien sûr, Jean-Philippe Lafont dans une prise de rôle attendue, démontre à nouveau son affinité avec le répertoire allemand. La voix sonore, autoritaire ne rencontre aucun problème (mais les difficultés du rôle se trouvent dans les autres volets...). Sa composition d’un dieu voulant maîtriser l’histoire mais subissant l’influence des autres personnages dégage par ailleurs une touchante vulnérabilité contrastant avec l’apparente solidité de la voix.


De toute façon, dans Rheingold, ce sont Loge et Alberich qui mènent la barque ! Werner Van Mechelen, dont le talent est bien connu des scènes belges sans être peut-être assez reconnu, est la révélation de la représentation, Alberich aux multiples facettes, du répugnant au pathétique, avec une infinie de nuances et jouissant d’une stupéfiante solidité vocale, évoquant un artiste en pleine évolution ascendante. Un peu léger vocalement mais pourtant parfaitement percutant, James McLean réussit une très intéressante composition de Loge, loin de toute caricature.


Ces trois chanteurs dominent donc la distribution mais l’on notera également les impressionnants Géants de Léonard Graus et Tomas Tomasson, ainsi que des Filles du Rhin parfaites aussi bien en trio qu’individuellement (Anne-Catherine Gillet, Christine Solhosse, habituées de cette scène, Magali Mayenne, y débutant). Si l’on se réserve sur la prestation de Jialin Marie Zhang, sous-distribuée en Freia (souvenons de son excellente Louise au Châtelet) mais pas à l’aise pour autant, on n’aura que des compliments à adresser à l’admirable et intense Elzbieta Ardam qui marque sa courte scène de manière inoubliable, avec une diction irréprochable et une homogénéité remarquable. Sans oublier les Dieux «mineurs » : Roger Joakim et Alain Gabriel ni un pathétique et vivace Mime d’Helmut Wildhaber, tous parfaitement à leur place.


Friedrich Pleyer dirige un Rheingold dans des conditions donc spéciales, ce qui peut expliquer que certains détails instrumentaux paraissent excessivement atténués. Mais sa direction est dans l’ensemble satisfaisante, la conclusion de l’œuvre mettant en évidence les réelles qualités d’un orchestre en pleine forme.


De toute évidence, un Rheingold réussi. Il ne nous reste qu’à attendre (non sans impatience) la suite avec des représentations prévues en juin prochain pour Die Walküre, Siegfried en mai 2004, Die Götterdämmerung en octobre 2004, deux cycles entiers étant programmés en 2005.



Christophe Vetter

 

 

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