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La première saison de Peter Ruzicka à Salzbourg

Salzburg
Festpielhaus
07/27/2002 -  Jusqu'au 31 août 2002


L’édition 2002 du Festival de Salzbourg est avant tout une année de transition. A l’ancien directeur artistique du Festival Gérard Mortier succède Peter Ruzicka, ancien directeur artistique de l’ Opéra de Hambourg et également compositeur et chef d’orchestre.


Peter Ruzicka a visiblement cherché à rétablir un climat de calme après les nombreux conflits ouverts et visibles entre Gérard Mortier et la direction du Festival. Il a régulièrement communiqué sur ses priorités pour le Festival : un retour à Mozart et Strauss, à la musique bannie sous le troisième Reich, les opéras du dix-neuvième siècle et la création contemporaine. Ainsi cette saison présente, en plus de la reprise de la Flûte Enchantée, des nouvelles productions de Don Giovanni, de Turandot complétée par Luciano Berio (Puccini faisant parti des compositeurs décriés par Gérard Mortier), le Konig Kandales d’Alexandre Zemlinsky, L’Amour de Danae, un des opéras rares de Richard Strauss, ainsi que des exécutions de concert du Roméo et Juliette de Gounod et surtout de la petite fille aux allumettes d’Helmut Lachenman. Mêmes si certaines productions sont réalisées dans des optiques modernes et avant-gardistes qui dans le passé auraient donné lieu à quelques échanges «animés», il règne sur le festival une plus grande sérénité que par le passée, bien loin des réactions qu’avait engendrée la production très volontairement provocante et outrancière de la Chauve-Souris de Johann Strauss.


Cette année a vu également le retour de plusieurs artistes habitués du Festival de l’époque d’Herbert Von Karajan qui n’étaient pas venus depuis longtemps comme José Carreras, arrêté suite à une longue maladie, ou James Levine qui s’était consacré au Ring à Bayreuth durant plusieurs saisons, et également le retour de Nikolaus Harnoncourt qui lui s’était heurté ouvertement à Gérard Mortier. Ce dernier en plus du Don Giovanni, a également dirigé un concert passionnant avec l’Orchestre Philharmonique de Vienne consacrée à la 9e Symphonie d’Anton Bruckner, avec en première partie une présentation de tous les fragments du dernier mouvement resté inachevé. Fait marquant : ce «concert-conférence» a été retransmis en live à la télévision Autrichienne, Messieurs-Dames de France Télévision, merci de prendre note !


Il est évidemment trop tôt pour dire exactement comment le nouveau Salzbourg de Peter Ruzicka va évoluer, une seule saison pour établir sa marque est bien trop court. Ceci dit, comme ces spectacles le montrent, Salzbourg reste toujours un environnement unique où durant tout un mois sur plusieurs salles, les artistes peuvent trouver un environnement unique où il leur est possible de donner leur meilleur.



Grosses Festpielhaus, Felsenreitschule
8/13/02 et 17, 18 Août 2002
Richard Wagner : 1er acte de la Walkyrie, 2e acte de Parsifal
Waltraud Meier (Sieglinde/Kundry), Placido Domingo (Siegmund/Parsifal), Kurt Moll (Hundig), Richard-Paul Fink (Klingsor)
Orchestre du Metropolitan Opera de New York, Chœur de l’ Opéra de Vienne, James Levine (direction)


James Levine est peu connu du public Français. A ma connaissance, il n’est venu à Paris qu’une seule fois en 1993 pour remplacer au pied levé Carlo-Maria Giulini souffrant avec la Philharmonie de Vienne. Sans doute ce concert mal préparé et décevant et la méfiance proverbiale des Français par rapport aux Américains, ne rendent pas justice aux qualités de ce musicien qui a fait du Metropolitan Opera de New York une des meilleurs scènes au monde.


C’est ce dernier qui était à l’honneur lors d’une soirée où étaient présentées en version de concert le premier acte de La Walkyrie et le deuxième acte de Parsifal avec en principaux solistes Placido Domingo et Waltraud Meier. De l’épreuve délicate que représente l’Opéra en version de concert, l’orchestre du Met en sort brillamment, notamment les pupitres des cordes particulièrement exposées par Richard Wagner qui leur demande souvent une précision rythmique que de trop nombreux ensembles noient allègrement. Levine, qui connaît bien ces œuvres, dirige avec tempi très souples. Il n’y a rien de brusqué dans sa direction, tout se déroule avec beaucoup de naturel. Son attention aux chanteurs est également remarquable montrant bien pourquoi tant d’entre eux se sentent à leur aise sous sa direction. L’accompagnement de l’air de Kundry, « Ich sah das Kind » était un modèle du genre, complètement en harmonie avec le phrasé, le rubato et la respiration de Waltraud Meier.


Passons sur le pâle Klingsor de Richard-Paul Fink pour saluer le Hunding menaçant et toujours vaillant de Kurt Moll, dont la carrière semble éternelle. Placido Domingo semble également bénéficier d’un élixir de jouvence. Il a surtout su déplacer avec beaucoup d’intelligence, le centre de son répertoire vers des rôles de ténors plus barytonans qui correspondent bien à sa tessiture actuelle, d’où son intérêt sur des rôles Wagnériens ou sur Hermann de La Dame de Pique de Tchaikowsky. Enfin, faut-il le rappeler, même avec la carrière qu’il a eu, il reste sur scène en tout cas, tout contraire d’une star. Les notes sont toujours là avec la qualité que l’on connaît et qui pourrait en remontrer à plus d’un de ses cadets. Il faut juste regretter un certain manque au niveau du texte, puisque ce n’est pas un Germaniste né. Mais c’est surtout dans l’intensité dramatique et dans sa capacité à colorer la voix qu’il est extraordinaire. Seul un très grand Otello peut apporter l’expression tragique qu’il donne à la fin de la narration des batailles de Siegmund dans le premier acte de la Walkyrie.


La grande triomphatrice de cette soirée est Waltraud Meier. Mezzo-Soprano ou Soprano Dramatique ? Il est difficile de la cataloguer. Elle a toute la tessiture voulue pour le rôle de Sieglinde mais surtout reste toujours la Kundry de son époque. Qui d’autre a une telle capacité pour passer par toutes les méandres de ce rôle, séduisant et intérieur puis évoluant lentement vers la violence et la folie ? Vingt ans après ses débuts dans ce rôle à Bayreuth, elle reste l’idéale interprète de ce rôle.


Antoine Leboyer




8/18/02
Grosses Festspielhaus
Frédéric Chopin: Nocturnes op 32, Ballades
Claude Debussy: Deuxième livre des Préludes

Maurizio Pollini (piano)

Dans un tout autre domaine, Salzbourg propose également des séries de récitals des plus grands artistes et chanteurs actuels. Maurizio Pollini en fait partie des grands habitués et proposait un récital mélangeant les Quatre Ballades de Frédéric Chopin et le Deuxième livre des préludes de Claude Debussy. Que dire qui n’a pas été dit ou écrit sur ce très grand artiste ? Maurizio Pollini, par ses moyens pianistiques, par la profondeur de son jeu et l’intériorité de ses lectures est un pianiste qui a marqué son époque au même titre qu’un Pierre Boulez pour la direction d’orchestre ou qu’un Dietrich Fischer-Dieskau le lied. Lorsque Pollini est particulièrement en forme ou à son aise ou devant un bon public, s’allie à la qualité de sa conception un sens poétique extraordinaire. Dans ce cas, comme dans ce concert, la musique apparaît comme évidente. Chaque note trouve sa place et on se dit que toutes les intentions du compositeur sont rendues à cette occasion et qu’il n’est pas possible de mieux jouer.


Antoine Leboyer




08/15/02
Kleines Festspielhaus
Récital de Renée Fleming

Les Liederabende sont une tradition salzbourgeoise. On y entend aussi bien des chanteurs distribués dans tel ou tel opéra du festival que des chanteurs venus exprès pour l'occasion, comme Renée Fleming, qui donna un récital le 15 août au petit Festspielhaus. L'occasion de faire le point sur une cantatrice fort médiatisée, pur produit du star system, qui ne compte plus ses triomphes. Mais il faut se rendre à l'évidence : sa gloire est très surfaite. On a vu au Châtelet que, malgré les apparences, elle n'avait guère d'affinités avec Bellini. On a vu à Salzbourg qu'elle en avait encore moins avec la mélodie et le lied. Car l'articulation reste pâteuse, ce qui rend les mélodies de Fauré incompréhensibles même pour les auditeurs français. L'intelligence du texte est rien moins que satisfaisante, la cantatrice se permettant des libertés qu'on peut concevoir dans certains opéras mais qui brisent la ligne de chant et ne correspondent pas à l'esprit du texte : les Sieben frühe Lieder de Berg, où les mots sont essentiels, en ont beaucoup pâti, comme les lieder de Joseph Marx et, plus encore, ceux de Richard Strauss, où la phrase se trouve disloquée pour s'adapter aux respirations de la chanteuse. Car tout n'est pas en place vocalement non plus, surtout au niveau du haut médium et du passage. Il en faut plus pour mécontenter le public fort huppé du festival, qui en redemande. La star donne alors sept bis : deux mélodies de Rachmaninov et Strauss, "O mio babino caro" de Gianni Schicchi de Puccini, un air de la Ville morte de Korngold et un air du Tramway nommé désir d'André Previn. C'est dans ce dernier extrait qu'elle retrouve ce naturel qui lui a tant fait défaut au cours de la soirée. L'air de Puccini est un scandale, la chanteuse se livrant à un vrai jeu de massacre pour flatter les plus mauvais instincts du public, à coup de rubatos racoleurs et de points d'orgue complaisants. Autant dire que le narcissique Jean-Yves Thibaudet n'a pas fait son travail, car un accompagnateur doit être un partenaire et, dans ce cas, un chef de chant. Chacun était visiblement de son côté, alors qu'on attend une subtile fusion entre le piano et la voix. Peu importe, après tout, la maison de disques a réuni deux de ses stars. Le pianiste a même tenu à jouer seul la Ballade en si mineur de Liszt, fort platement d'ailleurs, ce qui, entre Fauré et Marx, était pour le moins incongru. Imagine-t-on Sviatolsav Richter ou Daniel Barenboim se livrer à pareil exercice au milieu d'un récital de Dietrich Fischer-Dieskau ou de Christa Ludwig ? Il est vrai que Jean-Yves Thibaudet n'est ni Richter ni Barenboim et que Renée Fleming n'est ni Fischer-Dieskau ni Ludwig.


Didier van Moere




Occasion manquée
Grosses Festspielhaus
07/27/02 et les 1, 4, 9, 11, 16, 19 et 21 août 2002
Wolfgang Amadeus Mozart : Don Giovanni
Thomas Hampson (Don Giovanni), Anna Netrebko (Donna Anna), Michael Shade (Don Ottavio), Kurt Moll (Commandeur), Melanie Diener (Donna Elvira), Ildebrando D’Arcangelo (Leporello), Luca Pisaroni (Masetto), Magdalena Kozena (Zerlina)
Wiener Philharmoniker, Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor, Nikolaus Harnoncourt (direction)
Martin Kusej (mise en scène)


Rarement production de Don Giovanni aura fait couler autant d’encre dans les colonnes de la presse. Est-ce Salzbourg qui stigmatise tous les regards après l’ère Mortier? Est-ce l’une des dérives de la critique d’opéra qui s’attache d’abord aux mises en scène ? Mystère que ce déchaînement contre un spectacle qui n’a rien de véritablement iconoclaste. On a vu bien pire. Un carrousel blafard comme décor, des femmes en petite tenue comme potiches, un écran vidéo en lieu et place du cimetière, Martin Kusej ne fait certes pas dans la dentelle. On dirait même que qu’il tente de multiplier les images pour combler le dénuement de son procédé scénique. Inutile donc les défilés en dessous de ces créatures jeunes ou vieilles, inutile cette scène finale où Leporello achève un Don Giovanni agonisant, inutile encore l’atmosphère fétichiste limite sado-maso qui nimbe la production. L’optique de Kusej rencontre ainsi de nombreux écueils, le plus grave étant sans doute la négation totale de l’aspect giocoso de l’opéra de Mozart. Pourtant, par un parti pris de réalisme sur le plan dramatique, le metteur en scène éclaire certaines scènes, certains personnages d’un nouveau jour. Les trois femmes notamment ne sont plus des créatures hystériques et naïves mais des êtres qui désirent, qui souffrent et qui désirent encore. Ce choix a l’avantage de nous les rendre beaucoup plus proches et crédibles mais tend hélas à gommer la caractérisation de chacune. A ce titre Kusej n’est pas aller au bout de sa bonne idée. C’est pourtant dans ce contexte que se justifient les ralentissements de Nikolaus Harnoncourt. Souvent cohérents, ils mettent en lumière la séduction doucereuse de Don Giovanni («La ci darem la mano», «Dei vieni a la finestra») ou la douleur intérieure d’Elvira («Mi tradi»). Là encore pas de quoi crier à l’hérésie, mais l’occasion d’entendre autrement l’œuvre de Mozart. D’autant qu’elle est plutôt bien servie par une équipe de chanteurs cohérents vocalement et physiquement. On remarquera ainsi la belle Donna Anna d’Anna Netrebko, au timbre incisif et clair, l’Ottavio viril et digne de Michael Shade ou le Leporello vocalement superbe d’ Ildebrando D’Arcangelo. Même Thomas Hampson, qui n’a plus les moyens de Don Giovanni en a le charisme et la noirceur. On pourra simplement regretter que les tempi d’Harnoncourt rendent ardue la tâche des chanteurs qui doivent trouver des trésors de souffle pour assurer la ligne vocale de certains airs. Au final, une production qui ne parvient pas à convaincre mais qui ne méritait pas les foudres dont elle a fait l’objet.


Katia Choquer




Une flûte enchanteresse
Felsenreitschule
07/29/02 et les 1, 3, 5, 9, 11, 13, 17, 21, 25 et 27 août 2002
Wolfgang Amadeus Mozart : Die Zauberflöte
René Pape (Sarastro), Rainer Trost (Tamino), Wolfgang Schöne (Sprecher), Markus Eiche (Priester), Dietmar Kerschbaum (Priester), Diana Damrau (Königin der Nacht), Barbara Bonney (Pamina), Anja Harteros (Erste Dame), Katharina Kammerloher (Zweite Dame), Katharine Goeldner (Dritte Dame), Martina Janková (Papagena), Simon Keenlyside (Papageno), Robert Wörle (Monostatos), Solisten des Tölzer Knabenchors (Drei Knaben),
Wiener Philharmoniker, Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor, Bertrand de Billy (direction)
Achim Freyer (mise en scène)


Même si elle est adaptée pour la première fois à la géographie de la Felsenreitschule, la production d’Achim Freyer de La Flûte enchantée a déjà fait ses preuves depuis plusieurs années à Salzbourg. Transposée dans l’univers du cirque, l’œuvre de Mozart se déroule ainsi sous un chapiteau où les personnages évoluent en costumes de clown ou de Monsieur Loyal. Rien de grotesque ou de caricatural cependant dans l’optique du metteur en scène mais un univers à la fois féerique et mobile regorgeant de bonnes trouvailles. L’étonnement et le ravissement ne faiblissent pas, maintenant l’attention tout au long de ce singspiel au canevas décousu. Un bonheur scénique renforcé par la grande qualité musicale du cru 2002. D’abord, la direction extraordinairement fine et alerte de Bertrand de Billy qui cisèle l’orchestre avec goût, qui soutient les chanteurs avec attention. Ensuite la belle distribution dominée par une Barbara Bonney idéale autant sur le plan vocal que dramatique. Chez elle tout semble naturel, bouleversant de simplicité. La soprano campe une Pamina de rêve à faire pâlir le Tamino introverti de Rainer Trost. Rêveur et fragile, le chanteur sait toutefois faire oublier ses quelques défaillances techniques par une incarnation touchante. A l’inverse, Simon Keenlyside a pleinement les moyens de Papageno mais il lui manque la truculence du personnage. S’il se révèle un acrobate accompli, le chanteur privilégie trop la sobriété sur la cocasserie. Malgré des vocalises un peu raides dans le premier air de la Reine de la Nuit, Diana Damrau parvient à imposer son colorature au timbre bien assis et nous offre une seconde intervention magnifique d’aplomb et d’expressivité. Face à elle, l’ennemi juré Sarastro est magnifiquement servi par René Pape qui a les graves du rôle et la prestance physique. Quant au reste de l’équipe, elle est irréprochable, achevant de faire de cette Flute l’une des plus réussie que l’on ai vu et entendu ces dernières années.




Katia Choquer

 

 

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