About us / Contact

The Classical Music Network

Lyon

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

L''Otello lyonnais ou la revanche de Iago

Lyon
Opéra National de Lyon
02/22/2003 -  25, 27 février et 2, 4, 6* et 9 mars 2003
Giuseppe Verdi : Otello
Andrei Lantsov (Otello), Olga Guyakova (Desdémone), Sergei Leiferkus (Iago), Yann Beuron (Cassio), Carlo Cigni (Lodovico), Hélène Jossoud (Emilia), Bruno Comparetti (Roderigo), Marcin Habela (Montano), Paolo Stupenengo (un héraut)
Michel Raskine (mise en scène), Pierre-André Weitz (décors et costumes), Franck Thévenon (éclairages)
Orchestre, choeur et maîtrise de l'opéra de Lyon,
Ivan Fischer (direction).

Un Otello au visage bleu, une Desdémone en jeune mariée… Voilà quelques exemples de bizarreries vues dans la nouvelle production d’ de Verdi à l’Opéra National de Lyon.

La scène s’ouvre sur de grands panneaux gris métallisés dont certains comportent des arcades (qu’ils ressemblent à ceux qui furent employés dans les de Genève l’année dernière!…) Le “mur” du fond est découpé en trois étages, ce qui permet quelques jeux scéniques habiles, notamment lorsque Otello et Iago regardent, du deuxième étage, l’affrontement entre Cassio et Montano: une scène à double niveau se dessine et le traître raconte au maure le combat alors que les deux personnages sont immobiles et ne s’attaquent plus. Manière intéressante de montrer que Iago tire les fils de l’intrigue et qu’il manipule le héros. Les costumes sont élégants surtout ceux de l’acte III mais on ne voit pas très bien leur signification dramatique: au premier et deuxième acte, Otello porte un costume argenté et Desdémone une robe bleue. Peut-être peut-on trouver dans la couleur de l’habit une explication du visage d’Otello? En revanche, au troisième et au dernier acte, ils sont en smoking.

La distribution brille par son hétérogénéité: le meilleur (Sergei Leiferkus, Yann Beuron) se mêle au médiocre (Olga Guryakova…). Le principal problème vient du titulaire du rôle-titre, Andrei Lantsov. Habitué aux emplois lourds tels que Calaf ou Don José, il semblait être tout disposé à camper un solide Otello, rôle qu’il a déjà tenu à la Scala de Milan ces deux dernières années. Mais sa prestation n’est convaincante ni scéniquement ni vocalement. La mise en scène de Michel Raskine, certes, ne l’avantage pas en le plaçant assis sur une chaise dans le coin droit de la scène: son jeu est assez statique et il ne paraît pas dialoguer avec les autres protagonistes. A aucun moment on ne le sent touché par ce qu’il dit ou fait. Sa voix, d’une grande monotonie, ne traduit aucun sentiment, qu’il soit censé exprimer le bonheur au début du premier acte ou la colère au troisième: si on ne le voyait pas sur scène, il serait difficile, à l’écoute, de déterminer l’enjeu de son discours. La puissance de sa voix ne semble guère se prêter à ce type de personnage et, bien souvent, il est étouffé soit par l’orchestre soit par ses partenaires comme dans le duo final de l’acte 2 avec Iago. Toutefois au fur et à mesure de la représentation, il tente de prendre de l’assurance, son chant devient un peu plus sonore, mais il ne peut en aucune manière rivaliser avec Placido Domingo ou autre José Cura, pour ne citer que ces deux-là…

Desdémone est nettement meilleure que son époux. Bien plus concernée par l’action, elle évolue sur scène avec aisance mais, même si sa voix est beaucoup plus agile et plus sonore, elle ne rend pas compte de la complexité du personnage de Desdémone. Olga Guryakova dessine une femme totalement soumise à son mari, si ce n’est au moment où il l’accuse d’être infidèle (duo du troisième acte) et où elle utilise son medium, particulièrement riche, pour exprimer son indignation. Ses aigus lui posent davantage de problèmes et, très souvent, elle donne une note sans la tenir et redescend immédiatement: le fameux air du Saule et la prière en sont les témoignages les plus flagrants. De plus on ne comprend pas un traître mot de ce qu’elle dit, ce qui est un peu dommage!

Le grand triomphateur de la soirée est sans conteste Iago alias Sergei Leiferkus. Grand habitué de ce rôle qu’il a chanté sur les grandes scènes internationales, il domine la distribution par une santé vocale extraordinaire et par une totale adéquation au rôle. Toute la mise en scène est centrée autour du personnage de Iago. À la fin de l’opéra, on le voit apparaître par la trappe du milieu et venir constater victorieusement la mort de Desdémone et d’Otello. Lors du duo d’amour entre les deux héros, il est caché derrière une des arcades des panneaux, épiant leurs gestes. Son chant traduit cette omniprésence et cette volonté de vengeance que sert si bien son hypocrisie. Aucun trait du personnage n'échappe à cet excellent chanteur et il donne un sens à chaque nuance. Le célèbre credo, qu'il chante juché sur le lion de Venise, est une merveille et Sergei Leiferkus distille chaque note pour lui donner une signification. Du grand art!

Cassio, Yann Beuron, chante ici son deuxième Verdi après Fenton de . Il semble trouver chez ce compositeur des rôles qui lui conviennent et qui laissent éclater l’élégance et l’intelligence de sa voix. Au fur et à mesure des productions, il paraît davantage s’imposer scéniquement et fait de Cassio un être sensible et distant en même temps. Le duo avec Iago au premier acte est le meilleur moment de la représentation et tous les deux rivalisent en notes tenues et en pianissimo.

Les petits rôles sont parfaitement tenus, de Roderigo à Montano en passant par Emilia. Roderigo se distingue nettement de l’ensemble par sa puissance vocale et sa présence sur scène, particulièrement remarquable dans la scène finale de l’acte III quand il tente de consoler Desdémone.

L’orchestre et les chœurs sont très bons et le travail d’Alain Woodbridge (chef des choeur) est remarquable: ils font ressortir les mots du texte avec beaucoup de précision (accent sur les “t” de la phrase “tu, che reggi gli astri e il Fato!” au premier acte). Ivan Fischer, quant à lui, se dépense sans compter et propose une lecture vigoureuse d’ mais également sensible, notamment dans les quelques mesures qui précèdent le duo de Desdémone et d’Otello. Particulièrement attentif aux vents, il crée une ambiance que seuls quelques chanteurs - et non les principaux - soutiennent. Une nouvelle production assez frustrante dans la mesure où la mise en scène propose quelques idées intéressantes mais qui sont noyées, comme bien souvent, dans un cadre déprimant. La distribution, de même, permet d’entendre le meilleur et le moins bon.

Mais une question est sur toutes les lèvres à la sortie de l'opéra? pourquoi Otello est-il peint en bleu??


Manon Ardouin

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com